Les temps sont révolus où le canoéiste devait examiner
attentivement les cartes, étudier les profils, compulser de nombreux ouvrages
et écrire à des correspondants plus ou moins avertis pour réunir un minimum de
renseignements sur la rivière qu'il envisageait de descendre. Heureuse époque,
du reste, où la carence de la documentation laissait une large place à
l'aventure.
Maintenant toutes les rivières de France ont été
prospectées, leurs caractéristiques et leurs difficultés font l'objet de guides
et cartes à l'usage des canoéistes, qu'il est facile de se procurer dans les
librairies spécialisées.
De nombreux facteurs entrent en ligne de compte pour le
choix d'une rivière : les difficultés de navigation, le nombre et la classe
des participants, les possibilités d'accès, la hauteur d'eau et le temps dont on
dispose seront à envisager.
Un canoéiste, généralement, ne prépare pas seulement une seule
croisière ; au cours de l'hiver, il réunit la documentation générale de toutes
les rivières qu'il sera susceptible de descendre au cours de la saison, se
réservant de recueillir pour chacune d'elles de plus amples renseignements à l’approche
du départ.
En se qui concerne les difficultés de navigation, choisir la
rivière en fonction de la force de l'équipe la moins expérimentée en tenant compte,
toutefois, qu'une telle équipe de valeur moyenne encadrée, par exemple, par
deux très bonnes équipes pourra descendre une rivière plus difficile que si
elle était livrée à ses propres moyens. Si le nombre des participants à une croisière
est élevé — plus de quatre bateaux, — ne pas prévoir de difficultés
trop fortes, envisager des étapes plus courtes, et éviter les rivières à longs
portages. Une équipe qui part seule n'embarquera pas sur une rivière représentant
le maximum de ses possibilités et elle évitera les passages scabreux, qu'elle
pourrait normalement franchir en présence d'une autre équipe susceptible de lui
porter secours en cas de besoin.
On choisira différemment, suivant qu'il s'agit d'une croisière
rapide de trois ou quatre jours (Pâques, Pentecôte) ou des vacances. Dans le
premier cas, ne retenir que les rivières de court kilométrage, d'un accès très
rapide (une nuit de chemin de fer). Certains points d'embarquement n'étant pas
desservis par le chemin de fer, il est bon de se renseigner avec précision sur
les possibilités de transport par car ou camion.
Il est utile de prévoir les étapes en fonction des points de
ravitaillement et des possibilités de camping, parfois difficiles dans les
gorges profondes. Pour les non-campeurs, les étapes seront déterminées avec
beaucoup plus de précision. Ne négligez surtout pas, en situant vos points
d'arrêt, de les faire coïncider avec les lieux présentant un intérêt
touristique. Certains canoéistes ont trop souvent une fâcheuse tendance à ne
considérer la descente des rivières que sous l'angle sportif.
Enfin, prévoyez toujours des étapes assez courtes pour
pallier tout arrêt imprévisible ; mauvais temps, réparation ou autre.
Souvenez-vous que ce sont souvent les fins d'étapes tardives et fatigantes qui
engendrent les accidents.
La hauteur d'eau a une importance capitale pour le
canoéiste. À l'avance, vous saurez que les rivières du Massif Central sont généralement
navigables jusqu'en juin, celles des Pyrénées (versant ouest) jusqu'en juillet,
tandis que certaines rivières des Alpes, d'origine glaciaire, ont leurs plus fortes
eaux en plein été.
Mais il faut encore considérer le régime des barrages, les
conditions atmosphériques au cours de l'hiver précédent, les pluies ou orages
locaux. Il est bon de prévoir, pour chaque rivière envisagée, un correspondant
sur place qui vous communiquera la hauteur d'eau huit ou dix jours avant la date
du départ, en vous indiquant la tendance à la hausse ou à la baisse. C'est à ce
moment seulement que vous pourrez arrêter votre choix et expédier votre bateau.
Pour les longues croisières de vacances, peu de rivières
offrent un cours suffisamment long et il faut généralement prévoir plusieurs
rivières situées autant que possible dans la même région, à moins que l'on ne
préfère, après la descente d'une seule rivière, gagner la mer.
Étant moins limité par le temps, une partie de la première
journée peut être prise par le voyage, mais il serait regrettable que plusieurs
jours de vacances soient perdus en longs déplacements. Il sera parfois
préférable d'allonger d'une étape, même d'un intérêt moindre, le parcours sur
la rivière s'il doit vous conduire en un lieu permettant une relation plus
directe.
En vacances, les étapes seront encore plus courtes, pour
vous permettre d'abord de vous reposer, ensuite de profiter des avantages de
toutes natures (touristiques, artistiques, etc.) offerts par la région que vous
traverserez. Naviguer tous les jours pendant plusieurs semaines peut même
devenir fastidieux, et vous pouvez très bien consacrer quelques journées à un
circuit pédestre ou en autocar. Il est sage de prévoir de temps en temps une
journée complète d'arrêt, de préférence en un lieu agréable, arrêt qui serait
susceptible, le cas échéant, d'être supprimé pour compenser un retard imprévu.
Il existe encore un autre type de croisière, que nous
appellerons croisière dominicale, qui consiste à descendre une seule rivière en
plusieurs fins de semaines ou, de la même façon, deux rivières, en faisant
voyager le canoé au cours de la semaine. Une telle croisière demande une
préparation minutieuse et il faut être certain d'une hauteur d'eau favorable
pendant la période envisagée.
En début de saison, il est agréable d'expédier son bateau à
deux ou trois étapes en amont du lieu de garage habituel, même s'il s'agit d'une
rivière calme comme le Morin ou la Marne pour les Parisiens, et de s'entraîner
ainsi, à peu de frais, d'une façon attrayante.
Enfin, à l’approche du grand jour et de préférence une
semaine à l'avance, vous expédierez votre canoë et adresserez une fervente
prière à saint Christophe pour qu'il le protège pendant la durée du parcours en
chemin de fer, car c'est malheureusement là que les risques d'accidents sont le
plus à craindre.
G. NOËL.
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