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Causerie juridique

Gardes

Quelques questions se rattachant au service des gardes nous ont été soumises récemment et nous pensons qu'il peut y avoir intérêt à en faire l'objet de cette causerie.

Avant la loi du 28 juin 1941 relative à l'organisation de la chasse, la surveillance de la chasse sur les propriétés des particuliers était uniquement assurée par les gardes particuliers que les propriétaires ou les locataires de la chasse avaient la faculté d'engager et de faire agréer par l'administration. Ceux qui n'estimaient pas nécessaire d'employer à cet effet un garde particulier n'en conservaient pas moins le droit de poursuivre toutes personnes trouvées en délit sur leurs terres, l'absence de garde n'ayant pas pour effet de rendre accessible à tous la pratique de la chasse. Mais le défaut de surveillance régulière, l'absence d'une personne qualifiée pour dresser les procès-verbaux aux délinquants assurait à ceux-ci une certaine garantie d'impunité dont ils étaient tentés d'abuser.

Sans doute, en dehors des gardes particuliers, certains agents pouvaient dresser des procès-verbaux, notamment les gardes champêtres, les gendarmes, les gardes forestiers, mais, en fait, leur intervention sur les propriétés des particuliers pour y constater des délits de chasse était exceptionnelle. On pouvait également recourir aux gardes des Fédérations de sociétés de chasse lorsque le droit de chasse appartenait à une association de chasseurs adhérant à la Fédération, mais, en dehors de ce cas, les gardes de la Fédération étaient sans qualité pour intervenir.

La loi du 28 juin 1941, qui a créé et rendu obligatoire dans tous les départements une société départementale des chasseurs groupant tous les porteurs de permis de chasse du département, indépendamment des adhérents volontaires, a changé cet état de choses. Les sociétés départementales sont, en effet, régies par des statuts dont les modalités sont fixées par des arrêtés ministériels et dont le budget est contrôlé par l'administration forestière. Ces sociétés doivent obligatoirement entretenir des brigades de gardes chargés de la police de la chasse dans le département ; elles doivent consacrer à cet objet les trois quarts de la somme qui leur est attribuée par le Conseil Supérieur de la Chasse sur le produit des cotisations versées par les porteurs de permis de chasse dans le département.

Les gardes des sociétés départementales se trouvent ainsi investis d'un droit de surveillance sur toutes les propriétés du département sans que les propriétaires ou autres bénéficiaires du droit de chasse puissent s'y opposer ; ils ont le droit de dresser des procès-verbaux à toutes personnes trouvées en délit dans toute l'étendue du département ; ils peuvent ainsi être amenés à dresser procès-verbal contre un propriétaire ou contre un titulaire du droit de chasse trouvé en délit sur la propriété même (par exemple en usant de moyens ou d'engins de chasse prohibés).

Pour l'exercice de cette surveillance, les gardes des sociétés départementales n'ont droit à aucune rétribution ; ils sont uniquement rétribués sur le budget de la société départementale. Au surplus, il est permis aux propriétaires ou aux associations de chasseurs de demander à la société départementale de faire exercer sur leurs terres par les gardes de la société départementale une surveillance particulière. En ce cas, et en rémunération de ce service, la société départementale a le droit d'exiger le versement d'une redevance supplémentaire, dont le montant est fixé par l'assemblée générale de la société départementale, sur la proposition du conseil d'administration. Cette redevance supplémentaire est allouée à la société départementale et non aux gardes chargés de cette surveillance spéciale ; c'est toujours à la société départementale qu'incombe la rémunération de ces gardes.

Indépendamment des rémunérations dont nous venons de parler, il est ordinairement alloué une gratification aux gardes qui ont dressé le procès-verbal lorsqu'une condamnation en est résultée. Cette pratique est prévue par la loi sur la chasse du 3 mai 1844 ; elle est également prévue par l'article 3 des statuts-types des sociétés départementales, qui indique, comme moyen de réprimer le braconnage, « l'attribution de récompenses aux agents verbalisateurs ».

Bien que le décret du 30 octobre 1935 ait fixé le montant de la gratification à dix francs par condamnation à l'amende prononcée et recouvrée, le taux actuel est beaucoup plus élevé, sans avoir été fixé par un texte plus récent.

La gratification n'étant allouée qu'autant qu'il y a eu condamnation prononcée et recouvrée, il peut s'écouler un temps relativement long entre le jour du procès-verbal et celui du payement de la gratification. Il en est autrement quand l'affaire se règle au moyen d'une amende dite « de composition », c'est-à-dire versée volontairement par le délinquant pour éviter des poursuites judiciaires. Ces amendes sont payées aussitôt le délit constaté et le garde prélève sa gratification sur la somme ainsi versée. Cette pratique n'est pas sans donner lieu à certaines critiques ; nous en parlerons dans une autre causerie.

Paul COLIN,

Avocat à la Cour d'appel de Paris.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 3