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Élevage

La fatigue des chevaux

Malgré les ressources supplémentaires d’énergie fournies par l’extension de la motorisation, les travaux de la moisson ont été cette année, par suite de températures excessives, particulièrement fatigants pour de nombreux chevaux, dont certains furent même utilisés inconsidérément au delà des limites de leurs forces.

La plupart en restent plus ou moins éprouvés, ce qui ne doit pas échapper à tout propriétaire soigneux et prévenu en constatant leur amaigrissement, leur appétit capricieux et leur aptitude au travail sensiblement diminuée, tous symptômes qu’on qualifie dans le langage hippique en disant que les animaux ont « baissé d’état » et ne sont plus en « condition » (sous-entendu de travail).

La puissance nerveuse de certains sujets, qui sont généralement parmi les meilleurs, les incite à répondre à toutes les sollicitations qui leur sont adressées, jusqu’à ce que leur puissance musculaire s’effondre, car les muscles possèdent une limite de contraction qu’ils ne peuvent impunément dépasser, quelle que soit l’intensité de l’excitation. D’autre part, les forces d’un cheval étant toujours sous la dépendance de son alimentation, qui lui fournit les « calories » qu’il brûle pendant le travail, il est indispensable qu’un juste équilibre soit établi et maintenu entre les ressources mises à sa disposition et les dépenses, sous forme d’efforts, qu’on peut être appelé à lui demander.

Et à ce propos, dans la pratique courante, pour agir au mieux des circonstances, nous rappelons à l’attention des intéressés les conseils ci-dessous, donnés par le professeur de zootechnie A. Sanson, dans un de ses nombreux ouvrages :

« Un animal travailleur cessant de se maintenir en bon état d’embonpoint, il faut d’abord augmenter progressivement sa ration alimentaire ; s’il reprend, c’est que sa ration première était insuffisante et que la nouvelle lui est nécessaire et doit lui être continuée ; s’il persiste au contraire à dépérir, nonobstant l’augmentation de nourriture, on a la preuve certaine que son aptitude au travail a été dépassée et que celui-ci doit être réduit, non point la ration augmentée, puisqu’elle le serait en pure perte. »

Et nous ajouterons, en plus, que, pour apprécier exactement les effets du travail, il faut aussi tenir compte de la continuité des services et ne pas oublier que l’alternance du repos et de l’exercice dans les divers travaux est un excellent moyen pour faire durer plus longtemps les services des chevaux.

À l’état de repos, le muscle vit comme les autres tissus en assimilant les produits de la nutrition et en éliminant quelques déchets qui, entraînés par le sang, sont finalement rejetés à l’extérieur par l’urine, la sueur et l’air expiré.

Lorsque le muscle travaille, non seulement les produits de déchets sont plus abondants, la nutrition étant plus active, mais des produits nouveaux se forment, dont l’acidité révèle facilement la présence dans les milieux alcalins ou neutres de l’organisme. Ils s’accumulent en partie dans les muscles, une autre partie est excrétée, et c’est la présence de ces produits nocifs dans les muscles qui produit la sensation de fatigue, d’où l’appellation de « substances fatigantes » qui leur a été donnée. L’altération des muscles en état de fatigue n’est le plus souvent que passagère, le sang qui les traverse les purifie en les débarrassant de tous ces produits de déchets qui s’éliminent par l’urine, et, après quelques heures de repos, l’organisme devient apte à de nouveaux efforts. Si, au contraire, le travail se prolonge, les substances fatigantes produites en surabondance ne s’éliminent pas assez rapidement, elles s’accumulent dans le sang et peuvent provoquer des désordres variés, dont la fièvre est une des premières manifestations de l’intoxication de l’organisme.

La prophylaxie de la fatigue réside entièrement dans une juste observation des effets du travail, dont les déperditions normales doivent être récupérées par les bons effets conjugués d’un repos et d’un régime alimentaire suffisants, en soulignant que la question de l’abreuvement, dont nous avons déjà signalé l’importance, a eu dans les circonstances que nous invoquons une influence déterminante, trop souvent insoupçonnée.

Après le repos, qui est le premier et le meilleur des remèdes contre la fatigue, il est indiqué d’utiliser les bons effets des frictions sur le corps de l’animal avec un chiffon de laine, un bouchon de paille ou une brosse de chiendent utilisés à sec, ou imbibés de vinaigre légèrement chauffé, d’alcool camphré, d’eau sinapisée ou de tout autre révulsif, en insistant spécialement sur les muscles du dos, de la croupe et des épaules.

Des massages méthodiques des muscles suffisent à faire disparaître la sensation de fatigue, assez souvent douloureuse (myosite musculaire), en activant la circulation du sang, en provoquant la dilatation veineuse, qui entraîne les substances intoxicantes des muscles, de quelque nature qu’elles soient, dans le courant sanguin, d’où elles seront éliminées par les sécrétions rénale et urinaire. Cette action libératrice sera encore accentuée par un régime rafraîchissant et dépuratif comprenant barbotages, mashes ou buvées, thé de foin, auxquels on ajoutera journellement de 10 à 15 grammes d’azotate de potasse et 20 grammes de bicarbonate de soude, médicaments pouvant être remplacés par des décoctions de chiendent et des lavements froids répétés.

J.-H. BERNARD.

Le Chasseur Français N°634 Décembre 1949 Page 806