Nous avons vu précédemment (1) que lorsqu’un nuage est
refroidi relativement lentement, mais sans arriver à zéro, il donne de la
pluie.
Nous avons vu aussi que si ce refroidissement toujours lent
et irrégulier atteint 0°, le nuage donne de la neige.
Voyons aujourd’hui ce qui va se passer dans le troisième
cas. Refroidissement brusque au-dessous de 0°, ou encore congélation brusque
dans un milieu où l’eau est en surfusion (c’est-à-dire quand les gouttelettes
sont restées liquides malgré une température égale ou inférieure à 0°). Nous
aurons évidemment de la glace, mais en cristaux irréguliers et plus durs que
ceux de la neige, ce sera la grêle.
Les grêlons sont des masses compactes de glace dure dont la
forme, bien qu’irrégulière, est toujours sensiblement sphérique ou dérivée de
la sphère (poires, lentilles, sphères accolées, etc.).
Leurs dimensions sont aussi très variables. Le diamètre va
de 5 millimètres à 2 ou 3 centimètres, pour les plus courants. Les
grêlons atteignant le poids et la dimension d’un œuf de poule sont heureusement
rares ; quant à ceux qui atteignent ou dépassent le demi-kilo, ils sont
très exceptionnels et c’est encore plus heureux, car les grêlons, comme les
gouttes de pluie (comme tout du reste), tombant d’autant plus vite qu’ils sont
plus lourds, on imagine facilement quels ravages ferait une pluie de grêlons
d’un demi-kilo non seulement sur les récoltes, mais sur les bestiaux, sur les
habitations et sur les humains.
On a essayé d’expliquer la formation de la grêle de diverses
manières. La théorie qui faisait intervenir l’électricité dans cette formation
est actuellement à peu près abandonnée. C’est la suivante qui, de nos jours,
est la plus favorablement accueillie : les cumulo-nimbus, qui donnent la
grêle, s’élèvent jusqu’à 5.000, 6.000 mètres et plus — en partant de
quelque 400 ou 500 mètres du sol. C’est-à-dire qu’ils offrent une gamme
très étendue de températures tout le long de leur immense corps. En effet, si
nous admettons que la température diminue en moyenne de 0,5 à 1° par 100 mètres
d’élévation, nous arrivons à avoir au sommet du nuage une température
inférieure de 40 à 60° à celle du sol. Il y aura donc dans le même nuage des
gouttes d’eau et des cristaux de glace, le tout soumis à ce violent brassage de
turbulence qui est le propre des cumulo-nimbus. Nous pouvons imaginer qu’il
existe de violents tourbillons à axe horizontal, que ces tourbillons agissent à
la façon d’une noria, faisant monter puis redescendre les grêlons. Ainsi que
nous l’avons vu pour la pluie et la neige, les particules les plus chaudes
s’évaporent au profit des plus froides, et les cristaux de glace enrichis par
la condensation deviennent de plus en plus volumineux, de plus en plus lourds
jusqu’au moment où, à force d’avoir amassé et congelé de l’eau en surfusion,
les grêlons entraînés par leur poids échappent à l’effet du tourbillon et
obéissent à la pesanteur qui les appelle vers le sol !
La coupe d’un grêlon montre qu’il n’a pas été fait d’un seul
coup. Il est composé de couches, pas toujours concentriques, de glace plus ou
moins dure, transparente ou opaque, ce qui indique bien qu’il a été commencé,
continué et terminé à de nombreuses altitudes différentes.
Les explications ci-dessus valent évidemment pour les
grêlons courants, je dirais presque « normaux », ceux qui sont
compris entre 5 millimètres et 2 centimètres de diamètre. Pour les
plus gros, les phénoménaux, surtout ceux qui dépassent l’hecto, on sait encore
moins quel est leur mode de formation. S’ils étaient irréguliers et difformes,
on pourrait croire qu’ils proviennent de la soudure de nombreux petits grêlons,
mais ils sont formés aussi régulièrement que les autres. Faut-il donc admettre
qu’il existe au sein de certains cumulo-nimbus des tourbillons capables de
soulever des masses de plusieurs centaines de grammes jusqu’à des milliers de
mètres ? Mystère.
Pour en finir avec cette étude sommaire, disons un mot sur
la protection contre ce fléau.
Certains, et j’avoue que je suis tenté d’être du nombre,
certains disent que la meilleure protection contre la grêle, tout au moins
contre ses effets, c’est une bonne assurance ...
Les canons paragrêles et les fusées les plus énergiques
atteignent 500, peut-être 600 mètres, alors que la partie supérieure d’un
cumulo-nimbus dépasse largement 5.000 mètres. Quant aux Niagaras
électriques, ils sont peut-être d’excellents paratonnerres, mais c’est tout.
Ceux qui nient l’efficacité de ces appareils trouvent qu’il est inutile
d’ébranler l’atmosphère à moins d’un kilomètre d’altitude, quand c’est beaucoup
plus haut que se forment les grêlons.
L’école qui, au contraire, en préconise l’emploi s’appuie
sur l’existence du tourbillon dont je parlais plus haut. Ses adeptes affirment
qu’une seule explosion suffit pour interrompre le cycle, car, si le tourbillon
s’élève à des milliers de mètres, il descend également au voisinage (relatif)
du sol ; alors, le tourbillon étant anéanti, la formation des grêlons
cesse et il ne tombe que de la pluie ou de minuscules grêlons.
Qui a raison ?
Les défenseurs des fusées, disent les incrédules, ont beau
jeu, puisqu’ils ont pour eux la marche irrégulière et fantaisiste des chutes de
grêle, dont on ne sait jamais où elles vont se produire ni même si elles
auront lieu, malgré un temps menaçant ... Il n’est donc pas sûr du
tout que la grêle serait tombée si on n’avait pas usé des engins paragrêles,
mais cela permet de triompher quand il ne grêle pas après qu’on a lancé les
fusées ! et si, malgré les explosions, la grêle tombe quand même, on a
toujours la ressource de dire que le dispositif protecteur a été mis en action
trop tard !
À leur tour, les artificiers répondent que nier et critiquer
est plus facile qu’agir, et qu’en ne faisant rien les négateurs ne risquent pas
de se tromper.
Cette querelle durera jusqu’au jour où les savants, aidés
des aviateurs, trouveront le moyen « direct » de désagréger les
grêlons comme ils sont en train de faire pleuvoir à volonté.
X. PEYTAVIN.
(1) Voir Le Chasseur Français d’octobre 1949.
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