Le temps n'est plus où une main-d'œuvre abondante
permettait, dans les campagnes, d'effectuer les travaux sans trop se soucier de
la notion du temps qui leur était consacré. On se levait tôt et, s'il le
fallait, on se couchait tard, principalement en été, lors de la période des
grands travaux et des longs jours, et, comme c'était l'usage, personne ne
songeait à s'en plaindre.
On pouvait se payer le luxe de mettre deux hommes à chercher
pendant deux heures une pièce usagée dans le tas de ferraille, pour la confier
au maréchal ; qui la remettait en état de service, au lieu de s'en
procurer une neuve ; on y trouvait son compte puisqu'on ne comptait pas le
travail de ces deux hommes.
Les conditions de vie ont changé ; l'année de 2.400 heures
doit être respectée, les heures supplémentaires payées ; il faut éviter
les pertes de temps.
Dans les régions morcelées, ce sont des heures qui se
passent sur la route à déplacer véhicules et machines d'une parcelle à l'autre,
et certains jours on consacre plus de temps à ce va-et-vient qu'au travail
effectif et rentable. Le remède à cet état de chose est dans le remembrement,
qui s'effectue timidement de-ci de-là et qui n'est d'ailleurs pas toujours
facile à réaliser. Il ne change d'ailleurs pas l'emplacement des terrains ni
des bâtiments et ne les rapproche pas les uns des autres. Il faudrait envisager
la construction de nouvelles fermes, problème difficile à résoudre en tous
temps et particulièrement aujourd'hui. Le remembrement réduit cependant les déplacements
de façon importante et ce n'est pas là son moindre avantage.
Une autre cause du prix de revient excessif des transports,
c'est l'état des chemins ruraux, et plus encore des chemins d'exploitation,
trop souvent dans un état lamentable, coupés de fondrières et d'ornières
profondes où l'eau croupit pendant presque toute l'année pour peu qu'ils soient
encaissés et que le sous-sol soit argileux. On est obligé en de pareils chemins
de multiplier l'importance des attelages, qui n'en sont pas moins soumis à des
efforts excessifs. Les animaux de trait risquent de se tarer, véhicules et
harnais se fatiguent et demandent des réparations coûteuses, tout cela pour
transporter des charges dérisoires.
On évitera ce double inconvénient par un meilleur entretien des
chemins, et peu de travaux sont d'un meilleur rendement. Il est, dans l'année,
des jours ou le personnel n'a pas grand'chose à faire ; l'entretien des
chemins et des fossés latéraux qui les assainissent constitue un travail de
toute première importance.
Réparer les chemins est bien ; éviter de les détériorer
est mieux et il est indiscutable que la roue montée sur pneus les brise moins
que la roue ferrée. Elle a, en outre, l'avantage de réduire considérablement la
traction et de ne plus nécessiter que deux chevaux, qui tirent allègrement leur
charge, au lieu de trois qui s'épuisent. La transformation ne peut guère se
faire en un jour, mais elle peut s'étaler sur une période plus ou moins longue
et s'effectuer à l'occasion de réparation ou d'achat de véhicules de
remplacement. Les frais en seront rapidement amortis.
En marge des charrois, se pose le problème du chargement et
du déchargement des véhicules. La caisse de ceux-ci, ou la plate-forme de
chargement, est habituellement à grande hauteur en raison de la dimension des
roues, car elle passe au-dessus de l'essieu. Pour réduire la traction, on est
appelé, avec la roue ferrée, à lui donner de grandes dimensions. La
conséquence, c'est d'obliger à effectuer le chargement au prix d'un effort
considérable, qui constitue au point de vue mécanique un travail parfaitement
inutile. Que ce soit pour charger du fumier, des fourrages ou des sacs de
grains, le problème est identique. En ce qui concerne les fourrages, il se
complique même de l'instabilité du véhicule à chargement complet, en raison de
la hauteur exagérée du centre de gravité.
À cet égard, les roues montées sur pneumatiques, beaucoup
plus petites, permettent d'abaisser considérablement la hauteur des caisses et
des plates-formes ; elles constituent donc un progrès. Des essieux coudés
permettent d'obtenir un résultat analogue.
Pour le déchargement, on a depuis longtemps imaginé le
tombereau basculant. Le même principe peut être étendu à d'autres véhicules et
bennes, en vue toujours de réduire au maximum la main-d'œuvre.
Le prix de revient des transports est conditionné également
par l'amortissement des véhicules et des frais accessoires (hangars, garages,
etc.), autrement dit par leur nombre. Certains constructeurs ont cherché à le
réduire en adaptant des caisses de formes variables à un seul et même châssis ;
d'autres, sans aller aussi loin, se sont contentés d'adapter divers véhicules à
plusieurs usages ou circonstances, ce qui simplifie tout de même l'outillage.
L'adoption de ces divers moyens : remembrement,
meilleur entretien des chemins, adoption de la roue montée sur pneus, forme
mieux étudiée des véhicules agricoles, permet de réduire dans des proportions
considérables les frais de traction et, par voie de conséquence, d'abaisser de
façon sensible les prix de revient des denrées produites, problème essentiel de
toute exploitation.
R. GRANDMOTTET,
Ingénieur agricole.
P.-S. — Faisant suite à mon article sur la pomme
de terre paru dans Le Chasseur Français de novembre, la Fédération
nationale des producteurs de plants de pomme de terre m'informe que la classe D
vient d'être supprimée et n'existe plus pour la campagne 1949-1950.
R. G.
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