Durant la guerre et depuis, le blaireau a vécu en paix de
façon générale, sans doute en vertu de la valeur relativement médiocre de sa
dépouille, et peut-être parce que sa chasse au moyen de chiens terriers se
pratique de moins en moins. On sait d'autre part combien le piégeage en est
délicat. Tant et si bien que maître Tesson continue tranquillement à piller les
rabouillères, les nids d'oiseaux nichant à terne, et ici, dans l'Ouest, à
violer les poulaillers mal clos. Sans lui vouloir disparition, on peut estimer
que tant de menus méfaits mériteraient sanctions et diminution des effectifs de
la gent blaireaude.
Le lapin, en nombre de régions, étant désormais le gibier de
fond, toutes mesures méritent d'être prises pour le conserver. Or ne pas oublier
qu'outre le renard et les petits mustélidés le blaireau est aussi de ses
ennemis ; sous forme de pilleur des nichées seulement, car il est bien
incapable de s'emparer d'un lapin sorti de l'enfance.
Les colonnes des revues spéciales sont abondamment pourvues
d'offres et demandes de chiens de chasse, d'arrêt et courants ; bien
rarement, et autant dire jamais, elles ne concernent les terriers de travail.
Serait-ce que le « working terrier » en tout
genre, rare en Angleterre, le serait aussi chez nous ? Il se peut, puisque
nous n'avons pas su en sélectionner un modèle ou simplement conserver le petit
bull d'autrefois, bien différent de l'hôte des bancs d'exposition. On dira que
la concurrence du fox-terrier lui a été mortelle parce qu'il lui était supérieur
à tous égards et susceptible de rendre foule de services dont le bull était
bien incapable.
Cela est vrai, mais ce fox-terrier de travail, nous n'avons
pas bien su le cultiver. Nous avons trop songé au chien d'exposition, qui n'est
pas toujours et absolument le même personnage. Autant pourrait-on dire de
nombre de teckels, hôtes plus assidus des bancs que des profondeurs du terrier.
Même là où la chasse au terrier n'est pas pratiquée, les diverses races et
variétés de chiens dits terriers et ratiers mériteraient la vogue près des
chasseurs à tir et de tous ceux faisant la guerre aux animaux nuisibles. Le
sanglier lui-même est de leur ressort. Inutile de décrire le modèle du
fox-terrier de travail. Il l'a été assez souvent en ces colonnes. Quant au
teckel de même aptitude, ceux que j'ai vus provenant de l'élevage de forestiers
de l'Est m'ont semblé beaucoup plus courts de corsage que leurs cousins des
expositions, avec un peu plus de membres plus hauts et plus droits. Nombre
d'autres races peuvent produire le chien de travail ; Welsh-terrier, Irish,
Cairn, Secalyham, etc., sans compter un ou deux autres d'outre-Rhin ; mais
chez nous le fox-terrier, pur ou impur, est de loin l'explorateur de
souterrains et le terrier à tout faire le mieux connu. Qu'on le cultive donc
dans la formule qu'il faut, car de la chasse sous terre le besoin se fera
toujours sentir. Rien à dire des chiens de taille élevée qualifiés aussi du
titre de terriers. Ce sont des auxiliaires pour chasseur au sanglier. Ils ne
sont pas ici en cause.
Chassera-t-on désormais avec des choupilles ou n'importe
quel petit chien explorateur actif des haies et couverts ? J'entends parler
de la perdrix, devenue de plus en plus inabordable au chien d'arrêt, tant rouge
que grise. Divers correspondants me l'ont écrit. Ni l'une ni l'autre en cette
saison ne tiennent plus l'arrêt. Que dans des régions ouvertes et de champs de
céréales il en soit ainsi, rien de bien surprenant. Partout où manquent des
haies ou quelque pseudo-couvert de même genre, on savait depuis longtemps avec
quelle vigilance se garaient ces demoiselles. Cette prudence devient générale,
tant sur les terrains de culture les plus dépouillés que dans les milieux
incultes et nature où se couplait la perdrix rouge. Cette aggravation d'une
tendance déjà bien connue de la perdrix de plaine se généralisant ne laisse pas
que de poser le problème de l'avenir du chien d'arrêt. Là où ces moeurs sont
installées depuis longtemps, la battue au rabat est le mode de chasse le plus
usité dès le début de la saison. Le milieu se prête d'ailleurs à l'exercice de
ce sport. Mais en terrains coupés d'obstacles tels que talus ou haies, même
sans dépressions qui comptent, on ne voit vraiment pas comment on pourrait
l'organiser. Aborder la perdrix à distance de tir, sera-ce désormais miracle
partout et toujours ? Devra-t-on pratiquer le rabat au moyen du chien, si
bien décrit dans le Dressage de Fram, du colonel Dommanget ? Cela
bousculerait bien des habitudes séculaires et ne laisse pas que d'inquiéter
l'amateur de la chasse classique au chien d'arrêt. Seuls les chevaliers du coup
de fusil ratissant toute une compagnie à l'agrainage demeurent calmes sur leurs
positions et, comme par hasard, ne sont pas les plus intéressants.
