Il y a quelques mois, lors du Salon de l’Aviation,
l’ingénieur Pierre Mauboussin, qui dessina de nombreux appareils de tourisme,
présentait au public un appareil qui fit sensation : le planeur à réaction
« Fouga-Cyclone ». Cet appareil, très rapidement construit, après de
longues études secrètes, n’avait pas encore volé ... et il suscita une
immense curiosité ; il n’éveilla pas moins un certain scepticisme chez
quelques techniciens : les performances théoriques escomptées par les
constructeurs étaient vraiment sensationnelles.
Le 14 juillet dernier, aux mains du chef pilote Bourrieu,
le planeur à réaction « Fouga-Cyclone » effectuait un magistral vol
d’essai sur le terrain d’Aire-sur-Adour, puis, méthodiques, les essais se
poursuivirent. Actuellement, ils sont pratiquement terminés. Le planeur à
réaction, ou, mieux, l’avion léger à réaction — c’est ainsi qu’il est
désigné maintenant, — est une réalité, et les performances qu’il a
réalisées ont dépassé les prévisions les plus optimistes de ses constructeurs.
Ses principales caractéristiques.
— La cellule de l’avion léger à réaction « Fouga-Cyclone »
n’est pas celle que le public avait pu voir au Salon. En deux mois, une
nouvelle cellule fut conçue et construite. Ses caractéristiques n’ont cependant
que très peu varié. Un de ses aspects particuliers est son empennage en forme
de V. Cette cellule peut s’apparenter à celle d’un planeur de performance,
à l’envergure et à la surface de voilure importantes. Son train d’atterrissage
est monoroue, complété par une béquille et des embouts de protection aux
extrémités de la voilure. La cabine du pilote, très profilée, est en plexiglass,
et le réacteur est placé sur le fuselage légèrement en retrait de cet
habitacle. Cent litres de kérozène peuvent être logés dans deux réservoirs
situés dans les bords d’attaque d’ailes. La charge superficielle de 40 kilos
est faible pour un rapport poids/poussée de l’ordre de 5,5. C’est ce compromis
qui assure au « Cyclone » ses qualités d’écart de vitesse et
d’aisance au décollage sans nuire à sa vitesse pure et à ses qualités de
grimpeur.
Au poids de 525 kilos, le « Cyclone » peut
évoluer sans « décrocher » à 65 kilomètres à l’heure (volets
braqués) et atteindre la vitesse de 300 kilomètres à l’heure (volets
rentrés), pleins gaz. Après avoir roulé 250 mètres au sol, il atteint la
hauteur de 4.000 mètres en vingt minutes seulement, et son plafond
pratique atteint 10.000 mètres. Il est indéniable que de telles
performances ne sont pas à la portée de l’avion classique, de l’avion de tourisme
équipé d’un moteur à pistons.
Son turbo-réacteur.
— L’utilisation d’un turbo-réacteur sur une cellule
d’aussi faible tonnage et adaptée aux exigences du pilote privé (c’est le but
poursuivi par les constructeurs) est évidemment une révélation. Il semble que
l’avenir que certains prêtaient à la turbine à gaz pour remplacer le moteur à
pistons de faible cylindrée soit à la veille de devenir une réalité.
C’est la France, qui a cependant un certain retard dans la
technique des turbo-machines de grande puissance, qui aura été la grande
innovatrice dans ce domaine.
Le turbo-réacteur équipant le « Cyclone » est une intrapolation
excessivement hardie du turbo-réacteur classique. Elle est due à l’ingénieur
français Szydiowski, de la Société Turbomeca, qui depuis de très nombreuses
années y travaillait secrètement. Réalisé en aciers spéciaux à haute
résistance, il présente toutes les caractéristiques générales des réacteurs de
grande puissance.
Son poids est de 55 kilos, et sa vitesse de
rotation peut atteindre le chiffre fantastique de 37.500 tours-minute.
Comme ses frères aînés, ce petit turbo-réacteur ignore les vibrations et il est
d’une souplesse extraordinaire, passant du régime de ralenti à sa vitesse
maxima en quelques secondes. Une seule manette assure la conduite du réacteur.
Il est muni d’un démarreur fonctionnant en vol. Il fonctionne au kérozène
après démarrage à l’essence.
Sa consommation horaire n’a pas été officiellement
chiffrée ; cependant, il est possible de se rendre compte que l’utilisation
de ce petit réacteur ne sera pas d’un prix de revient prohibitif.
En effet, au cours d’un vol de cent minutes, effectué à
basse altitude, avec montée à 1.500 mètres, la valeur du combustible
consommé à l’heure du vol a été de 1.300 francs, soit l’équivalent de 29 litres
d’essence pour une vitesse de près de 300 kilomètres à l’heure.
Les réalisations futures.
— Le « Fouga-Cyclone » est, à l’heure
actuelle, le premier et le seul avion à réaction en utilisation. Un second
appareil est en cours d’achèvement, et les services officiels français s’en
sont rendus acquéreurs. Un de ces appareils participera aux journées
aéronautiques de Miami (Floride) en janvier 1950. Les Américains,
s’inspirant sans doute du prototype français, ont mis en construction un avion
léger à réaction ; il est probable qu’il ne sera pas terminé avant
quelques mois.
Les ingénieurs Mauboussin, Castello et Szydiowski n’en
resteront évidemment pas à ce prototype qui ne sera bientôt qu’un premier pas
timide et cédera la place à des dérivés de plus haut rendement. Ils ont des
projets extrêmement séduisants ... L’avion de tourisme, l’avion
d’affaires, équipé d’un ou plusieurs réacteurs légers, sera encore une réalité
de demain.
Maurice DESSAGNE.
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