Très fréquemment, il nous est signalé que des arbres
fruitiers, cependant en âge de rapporter, ne donnent aucun fruit, en dépit des
tailles et des pincements effectués sur eux dans des conditions que l'on croit
pourtant être rationnelles.
Cette infertilité apparente des arbres peut provenir de
différentes causes et le remède ne peut justement être indiqué que lorsqu'il a
été possible d'établir, de façon à peu près certaine, la ou les causes
d'infertilité.
1° La forme est trop restreinte.
— On sait que, pour qu'un arbre fructifie, il est
nécessaire que la sève arrive en quantité modérée dans ses ramifications
fruitières.
Si la pression de sève est en effet trop forte, l'arbre
organise presque exclusivement des pousses foliacées vigoureuses, mais aucun
organe de fructification.
C'est ce qui arrive pour les jeunes arbres. Comme ils n'ont
qu'un petit nombre de ramifications fruitières et que leurs racines trouvent
dans la terre en abondance tous les éléments nécessaires, la pression sur chacune
des ramifications est forte et la fructification est nulle.
Mais, au bout de quelques années, les branches de charpente s'allongeant
et le nombre de ramifications fruitières augmentant, la situation se modifie.
La pression de sève sur chaque ramification fruitière diminue, devient modérée,
et la fructification s'établit.
Or, il arrive souvent que l’emplacement prévu pour le jeune
arbre soit insuffisant pour que, dans chaque coursonne, la pression modérée
compatible avec la fructification puisse s'établir. L'arbre alors continue à
émettre des pousses vigoureuses, mais il ne se forme pas d'organes fructifères.
Une taille appropriée peut parfois apporter un remède, tout
au moins passager, à cet état de choses. C’est ainsi que, sur chaque ramification
fruitière, on pourra pratiquer une taille longue pendant la saison d'hiver,
puis pincer court et souvent pendant la période de végétation active. Les
suppressions réitérées d'organes verts auront pour résultat de provoquer un
affaiblissement plus ou moins rapide et la formation consécutive de boutons à
fruits.
La taille Lorette est également susceptible de produire le
même résultat.
Mais le mieux est, lorsque l'emplacement le permet,
d'agrandir la forme en allongeant les branches charpentières existantes et en
établissant quelques nouvelles branches de charpente. De cette façon, on
augmentera rapidement le nombre de ramifications fruitières. La quantité de
sève puisée dans le sol restant la même, la pression, sur chaque ramification
diminuera et la fructification pourra s'établir.
Cette solution n'est malheureusement pas toujours possible, l’emplacement
ne permettant souvent pas d'agrandir la forme. Alors il sera nécessaire de chercher
à diminuer l’alimentation de l’arbre en sève minérale et, pour cela, de le
priver d'une partie de ses organes d'absorption. Pour parler plus
simplement, il faudra couper quelques-unes de ses racines. C'est ainsi que
l’on dégagera les premières grosses racines de l’arbre et que et que l’on en
sectionnera un ou plusieurs, à peu de distance de leur point de départ, du côté
opposé aux vents dominants.
Ainsi, la quantité de sève puisée dans la terre étant diminuée
et le nombre des organes qui la transforment et l'utilisent restant le même, la
pression diminuera sur chacun d'eux et le résultat sera le même que ci-dessus.
Il existe un autre moyen, plus énergique encore, pour parvenir
au même but : il consiste à enlever, vers la base de l'arbre, à quelques
centimètres du sol, un anneau d’écorce de plusieurs millimètres de largeur sans
attaquer l'aubier. Cette incision, ou, plus exactement, cette décortication
annulaire, ne s'opposera pas au passage de la sève minérale provenant des
racines, puisque celle-ci passe par les vaisseaux du bois. Mais elle s'opposera
au retour vers les organes souterrains de la sève élaborée. Les racines
cesseront ainsi de s'accroitre pendant que les parties aériennes continueront à
se développer. Il s'ensuivra bientôt une rupture d'équilibre, qui se traduira
par un affaiblissement de l'arbre et la formation de boutons à fruits.
Puis un bourrelet cicatriciel se formera sur le bord
supérieur de l'incision. Il s'étendra progressivement, pour venir rejoindre le
bord inférieur et, la communication se trouvant rétablie, l’équilibre de
végétation se retrouvera peu à peu.
Mais la fructification, ainsi amorcée, se poursuivra souvent
dans des conditions satisfaisantes.
2° Le sol est trop riche en azote.
— Il arrive souvent, lorsque les arbres sont, par
exemple, dans un potager, que leur végétation soit très forte et que la
fructification ne puisse s'établir. Les mêmes inconvénients peuvent se produire
si la fumure du sol est exclusivement azotée ou si la proportion d’azote
fournie est trop considérable par rapport à celle des autres éléments.
Il est impossible d'y remédier lorsque les arbres se
trouvent mélangés aux légumes, les arbres prenant l'azote destiné à ces
derniers.
Mais la chose est possible lorsqu'il s'agit d'une plantation
fruitière ou d'un verger distinct. On apportera, pendant le temps nécessaire,
fort peu d'azote ; on pourra même supprimer cet élément pour ne fournir
que des engrais phosphatés et potassiques, lesquels seront éminemment
favorables à la fructification en tempérant la végétation, préparant la
formation de boutons à fruits et diminuant les risques de coulure des fleurs.
3° La variété fruitière a un pollen infécond.
— Il ne suffit pas, d'ailleurs, pour que les arbres
fructifient, qu'ils portent en abondance des fleurs. Il faut encore que la
fécondation de ces dernières s’accomplisse convenablement.
Or, d'études suivies faites sur la question dans un passé
relativement récent, études que le cadre de cet article ne nous permet même pas
de résumer, il résulte que certaines variétés fruitières, bien que fleurissant
beaucoup, peuvent être extrêmement avares de fruits lorsqu'elles sont cultivées
isolément. C'est par exemple le cas du poirier Doyenné du Comice, du pommier
Calville blanche, pour ne citer que des variétés dont le fruit est particulièrement
apprécié. Ces variétés ne peuvent se féconder elles-mêmes que très imparfaitement,
par suite de l'infécondité du pollen, fourni par leurs étamines.
On arrive à pallier cet inconvénient et à obtenir une
meilleure fructification en cultivant, dans le voisinage des variétés à pollen
infécond, des variétés à pollen plus fécond dont la floraison se produit à la
même époque. Ainsi, le vent, les mouches prendront sur les fleurs des unes le
pollen et l'apporteront sur les autres, améliorant beaucoup la fertilité.
C'est ainsi par exemple que quelques exemplaires de poirier Nouveau
Poiteau, répartis dans une plantation de Doyenné du Comice, joueront,
vis-à-vis de ce dernier, le rôle de pollinisateurs, que le pommier Reine des
Reinettes aura le même effet vis-à-vis de Calville blanche, etc.
Les planteurs doivent donc, avant d'entreprendre des
plantations importantes d'une même variété, se renseigner sur la valeur de
cette variété comme pollinisatrice et lui adjoindre, si besoin est,
d'autres-variétés dont le fruit pourra n'avoir pas grand intérêt, mais dont la
présence assurera une meilleure fructification de la variété principale, par
suite une rémunération plus certaine des efforts faits par le cultivateur.
E. DELPLACE.
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