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Causerie juridique

Les amendes de composition et la chasse

Dans l'expression « amende de composition », le mot « composition » est employé dans le sens d'arrangement amiable, comme dans l'expression : « venir à composition ». La formule « amende de composition » désigne ainsi l'amende qu'un délinquant accepte de payer, sans avoir été condamné à le faire par la juridiction pénale.

L'usage des amendes de composition présente pour le délinquant un double avantage : d'une part, cela lui permet d'éviter de comparaître devant la juridiction répressive, et d'avoir à supporter les frais résultant de la mise en œuvre de l'appareil judiciaire ; d'autre part, le taux des amendes de composition est en général moins élevé que celui que le tribunal pourrait appliquer dans le cas de poursuites Judiciaires. L'intérêt que la puissance publique trouve à cette pratique réside en ce que, d'une part, on arrive très rapidement à la sanction de l'infraction commise, et, d'autre part, cela décharge les tribunaux ordinaires de la connaissance de menues infractions qui encombrent le prétoire et retardent la solution de litiges importants.

Le principe de l'amende de composition se trouve actuellement formulé dans une ordonnance du 2 novembre 1945, et c'est un décret du 21 février 1946 qui a réglé les conditions d'application et fixé le tarif de ces amendes, en corrélation avec le tarif des amendes pénales qui seraient applicables si le délinquant était traduit devant les tribunaux répressifs. Comme le tarif des amendes pénales a subi, depuis 1945, d'importantes majorations, le tarif des amendes de composition a lui-même été majoré à plusieurs reprises par les lois des 24 mai 1946 et 25 septembre 1947, puis par un décret du 15 octobre 1947. Il est actuellement fixé par la loi du 31 janvier 1949 ; le taux de ces amendes est, suivant le cas, de 300 francs, 900 francs, 1.500 francs, 3.000 francs ou 6.000 francs.

Le système de l'amende de composition n'est applicable, aux termes de l'article premier de l'ordonnance du 2 novembre 1945, que lorsque le juge de paix est saisi, en qualité de président du tribunal de simple police, d'un procès-verbal constatant une contravention et dans le cas seulement où cette contravention n'expose le délinquant qu'à une sanction pécuniaire, sans dommages-intérêts envers les tiers.

Le juge de paix, saisi du procès-verbal par l'officier du ministère public devant le tribunal de simple police, détermine le taux de l'amende de composition applicable ; le greffier en avise le contrevenant par lettre recommandée avec avis de réception mentionnant la date et le motif de la contravention ; il l'avertit qu'il doit payer l'amende entre les mains du percepteur du lieu de la contravention dans les quinze jours à compter du jour de l'avertissement, faute de quoi il sera cité devant le tribunal de simple police, pour y être jugé conformément à la loi. La décision du juge de paix fixant le montant de l'amende ne comporte aucun recours ; mais le contrevenant n'est pas forcé de l'accepter et peut, s'il le préfère, s'en rapporter à la décision à rendre par le tribunal de simple police. Si le délinquant accepte de payer l'amende, cela implique reconnaissance de l'infraction et il en est tenu compte pour la détermination de l'état de récidive. L'amende une fois payée, le délinquant ne peut en aucun cas en obtenir la restitution.

Les dispositions que nous venons d'analyser sont sans applications en matière de chasse ; en effet, les infractions en matière de chasse ne sont pas de simples contraventions et ne sont pas justiciables des tribunaux de simple police ; le juge de paix n'a pas à en connaître. Cependant, depuis un certain temps, la pratique de procédés analogues est entrée dans l'usage. Il est fréquent qu'après avoir dressé procès-verbal le garde entre en rapports avec le délinquant en vue d'un règlement à l'amiable de la pénalité. Il s'agit alors d'une proposition de transaction que le délinquant est libre d'accepter ou de refuser.

Parfois aussi, les statuts des sociétés de chasse prévoient, pour le cas d'infraction à leurs dispositions, des pénalités pécuniaires contre les contrevenants. Tous ceux qui ont adhéré à la société doivent subir l'application de ces clauses et peuvent seulement contester les faits qui leur sont reprochés ; s'ils se bornent à refuser de payer l'indemnité prévue, ils peuvent être contraints à le faire par jugement rendu par la juridiction civile. Mais, au regard des tiers, les stipulations contenues aux statuts sociaux sont sans application ; les tiers étrangers à la société sont libres d'accepter ou de refuser de payer la somme réclamée. Dans le cas de refus, ils peuvent être poursuivis devant les tribunaux compétents, au civil ou au pénal suivant les faits reprochés. Dans le cas d'acceptation, il se forme un contrat de caractère civil qui lie les parties et dont il ne leur est possible de se dégager que conformément aux règles de droit commun, par exemple dans le cas où le consentement donné serait vicié. L'acceptation et l'exécution de la transaction font échapper le délinquant à toute poursuite et ne peuvent être retenues comme le constituant en état de récidive.

La pénalité, une fois payée, ne peut plus être l'objet d'une demande en restitution, à moins qu'on ne puisse prouver que le payement a été fait par suite d'une erreur ou d'un dol, dans le sens des articles 1109 et suivants du Code civil.

Paul COLIN,

Avocat à la Cour d'appel de Paris.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 68