Dans le numéro de septembre, nous avions abordé le problème
du classement des petits bois ronds donnés par les taillis, les coupes à blanc
de jeunes plantations résineuses, les éclaircies de futaie et les cimes des
arbres. En particulier, nous avions étudié la question des bois de feu et celle
des bois de papeterie.
Nous allons dire quelques mots maintenant sur les bois de
mines. Ces bois de soutènement sont principalement destinés aux mines de
houille, mais aussi aux mines de fer, de potasse, à diverses exploitations en
carrières, etc. … Les besoins annuels de la France sont de l’ordre de
2.500.000 mètres cubes. Les mines exigent à juste titre, puisque la sécurité
des mineurs en dépend, des produits de choix :
1° Essences ayant du nerf, c’est-à-dire alliant à une
haute résistance mécanique à la flexion ou à la compression diverses qualités
telles que rupture non brutale accompagnée de craquements distincts et d’une
flèche bien visible à l’œil ; le pin sylvestre, en particulier celui des
pays septentrionaux, le pin maritime, le chêne, le robinier sont, à cet égard,
d’excellents bois ;
2° Bois bien droits (flèche inférieure à 3 centimètres
par mètre), cylindriques (défilement inférieur à 2cm,5 par mètre),
bien façonnés, sans éclats ni fentes, écorcés s’il s’agit de résineux ou rainés
s’il s’agit de feuillus ;
3° Bois sains, abattus hors sève, sans altérations, sans
piqûres, sans nœuds en couronne ;
4° Bois livrés à des dimensions fixées par les cahiers des
charges et dans certaines proportions figurant également sur ces textes
réglementaires.
Toutes ces conditions doivent être impératives pour
les producteurs de bois de mines. En cette matière, toute fraude serait un
crime. Par ailleurs, si les producteurs de bois et les exploitants
forestiers veulent conserver ce débouché, ils doivent fournir des produits
d’excellente qualité et à un prix normal, sinon le soutènement métallique
continuera à prendre de l’extension au détriment du bois.
Actuellement, il est assez difficile de trouver dans les
forêts françaises tous les bois dont nos mines ont besoin. En particulier, nous
sommes déficitaires en bois de pins, bois appréciés pour leurs caractéristiques
mécaniques, leur facilité de travail et leur légèreté pour la manutention dans
les « tailles ». Les incendies de l’été dernier vont porter un coup
rude à notre approvisionnement en bois de mines. La forêt de pin maritime du Sud-Ouest
de la France produisait près de la moitié des bois de mines résineux dont nous
avions besoin et une grande partie de cette forêt est maintenant détruite. Les
beaux peuplements de pin sylvestre sont rares en France. Le pin noir d’Autriche
peut être utilisé, mais il ne vaut pas le sylvestre. On reproche au sapin et à
l’épicéa leurs nœuds en couronne. On doit donc se tourner vers les feuillus :
le chêne est un excellent bois, mais lourd et dur à travailler, le hêtre casse
brutalement et est refusé par les mines, le charme est bon quand il est frais,
mais il s’altère facilement et devient cassant, le châtaignier et le robinier
sont fissiles, le bouleau a des propriétés médiocres, le tremble est cassant,
le tilleul est trop flexible.
Le bois de mines feuillu ne peut donc pas constituer le fond
de notre approvisionnement. Il nous faut des bois de mines résineux. Il
faut reconstituer ce qui a été brûlé, enrésiner nos mauvais taillis, planter
les terrains abandonnés par la culture et y cultiver du bois de mines
(pin maritime, pin sylvestre, pin laricio, etc. ...). L’aide du Fonds
forestier national y contribuera.
En dehors des bois de mines, une autre catégorie de gros
bois ronds d’importance notable est constituée par les poteaux de lignes et
perches d’industrie.
Les besoins annuels de la France sont d’environ 400.000 à
500.000 poteaux de ligne, ce qui n’est pas énorme. Contrairement à ce qui se
passe en Amérique du Nord ou en Scandinavie, nos principales lignes sont sur
poteaux fer ou béton, et seules les petites lignes sont sur poteaux bois. Nos
besoins sont donc seulement de l’ordre de 125.000 à 150.000 mètres cubes de
grumes. Mais, toutefois, il s’agit d’une sélection. Pour faire de beaux
poteaux, il faut en effet :
1° Des essences spécialement choisies pour leurs qualités
mécaniques, leur durabilité, leur facilité d’imprégnation par les
antiseptiques ; l’épicéa, le sapin ont des qualités mécaniques remarquables,
mais sont assez difficiles à imprégner ; le pin sylvestre est très bon et
s’imprègne très bien ; le mélèze de montagne est excellent, mais
rare ; le pin noir d’Autriche, le pin maritime ont une forme souvent moins
bonne que le sylvestre, mais ils sont utilisés ; la plupart des essences
résineuses (pin Weymouth exclu) sont aptes à donner de beaux poteaux.
2° Des grumes ayant des caractères de forme et de dimension
bien déterminées, grande rectitude, absence de déformation en baïonnette,
cylindricité, longueur de l’ordre de 6m,50 à 15 mètres,
diamètre au fin et au gros bout en rapport avec la longueur (voir cahier des
charges), etc. ...
3° Des grumes sans défauts ni altérations, abattues hors
sève et écorcées quand elles sont destinées à être créosotées, laissées sous
écorce quand elles doivent être injectées au sulfate de cuivre par le procédé
Boucherie.
4° Les poteaux sont soumis à différentes techniques
d’imprégnation par des agents antiseptiques, pour accroître leur
durabilité ; les cahiers des charges indiquent les caractéristiques et les
dosages des antiseptiques, les modalités de l’imprégnation, les quantités
d’antiseptiques à introduire par mètre cube de poteau, etc. ... Les
principaux procédés d’imprégnation sont le procédé Estrade à la créosote, par
séchage et fendillement suivis d’injection à l’autoclave, le procédé Béthell à
la créosote, par vide et pression, le procédé Rüping par surpression de
créosote, le procédé Kyan par immersion dans le bichlorure de mercure, le
procédé Boucherie par pénétration longitudinale de sulfate de cuivre,
etc. ...
La production des poteaux de lignes au moyen de plantations
résineuses peut se faire dans la vie d’un homme et est donc susceptible
d’intéresser le propriétaire particulier. Là encore le boisement est un devoir
national.
Il ne nous est pas possible, dans le cadre de ce court
article, de parler de la production des perches d’industrie pour houblonnières,
échafaudages, batellerie, agriculture, viticulture, échelles, etc., ni des
pilots. Il y a cependant là matière à réflexion et une culture intéressante.
LE FORESTIER.
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