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A propos de permis de chasse

Une décision ministérielle

Je m'excuse d'empiéter dans le domaine de Me Colin, avocat à la Cour d'appel de Paris, collaborateur juridique habituel de la revue en ce qui concerne la chasse. Mais je pense qu'il ne me fera aucun grief de porter à la connaissance des lecteurs du Chasseur Français une décision qui peut avoir, pour certains chasseurs, une importance certaine.

Voici l’affaire : à la suite du refus opposé à un chasseur qui demandait la délivrance d'un permis de chasse départemental dans une localité autre que son domicile habituel et où il était allé passer quelques jours de villégiature, celui-ci a fait poser au ministre de l'Intérieur la question écrite suivante :

« Un chasseur a-t-il la faculté de prendre un permis de chasse départemental dans un département autre que celui de son domicile, s'il fournit, à l'appui de sa demande, un certificat du maire de son domicile attestant qu’il ne se trouve dans aucun des cas prévus par la loi pour motiver le refus du permis qu'il sollicite ? Dans la négative, en vertu de quel texte légal un chasseur doit-il prendre obligatoirement son permis dans le département de son domicile ? »

Voici la réponse, datée du 4 avril 1949, telle qu'elle a été adressée au parlementaire qui l'avait posée et a paru au Journal Officiel à l'emplacement réservé à cet effet :

» Aux termes de l'article 5 de la loi du 3 mai 1844 modifié par l'article 2 de la loi provisoirement applicable du 27 décembre 1941, les permis de chasse sont délivrés sur l'avis du maire par le sous-préfet de l'arrondissement dans lequel celui qui en fera la demande aura sa résidence ou son domicile.

» Si l'article 102 du Code civil dispose que le domicile est le lieu où l'on a son principal établissement, il n'y a pas de définition légale de la résidence.

» Certains auteurs ont estimé que, pour pouvoir demander un permis au maire d'une commune, il suffisait de résider dans celle-ci, quelle que fût la durée de cette résidence.

Mais la plupart des auteurs, l'Administration (circulaires des 22 juillet l851 et 30 juillet 1894) et la jurisprudence (tribunal civil de Besançon, 10 juillet 1877) se sont arrêtés à une interprétation plus stricte d'après laquelle le mot « résidence » devait être pris dans le sens d'un établissement assez notable et ayant duré un temps assez long pour que l'autorité administrative puisse connaître suffisamment les antécédents et les habitudes de l'impétrant.

» De plus, la jurisprudence (Conseil d'État, 4 août 1876 ; tribunal civil de Besançon, 10 juillet 1877) a admis que, dans le cas contraire, la commune ayant délivré le permis pouvait être astreinte à reverser à la commune du domicile du permissionnaire la part du prix du timbre qu'elle avait encaissée.

» Mais doctrine et jurisprudence ont été élaborées à une époque antérieure à la création du permis de chasse départemental. Or il importe de ne pas obliger à prendre un permis général celui qui veut chasser dans un département autre que celui où il habite.

» De plus, la délivrance du permis de chasse donne lieu, outre le paiement d'un droit de timbre au profit de l'État et d'une somme de 300 francs au profit de la commune dont le maire a donné l'avis prévu par l'article 5 modifié de la loi du 3 mai 1844, au versement d'une cotisation de 300 francs dont les quatre cinquièmes vont à la Fédération des chasseurs du département où est pris le permis. Cette cotisation devant être affectée à l'amélioration de la chasse, il importe qu'elle bénéficie au département où chasse le titulaire.

» Dans ces conditions, j'estime que l'interprétation ancienne doit être assouplie.

» Le vœu du législateur est essentiellement qu'un permis de chasse ne puisse être délivré à une personne qui se trouve dans l'un des cas pouvant ou devant entraîner le refus du permis en application des dispositions des articles 6, 7 et 8 de la loi du 3 mai 1844. Dès lors, ce qui importe, c'est que le maire puisse donner à son escient l'avis prévu par la loi. Il convient toutefois d'éviter que la commune appelée à délivrer le permis s'expose à un recours de la commune du domicile du permissionnaire.

» J'estime que cette double condition sera remplie dans le cas que vous m'avez soumis lorsque l'intéressé produira, à l'appui de sa demande, une attestation du maire de son domicile indiquant qu'il ne se trouve dans aucun des cas pouvant ou devant entraîner le refus du permis qu'il sollicite.

» Veuillez agréer, monsieur le député et cher collègue, l'assurance de ma haute considération.

» Signé : Jules MOCH. »

Voilà donc la question tranchée. Il en résulte que c'est à tort que le permis de chasse demandé par le chasseur en question lui avait été refusé et qu'on peut obtenir un permis départemental dans un département autre que celui de son domicile habituel, à la condition de produire le certificat prévu par la loi et établi par le maire du domicile.

Ceci avait un intérêt important, lorsque le prix du permis départemental était de 300 francs et celui du permis général de 1.000 francs. Car on pouvait prendre deux permis départementaux, l'un pour son département, l'autre pour celui où on allait villégiaturer : coût : 300 x 2 = 600 francs au lieu de 1.000 francs. J'opérais moi-même ainsi, lorsque, domicilié; dans la Haute-Loire, j'allais passer mon congé dans le Midi, où je chassais dans mon village natal.

Actuellement cette économie n'existe plus, puisque le prix de deux permis départementaux est égal, ou presque, à celui d'un permis général. Mais cela a tout de même une importance majeure pour le chasseur qui ne va chasser que dans un département autre que celui de son domicile ; par exemple, un chasseur parisien allant chasser uniquement dans un département non limitrophe de la Seine, ou un chasseur qui, en raison de ses occupations, ne peut aller à la chasse que durant son congé annuel, qu'il prend dans un département éloigné de son domicile. Ceci lui procure donc une économie de 2.250 - 1.050 = 1.200 francs, ce qui est appréciable pour certains.

Je crois qu'il était utile d'informer les lecteurs de notre revue d'une décision qui pourra leur permettre, le jour où un refus comme celui visé plus haut leur serait opposé d'obtenir satisfaction en faisant état de la réponse ministérielle ci-dessus.

FRIMAIRE.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 69