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Traitez vos arbres fruitiers

Tous les bons cultivateurs reconnaissent volontiers qu'il n'est plus de récolte de fruits possible si l'on néglige de lutter rationnellement contre les parasites des arbres fruitiers. Une preuve nouvelle de l'efficacité des traitements ne nous a-t-elle pas encore été donnée cette année où, seuls, ceux qui ont bien soigné leurs arbres ont encore des fruits et les vendent ... disons « un bon prix » ?

Mais où l'on se perd parfois, c'est dans le choix des produits à employer pour combattre tel ou tel parasite. L'époque favorable à l'application des traitements est aussi quelquefois perdue de vue et le résultat s'en ressent bien souvent dans de notables proportions.

Il faut d'ailleurs convenir que, sans être très compliquée, la technique des traitements nécessite quelques connaissances élémentaires, aussi bien de la biologie des insectes et parasites à détruire que de la composition des nombreux produits que nous offre actuellement l'industrie.

Les appareils.

— Si nos vignerons sont assez bien outillés pour traiter la vigne, les possesseurs d'arbres fruitiers le sont beaucoup moins bien pour soigner leurs arbres, et principalement ceux de plein vent. Cette question d'outillage est d'ailleurs de telle importance que, bien que nous proposant d'entretenir nos lecteurs des produits à utiliser, nous ne pouvons passer sous silence les questions de matériel.

Pour obtenir les meilleurs résultats des traitements, il faut être en mesure de pulvériser, en un temps relativement court, des quantités importantes de solutions et, pour cela, disposer d'appareils à grand débit. Il faut également pulvériser les bouillies sous une pression élevée, aussi bien l'hiver que l'été, pour assurer parfaitement soit le lessivage des branches, soit la pulvérisation très fine et pénétrante nécessaire pour couvrir toute la surface des organes à protéger.

Les motopulvérisateurs ont, à ce point de vue, d'énormes avantages. Ils permettent un bon travail rapide, économique, sans fatigue pour le personnel. Ils sont à recommander pour les grandes et moyennes exploitations fruitières, comme pour les plus modestes, que nous voudrions voir groupées soit en coopératives de traitement, soit en syndicats de défense agissants et non plus inactifs.

De toute façon, il faut, pour les traitements des arbres, une pression élevée : 6 à 8 kilogrammes au moins, beaucoup plus si possible.

Les appareils doivent, d'autre part, être munis d'agitateurs, car certaines bouillies, notamment celles contenant des arséniates de plomb, sont peu stables et déposent plus ou moins.

Les bouillies sulfocalciques, les solutions de sulfate de fer attaquent le cuivre rouge. Aussi, pour leur emploi, doit-on avoir recours aux réservoirs plombés ou en laiton. Il faut, en outre, laver soigneusement les appareils après usage.

Les traitements.

— Il convient de faire une distinction entre les traitements que l'on applique pendant la période où les arbres n'ont pas de feuilles, c'est-à-dire en hiver, et ceux que l'on effectue en cours de végétation, c'est-à-dire au printemps et en été.

Les premiers (traitements d'hiver) ont pour but d'assurer le nettoyage des arbres, notamment de les débarrasser des mousses et des lichens qui couvrent les écorces, ainsi que de certains insectes, larves ou œufs qui s'y réfugient pour échapper aux intempéries. Les seconds (traitements de printemps et d'été), pour la plupart préventifs, ont pour but d'éviter le développement des parasites habituels des arbres. Ils doivent être appliqués chaque année, en plus ou moins grand nombre suivant les conditions climatiques et autres, en tenant compte des avis lancés par les stations d'avertissements agricoles du ministère de l'Agriculture, qui ont à leur disposition les renseignements fournis par leurs centres d'observations,

1° TRAITEMENTS D'HIVER.

— Comme nous le disions plus haut, leur but est de brûler mousses et lichens et de détruire cochenilles, spores d'hiver des champignons, œufs de papillons, etc. Quand les arbres sont propres, on peut se dispenser de les faire chaque hiver, mais seulement tous les deux ou trois ans.

Les produits à employer sont nombreux. Leur action est assez variable, de telle sorte qu'un choix s'impose selon qu'il s'agit de nettoyer des arbres très négligés pendant plusieurs années, ou bien seulement de lutter contre certains insectes.

Dans le premier cas (mousses et lichens abondants), le choix se portera sur des produits herbicides. Pourront être utilisés : le sulfate de fer, en solution à 15 ou 20 p. 100 ; le formol Codex, en solution à 2 p. 100 ; le permanganate de potasse, à la dose de 300 à 500 grammes pour 100 litres d'eau avec 3 kilogrammes de chaux.

Ces produits n'ayant guère d'action contre les insectes, on aura recours, lorsqu'on envisagera surtout la destruction de ceux-ci, de leurs larves ou de leurs œufs, à des produits ayant des propriétés insecticides et ovicides, tout en restant herbicides s'il y a également à détruire mousses et lichens. Parmi ceux-ci, indiquons les huiles d'anthracène brutes, employées à la dose de 7 à 8 kilogrammes par 100 litres d'eau, et qu'il faut émulsionner ou mélanger avec une bouillie bordelaise riche en chaux ; les carboniléums solubles, d'emploi beaucoup plus facile, parce que miscibles à l'eau, mais d'un prix de revient plus élevé ; les huiles blanches (huiles Volck, véraline, etc.), généralement utilisées à la dose de 3 à 4 kilogrammes pour 100 litres d'eau ; les bouillies sulfocalciques du commerce (thiocal et autres), à 3 p. 100 ; les colorants nitrés (elgétol, ivernol, isosartrol), à 1 p. 100.

