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Automobile

Tendances du dernier salon

Le 36e Salon de l’Automobile, qui s’est terminé en beauté tant par la qualité des modèles présentés que par le nombre considérable des entrées, nous a apporté, vu sous l’angle technique, des tendances bien précises qu’il importe de dégager.

Ce Salon a été dénommé dans la presse le « Salon de la Liberté ». Rien n’est plus exact. Liberté des ventes, sauf les prix, liberté des pneumatiques et bientôt liberté de l’essence avec la suppression du double secteur.

Remarquons en passant que, si les constructeurs pouvaient couvrir leur carnet de nombreuses commandes, il faut s’empresser d’ajouter que les délais de livraison restent longs et sans garantie précise. On notait, en effet, huit à douze mois pour Citroën, dix mois pour la Peugeot 203, trois à quatre mois pour la 4 CV Renault, la 6 CV Simca demande deux mois, la 8 CV, six mois ; quant à la Ford Vedette, elle peut être livrée presque à lettre lue. Nous ne sommes plus en 1938, époque bénie où l’acheteur était détecté par tous les moyens que la technique commerciale avait à sa disposition, prospecté, relancé, fiché, traqué. Mais enfin, nous nous y acheminons à grands pas.

L’effort de nos constructeurs porte, comme par le passé, sur des véhicules ultra-économiques. La 2 CV Citroën a levé complètement tous les voiles qui la cachaient aux yeux des usagers. Elle n’est déjà plus un prototype. Demain, il va falloir compter sérieusement avec elle. La 4 CV Renault, avec trois années d’avance, confirme ses qualités premières. Nous l’avons vue au Relais de Monte-Carlo se comporter comme une voiture de grande classe. De leur côté, la Panhard Dyna, la Simca-Six, l’Austin en Angleterre ne sont pas en reste.

Toutes ces voitures, surtout celles qui comportent 4 places et qui étaient regardées comme des modèles transitoires dus aux conditions économiques issues de la guerre, ont créé une classe à part et rien ne permet de dire que leur succès ne sera pas durable.

Tous les usagers disposant d’un budget limité se tourneront vers elles, mais ils exigent une voiture à 4 places, suffisamment spacieuse, consommant entre 5 ou 6 litres d’essence aux 100 kilomètres ; entretien minimum, bonne suspension, présentant une sécurité mécanique parfaite avec 60 à 65 kilomètres de moyenne à l’heure.

À côté de ces ultra-économiques  — nous allions dire économiquement faibles, — se développe, en France et en Europe, une autre classe qui, au lieu d’une cylindrée de 600 à 800 centimètres cubes comme la précédente, voit la cylindrée osciller entre 1.100 et 1.500 centimètres cubes ; ce sont en quelque sorte nos anciennes 2 litres, qui, avec le progrès, sont parvenues aux mêmes performances et à la même habitabilité, avec une économie de consommation et d’entretien sensible.

La 203 Peugeot semble prendre la tête dans cette catégorie en France, l’Hillman et la Morris en Angleterre. Allégement général du châssis et de la carrosserie et accroissement du rendement du moteur avec les soupapes en tête inclinées et culasse hémisphérique, joint à l’allumage au centre, toutes caractéristiques que l’on trouve dans la 203. Vient ensuite la classe des 1.600 à 2.200 centimètres cubes, illustrée par la Ford Vedette. Cette catégorie efface avantageusement les 15 et 18 CV d’hier. Enfin, fermant la marche, les voitures de grand luxe, au milieu desquelles on reconnaît les Talbot, Delahaye, Delage, Hotchkiss pour la France, et toutes les étincelantes américaines allant de la Ford à la Cadillac, en passant par Hudson, Buick, Chrysler, Nash, Packard, etc. ...

Si l’on remarque le succès remporté par la 203 Peugeot sur les marchés suisse et belge, pays où il n’existe pas de fabrication nationale et dont les habitants, disposant de devises fortes, peuvent choisir en toute liberté la voiture de leur choix, on peut en conclure que c’est surtout dans la voiture de classe moyenne que nous devons attendre la plus grande récompense de nos efforts. Mais nous savons que, pour soutenir la bataille à l’exportation, il est indispensable de s’appuyer sur de larges débouchés à l’intérieur de notre pays. Or la demande de 7-8 CV 4 places est considérable sur le marché français. Une diminution du prix de l’essence permettrait encore de renforcer la position de notre construction nationale. Même le marché américain pourrait être pour nous une source de profit si nous persévérons dans notre effort sur la 1.500 centimètres cubes ; à plus forte raison les autres marchés mondiaux.

