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Une poule aux œufs d'or

La Marans

Tel est bien le nom qu'il convient de donner à cette merveilleuse pondeuse française.

Ce nom ne saurait lui être contesté, car elle produit avec abondance les plus beaux œufs du monde, ainsi que le déclarent les personnalités les plus hautement qualifiées de notre aviculture.

Cet œuf est, en effet, la principale caractéristique de la Marans, car il n'est à nul autre pareil, et la coloration de sa coquille est essentielle et particulière.

Brun ou rouge-brique, sa coloration peut être uniforme ou mouchetée de brun foncé-sur fond un peu plus clair.

D'un poids de 55 à 65 grammes chez les jeunes-poulettes, il se situe entre 70 et 80 grammes chez la pondeuse déclarée, et, en élevage fermier, les chiffres de 85 à 90 grammes sont quelquefois dépassés.

Sa coquille, plus épaisse et moins poreuse que celle de l'œuf blanc ordinaire, réduit de façon considérable la casse dans les transports ; la membrane coquillère, également épaisse et très résistante, conserve à cet œuf un état de longue fraîcheur à nul autre comparable, qui en fait « l'œuf coque » par excellence.

Puis-je ajouter que la Marans est précoce ; race demi-lourde, elle pond à six mois en moyenne.

La ponte, déclenchée en octobre, se poursuit sans discontinuer tout l'hiver ; par ses origines, l'humidité n'influe pas sur cette ponte, qui atteint, pour certains sujets sélectionnés, jusqu'à 240 œufs annuels.

L'origine de cette vieille race française, encore trop peu, connue, est fort curieuse et mérite d'être relatée.

Petite poule commune de la région d'Aunis et de Saintonge, il y a de cela de nombreux siècles, elle vivait dans les Marais poitevins et pondait alors, comme toutes nos races d'origine française, des œufs blancs.

Henri II d'Angleterre, duc d'Anjou, occupa toute cette région de la France, et en particulier le port de La Rochelle, où ses marins, pour se divertir, organisaient des combats de coqs, avec une race spéciale de leur pays, le « Combattant anglais ».

Nombre de ces derniers, abandonnés par la suite sur place, firent souche avec la petite poule indigène.

De ce croisement naquit, du XIIe au XIVe siècle, une progéniture qui prit de leurs pères une silhouette carrée, trapue, des ailes musclées, une poitrine large, avec cuisses bien plantées, écartées l'une de l’autre, une chair fine excellente et des oeufs fortement teintés de roux.

En 1895, une infusion de sang « Croad Langshan », importé d'Amérique par un éleveur sélectionneur réputé de la région d'Aunis, améliorait considérablement cette race régionale par une augmentation de volume, une plus grande finesse de chair et des œufs très fortement teintés extra-roux.

Au début du présent siècle, certains éleveurs de la région de Marans, chef-lieu de canton sis aux confins de la Charente-Maritime, en bordure de la Vendée, entreprirent une sélection plus rationnelle de cette poule exceptionnelle, qui prit alors le nom de cette localité : « poule de Marans ».

Le Marans-Club français, fondé en 1929, fit sortir de l'ombre cette remarquable pondeuse et créa son standard officiel, qui comprend six variétés : blanche, herminée, coucou argenté, coucou doré, rouge, noire ou noir cuivré.

J'ajouterai que nos amis anglais apprécient de très longue date cet œuf exceptionnel, et cette richesse nationale, jusqu'alors ignorée par la majorité des Français, fait prime à Londres, car depuis nombre d'années l'exportation draine, à des prix très rémunérateurs, la production fermière de presque toute cette région d'Aunis et de Saintonge, où l'on trouve sur tous les marchés ce gros œuf extra-roux, dont les multiples qualités, finesse de goût et conservation, ne sauraient être égalées.

Très éprouvée au cours de la récente guerre, qui a dévasté son centre de production durant le siège de La Rochelle, cette belle race française est en voie de reconstitution.

Le Marans-Club français, sous l'égide du ministère de l'Agriculture, a créé, aux portes de La Rochelle, un centre expérimental ayant pour but l'amélioration constante de la race. Nul doute que, dans un avenir proche, ses multiples qualités la placeront au premier rang de nos races françaises.

Henri SAGET.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 106