Au moment où nous écrivons, la chasse au chien courant bat
son plein en ce début de novembre qui nous vaut de précoces gelées, tant
attendues des disciples de Fouilloux, soit des plus modestes amateurs de la
chasse au chien courant.
Les échos venant d'un peu partout nous apprennent
l'abondance relative du lièvre, dont on déplorait l'an dernier la rareté. On
peut craindre malheureusement le manque de modération dont on fait preuve dans
l'exploitation de ce cheptel. Les journaux de province sont pleins des « exploits »
des « fins guidons », glorieux du massacre de cinq ou six lièvres perpétré
au cours d'une journée, soit encore du même nombre de chevreuils. C'est
complètement fou, et pareils excès donnent triste idée de l'équilibre mental
contemporain.
À vrai dire, ces destructeurs se recrutent surtout parmi les
utilisateurs de corniauds décidés à tirer le plus large profit de leurs ébats
cynégétiques, si on ose les qualifier ainsi. Combien sages ont été les
législateurs des États-Unis d'Amérique coupant court à ces destructions par
l'interdiction de la vente du gibier.
Heureusement, reste-t-il nombre d'amateurs de la chasse au
chien courant digne de ce nom. De l'examen de leur correspondance, venue un peu
de toutes les régions, il semble qu'il y ait un regain de faveur pour les races
françaises, dont le nez, la gorge, l'amour de la chasse demeurent de qualité
inégalée. Beaucoup, à vrai dire, parmi ces chiens de petite vénerie ou de
chasse à tir possèdent l'appoint de sang anglais, auquel ils sont redevables
d'une certaine sagesse dans le change, de plus de vigueur et d'une structure
plus régulière. Seuls demeurent exempts d'alliance étrangère nos chiens
méridionaux : petit bleu de Gascogne et ariégeois. Car le porcelaine (dont
je ne médirai pas) a, lui, plus ou moins de sang de harrier du Somerset. Sans
doute n'a-t-il pas à s'en plaindre. Mais nos purs français doivent être
précieusement conservés, parce qu'ils sont les seuls adaptés au milieu qu'est
leur région natale et qu'ils sont là pour corriger les erreurs des amateurs de
petits anglo-français dont les élèves sont trop poussés dans le sang étranger.
On est agréablement surpris de constater, d'autre part, le renom dont jouissent
en certaines colonies nos chiens de petite vénerie. C'est dernièrement que
m'écrivait un Mauricien, peu satisfait des purs anglais qu'il avait importés
dans l'île, me demandant où se pourvoir de chiens d'Ariège. Nous ne ferons
jamais assez de propagande pour nos chiens courants français, dont les qualités
éminentes sont connues de l'étranger. Ils y trouveraient une clientèle étendue,
si nous avions le sens commercial des Anglo-Saxons. Un mot, en terminant, sur
les bassets. Un correspondant, après en avoir vu de trop lourds, tors et
oreillards, empêtrés dans des ronciers, se demande si l'ère du basset Lane
monumental, qu'on pensait terminée, renaît de ses cendres. En tout cas, la
guerre menée contre notre seul basset à poil ras de modèle passe-partout
semblerait l'indiquer. Inutile d'argumenter pour démontrer que cette faveur et
cette hostilité sont, l'une et l'autre, d'inspiration fâcheuse.
Quoi qu'il en soit de ces menues erreurs, la chasse au chien
courant sous ses deux formes demeure chez nous un sport fort en honneur. Il se
maintiendra prospère tant que les porteurs de fusil sauront se modérer, car ce
n'est pas la chasse à courre la grande destructrice. Une mesure enfin
contribuerait grandement au maintien des espèces sauvages, soit de tenir le
plus grand compte des périodes de reproduction pour fixer les dates
d'ouverture. En ce qui concerne le lièvre notamment, disons donc que nous tirons
des hases pleines ou nourrices jusqu'à fin septembre ! La sagesse
commanderait donc ... mais la sagesse n'est pas de tous les pays.
R. DE KERMADEC.
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