Afin d’obtenir les hauts rendements actuels, on a encore accru les taux de compression. Avec la 203 Peugeot, qui, comme on le voit, reste, cette année, le modèle type, on note un taux de compression de 6,8. C’est beaucoup pour le faible indice d’octane de nos essences, mais la forme hémisphérique des chambres d’explosion permet d’éviter le fâcheux « cliquetage ». Les soupapes en tête sont générales. Mieux, l’arbre à came en tête, qui jadis était réservé aux mécaniques de qualité : Bugatti, Hispano, Salmson, gagne du terrain tant en France qu’à l’étranger. C’est que le régime normal de beaucoup de moteurs dépasse les 4.000 tours-minute. On note 4.500 tours pour la 203 ; près de 5.000 pour la Dyna-Panhard ; avec le moteur Crosley, on dépasse les 5.300 et une compression de 7,8.

À de telles vitesses de rotation, les tringleries de commande des culbuteurs présentent une sensible inertie entraînant des risques d’avaries.

Les 6 et 8 cylindres ne gagnent plus de terrain. On s’aperçoit que le vieux 4 cylindres n’est, après tout, pas si mauvais que cela.

Nous assistons à la vogue soudaine du moteur à 2 cylindres opposés à plat, dit flat twin. On obtient avec cette disposition un équilibrage dynamique presque parfait. La Dyna Panhard, Rovin, la 2 CV Citroën font confiance au flat twin. La 4 cylindres à plat se rencontre chez Caproni, Grégoire, Tatra, etc. ... Les lignes aérodynamiques, basses sur l’avant, s’accordent particulièrement de cette disposition.

Peu de changement chez les partisans de la traction et de la propulsion.

En Europe, où il importe de construire à bon marché, et où une modification profonde des modèles n’entraîne pas des frais catastrophiques par suite d’emploi d’un outillage aussi poussé qu’en Amérique, on compte 13 constructeurs qui ont adopté le tout à l’avant, et 9 le tout à l’arrière.

La construction américaine reste fidèle, de son côté, à la disposition classique du moteur à l’avant avec propulsion par les roues arrière.

Par contre, elle fait de grands efforts pour généraliser, même sur les voitures de série : Buick, Cadillac, Oldsmobile, Pontiac, les changements de vitesses hydrauliques, automatiques et semi-automatiques. La manœuvre du levier de vitesses est réduite à sa plus simple expression. Malheureusement la construction française, par souci d’économie et par manque de surpuissance de ses modèles, montre peu d’enthousiasme à suivre ce chemin.

Côté suspension, la barre de torsion marque un temps d’arrêt dans sa généralisation, au profit des ressorts hélicoïdaux. Châssis américains et européens font appel à ces derniers.

Mais déjà ceux-ci sont tenus en échec par l’utilisation poussée du caoutchouc comme agent amortisseur. Lancia, Firestone, Auto-Union, Continental utilisent déjà des suspensions flexibles avec emploi du caoutchouc. La commande hydraulique est maintenant la seule adoptée dans le freinage.

La direction à crémaillère, lancée en grande série par Citroën, parfaite avec les roues avant indépendantes, étend son succès sur la plupart des stands.

Quant à la turbine à gaz, on constate qu’elle reste toujours dans le domaine des essais. Rappelons qu’elle se trouve devant des obstacles presque infranchissables, savoir : température de fonctionnement très élevée (près de 1.000°), vitesse périphérique de l’ordre de 400 mètres par seconde, donnant une vitesse de rotation de l’ordre de 50.000 tours-minute, d’où trains démultiplicateurs, consommation spécifique considérable, difficultés de régulation.

Le moteur à explosion a encore de beaux jours devant lui.

G. AVANDO.

Le Chasseur Français N°634 Décembre 1949 Page 812