Accueil  > Années 1950  > N°636 Février 1950  > Page 99 Tous droits réservés

Mise à fruit des arbres infertiles

Très fréquemment, il nous est signalé que des arbres fruitiers, cependant en âge de rapporter, ne donnent aucun fruit, en dépit des tailles et des pincements effectués sur eux dans des conditions que l'on croit pourtant être rationnelles.

Cette infertilité apparente des arbres peut provenir de différentes causes et le remède ne peut justement être indiqué que lorsqu'il a été possible d'établir, de façon à peu près certaine, la ou les causes d'infertilité.

1° La forme est trop restreinte.

— On sait que, pour qu'un arbre fructifie, il est nécessaire que la sève arrive en quantité modérée dans ses ramifications fruitières.

Si la pression de sève est en effet trop forte, l'arbre organise presque exclusivement des pousses foliacées vigoureuses, mais aucun organe de fructification.

C'est ce qui arrive pour les jeunes arbres. Comme ils n'ont qu'un petit nombre de ramifications fruitières et que leurs racines trouvent dans la terre en abondance tous les éléments nécessaires, la pression sur chacune des ramifications est forte et la fructification est nulle.

Mais, au bout de quelques années, les branches de charpente s'allongeant et le nombre de ramifications fruitières augmentant, la situation se modifie. La pression de sève sur chaque ramification fruitière diminue, devient modérée, et la fructification s'établit.

Or, il arrive souvent que l’emplacement prévu pour le jeune arbre soit insuffisant pour que, dans chaque coursonne, la pression modérée compatible avec la fructification puisse s'établir. L'arbre alors continue à émettre des pousses vigoureuses, mais il ne se forme pas d'organes fructifères.

Une taille appropriée peut parfois apporter un remède, tout au moins passager, à cet état de choses. C’est ainsi que, sur chaque ramification fruitière, on pourra pratiquer une taille longue pendant la saison d'hiver, puis pincer court et souvent pendant la période de végétation active. Les suppressions réitérées d'organes verts auront pour résultat de provoquer un affaiblissement plus ou moins rapide et la formation consécutive de boutons à fruits.

La taille Lorette est également susceptible de produire le même résultat.

Mais le mieux est, lorsque l'emplacement le permet, d'agrandir la forme en allongeant les branches charpentières existantes et en établissant quelques nouvelles branches de charpente. De cette façon, on augmentera rapidement le nombre de ramifications fruitières. La quantité de sève puisée dans le sol restant la même, la pression, sur chaque ramification diminuera et la fructification pourra s'établir.

Cette solution n'est malheureusement pas toujours possible, l’emplacement ne permettant souvent pas d'agrandir la forme. Alors il sera nécessaire de chercher à diminuer l’alimentation de l’arbre en sève minérale et, pour cela, de le priver d'une partie de ses organes d'absorption. Pour parler plus simplement, il faudra couper quelques-unes de ses racines. C'est ainsi que l’on dégagera les premières grosses racines de l’arbre et que et que l’on en sectionnera un ou plusieurs, à peu de distance de leur point de départ, du côté opposé aux vents dominants.

Ainsi, la quantité de sève puisée dans la terre étant diminuée et le nombre des organes qui la transforment et l'utilisent restant le même, la pression diminuera sur chacun d'eux et le résultat sera le même que ci-dessus.

Il existe un autre moyen, plus énergique encore, pour parvenir au même but : il consiste à enlever, vers la base de l'arbre, à quelques centimètres du sol, un anneau d’écorce de plusieurs millimètres de largeur sans attaquer l'aubier. Cette incision, ou, plus exactement, cette décortication annulaire, ne s'opposera pas au passage de la sève minérale provenant des racines, puisque celle-ci passe par les vaisseaux du bois. Mais elle s'opposera au retour vers les organes souterrains de la sève élaborée. Les racines cesseront ainsi de s'accroitre pendant que les parties aériennes continueront à se développer. Il s'ensuivra bientôt une rupture d'équilibre, qui se traduira par un affaiblissement de l'arbre et la formation de boutons à fruits.

Puis un bourrelet cicatriciel se formera sur le bord supérieur de l'incision. Il s'étendra progressivement, pour venir rejoindre le bord inférieur et, la communication se trouvant rétablie, l’équilibre de végétation se retrouvera peu à peu.

Mais la fructification, ainsi amorcée, se poursuivra souvent dans des conditions satisfaisantes.

2° Le sol est trop riche en azote.

— Il arrive souvent, lorsque les arbres sont, par exemple, dans un potager, que leur végétation soit très forte et que la fructification ne puisse s'établir. Les mêmes inconvénients peuvent se produire si la fumure du sol est exclusivement azotée ou si la proportion d’azote fournie est trop considérable par rapport à celle des autres éléments.

Il est impossible d'y remédier lorsque les arbres se trouvent mélangés aux légumes, les arbres prenant l'azote destiné à ces derniers.

Mais la chose est possible lorsqu'il s'agit d'une plantation fruitière ou d'un verger distinct. On apportera, pendant le temps nécessaire, fort peu d'azote ; on pourra même supprimer cet élément pour ne fournir que des engrais phosphatés et potassiques, lesquels seront éminemment favorables à la fructification en tempérant la végétation, préparant la formation de boutons à fruits et diminuant les risques de coulure des fleurs.

3° La variété fruitière a un pollen infécond.

— Il ne suffit pas, d'ailleurs, pour que les arbres fructifient, qu'ils portent en abondance des fleurs. Il faut encore que la fécondation de ces dernières s’accomplisse convenablement.

Or, d'études suivies faites sur la question dans un passé relativement récent, études que le cadre de cet article ne nous permet même pas de  résumer, il résulte que certaines variétés fruitières, bien que fleurissant beaucoup, peuvent être extrêmement avares de fruits lorsqu'elles sont cultivées isolément. C'est par exemple le cas du poirier Doyenné du Comice, du pommier Calville blanche, pour ne citer que des variétés dont le fruit est particulièrement apprécié. Ces variétés ne peuvent se féconder elles-mêmes que très imparfaitement, par suite de l'infécondité du pollen, fourni par leurs étamines.

On arrive à pallier cet inconvénient et à obtenir une meilleure fructification en cultivant, dans le voisinage des variétés à pollen infécond, des variétés à pollen plus fécond dont la floraison se produit à la même époque. Ainsi, le vent, les mouches prendront sur les fleurs des unes le pollen et l'apporteront sur les autres, améliorant beaucoup la fertilité.

C'est ainsi par exemple que quelques exemplaires de poirier Nouveau Poiteau, répartis dans une plantation de Doyenné du Comice, joueront, vis-à-vis de ce dernier, le rôle de pollinisateurs, que le pommier Reine des Reinettes aura le même effet vis-à-vis de Calville blanche, etc.

Les planteurs doivent donc, avant d'entreprendre des plantations importantes d'une même variété, se renseigner sur la valeur de cette variété comme pollinisatrice et lui adjoindre, si besoin est, d'autres-variétés dont le fruit pourra n'avoir pas grand intérêt, mais dont la présence assurera une meilleure fructification de la variété principale, par suite une rémunération plus certaine des efforts faits par le cultivateur.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 99