Les pulvérisations d'hiver doivent être abondantes et faites avec des jets directs et violents. Il convient d'éviter de les faire par la pluie, par le grand vent, à plus forte raison par temps de gelée. Profiter des journées calmes, relativement douces, sans pluie, assez rares pendant la mauvaise saison.

La fin de l'automne et le début de l'hiver sont particulièrement convenables pour les traitements herbicides, qu'il est parfois nécessaire de répéter vers la fin de l'hiver, quand les arbres sont très sales. Cette dernière saison est plus favorable lorsqu'on envisage la destruction de certains insectes, et tout particulièrement des cochenilles ou kermès.

2° TRAITEMENTS DE PRINTEMPS ET D'ÉTÉ.

a. Arbres à fruits à pépins.

— Un insecte qui a fait d'importants dégâts, ces années dernières, sur les pommiers, c'est l’anthonome.

Une technique nouvelle très efficace permet de restreindre dans de fortes proportions ces dégâts. Elle consiste à pulvériser, au début du débourrement, une bouillie préparée avec un insecticide organique de synthèse à base de D. D. T. ou de S. P. C. (gésarol, braconyl ou autre) sur les arbres régulièrement attaqués.

Les autres traitements les plus courants des poiriers et des pommiers visent à la lutte contre la tavelure et le ver des fruits.

La tavelure est évitée par pulvérisation d'une bouillie fongicide à base de cuivre (bouillie bordelaise faible et bien neutre, ou bouillie à l'oxychlorure de cuivre) immédiatement avant floraison, lorsque les boutons des fleurs sont bien distincts et qu'une fleur sur dix environ est ouverte. Le traitement est répété une dizaine de jours plus tard et, s'il y a lieu, lorsqu'en raison du temps pluvieux et froid il y a menace d'attaque tardive, sur avis de la station d'avertissements.

Les bouillies sulfocalciques (thiocal et autres) à la dose de 0,5 à 1 p. 100, le sulfate neutre d'oxyquinoléine (carpinol) peuvent également permettre de traiter préventivement la tavelure. Ces années dernières, ils ont d'ailleurs été utilisés avec succès, aucune attribution de produits cupriques n'étant faite aux arboriculteurs. Pour les variétés sensibles au cuivre, pour les pommiers surtout, les bouillies sulfocalciques ont même été préférables au sulfate et à l'oxychlorure de cuivre.

Le ver des fruits, larve du papillon, appelé carpocapse, se combat par des pulvérisations arsenicales, qui peuvent d'ailleurs se combiner avec les traitements contre la tavelure lorsqu'il s'agit de bouillies cupriques ou sulfocalciques. Toutefois, en général, on n'a pas à se préoccuper du carpocapse avant fin mai, mais il y a lieu de le redouter pendant les mois de juin, juillet, août et même au début de septembre. Un premier traitement contre ce parasite doit donc être effectué vers le 1er juin. On traite ensuite tous les vingt jours environ.

La loi n'autorise l'emploi des arsenicaux que jusqu'à deux mois de la récolte, alors que des traitements peuvent encore être nécessaires après. On a avantage, pour rester dans la légalité, à ajouter à la bouillie arsenicale devant servir au dernier traitement une huile blanche, de façon à obtenir une action beaucoup plus prolongée. D'autre part, on peut employer, pour les derniers traitements, des produits fluorés (cryolox), des poudres de roténone, des bouillies d'insecticides organiques de synthèse (D. D. T. 50, D. B. T., etc.).

On augmentera de beaucoup l'efficacité des bouillies en les additionnant de mouillants ayant, pour la plupart, la propriété d'adhésifs : savons, bile, produits résineux, alcool terpénique, caséine, huiles émulsionnées, etc.

En cours de végétation, on a souvent maille à partir avec les pucerons. Il convient de traiter précocement, avant la pullulation des pucerons, avec une bouillie nicotinée. Parfois même, on se contente d'ajouter de la nicotine aux bouillies cupro-arsenicales ou sulfo-arsenicales. Les traitements contre les pucerons gagnent beaucoup en efficacité à être faits très tard le soir.

b. Arbres à fruits à noyau.

— Le coryneum, la cloque, le monilia qui occasionne la pourriture des fruits, les pucerons, les chenilles mangeuses de feuilles sont les principaux ennemis à combattre.

Certaines années s'y ajoute, pour le prunier, l’hoplocampe, qui ne nécessite d'ailleurs pas de traitements spéciaux et peut être combattu en même temps que les autres parasites.

Contre le coryneum, le monilia et les chenilles, un traitement à la bouillie cupro-arsenicale ou à la bouillie sulfo-calcique-arsenicale avant floraison et un autre aussitôt après sont généralement suffisants. Parfois il en faut un troisième quinze à vingt jours après floraison.

Pour le pêcher spécialement, un traitement à la bouillie bordelaise forte est à faire contre la cloque avant le départ de la végétation, c'est-à-dire en février. Pendant la période de végétation, on peut faire des traitements à la bouillie d'oxychlorure de cuivre à faible concentration, 0,2 à 0,3 p. 100. En novembre, à la chute des feuilles, on traite contre le coryneum avec une bouillie bordelaise à 2 ou 3 p. 100 de sulfate de cuivre et autant de chaux.

Contre les pucerons, les bouillies nicotinées sont également efficaces. Les précautions recommandées pour les arbres à fruits à pépins s'imposent, pour leur emploi, davantage encore pour le pêcher que pour les autres essences.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 34