Accueil  > Années 1950  > N°636 Février 1950  > Page 110 Tous droits réservés

La carrosserie automobile

Au dernier Salon de l'Automobile, nous avons pu faire le point de la carrosserie, tant en ce qui concerne ses lignes générales que son mode de construction. Il nous a paru utile, dans une de nos courtes causeries, de faire un tour rapide de la question. La carrosserie monocoque, qui, comme chacun sait, est obtenue par un assemblage rigide et inséparable de la caisse et du châssis, semble être à son apogée, et peu de constructeurs nouveaux font appel à elle. Mais faisons un tour chez les cinq grands.

Chez Citroën, à côte de la 11 CV traction avant, connue depuis de nombreuses années, modèle à peine modifié de la monocoque 1924, si ce n'est des efforts sérieux du côté de l’insonorisation — grosse difficulté de ce genre de carrosserie, — nous remarquons la 2 CV. Cette dernière possède un châssis avec plate-forme. Sur les deux longerons latéraux sont fixés les cylindres contenant les ressorts de suspension, les bras de levier assurant la liaison aux roues, et articulés sur une traverse tubulaire, enfin, les deux mains avant, sur lesquelles s’attache le groupe moteur. Chez Panhard, avec la Dyna, nous trouvons des solutions originales. La caisse est actuellement d’un modèle unique — quatre portes, quatre places à coffre arrière non ouvrant ; elle vient se reposer sur un châssis-cadre, dont elle reste isolée par un ensemble de cales en caoutchouc. Longerons de caisse, montants de tablier, de pavillon et de toit, ainsi que tôles d'ailes, de capot, de tablier sont en alliage léger. Un assemblage par boulons permet de séparer les ailes et l'avant-calandre, rendant facile l’accès du groupe moteur, à fin de réparations. Un bavolet au droit des longerons vient masquer la ligne d'assemblage caisse-châssis. Enfin, signalons que, grâce à un système de sièges arrière à bascule, on obtient un accroissement considérable de la capacité de transport des bagages, possible dans le cas, bien entendu, où deux personnes sont seules à bord. La conception bien particulière de la 4 CV Renault, avec son groupe moteur et son différentiel monté entre le moteur et la boîte de vitesses permettant l'attaque directe des roues arrière, a facilité la réalisation d'une caisse tout acier autoporteuse, emboutie et soudée.

Chez Simca; qui reste dans la plus ure des orthodoxies, nous signalons, dans la Simca-8 sport, une présentation particulière en coupé avec une grande lunette arrière, avec glaces incurvées, étendant la vision jusqu'aux cotés de la voiture.

Vue sons l'angle liaison châssis et caisse, la 203 Peugeot ne présente que des solutions déjà éprouvées, avec son tube central de poussée et ses assises caoutchouc de ressorts hélicoïdaux de suspension.

Le carrossier se trouve devant plusieurs problèmes à résoudre. Il a devant lui un châssis à habiller avec des lignes modernes qui doivent s'inspirer des lois de l’aérodynamique. Les problèmes sont plus difficiles à résoudre avec les châssis de 4 à 7 CV, qui doivent permettre de loger quatre personnes de corpulence normale, confortablement en place, et donner un coefficient de pénétration dans l’air minimum. L'école américaine qui, durant les hostilités, a continué à travailler et nous a présenté des voitures aux ailes enveloppantes et aux lignes générales dérivant du carénage de l'avion, a inspiré incontestablement l'école française. La première a réalisé des modèles remarquables avec force nickel sur les calandres et les pare-chocs, grâce aux châssis surpuissants fabriqués outre-Atlantique. La seconde est plus sobre dans ses productions ; mais, déjà, l'école américaine réagit et les deux tendances se rapprochent. 'Nous l'avons constaté au dernier Salon.

Nous savons, en effet, que la puissance fournie par le moteur est utilisée pour vaincre à la fois la résistance au roulement et la résistance de l'air. La résistance au roulement est proportionnelle au poids et à la vitesse. Elle se calcule donc facilement. La résistance de l’air, par contre, est proportionnelle au carré de la vitesse, au maître couple, et à un coefficient de forme.

Ce coefficient s’évalue dans les souffleries. Le maître couple représente, de son côté, la section transversale maximum du véhicule ; on l'appelle aussi surface frontale. Plus cette dernière sera de dimensions de dimensions réduites, et plus le maître couple sera petit ; c'est le cas des monoplaces de course.

À la soufflerie, il n’est pas rare de trouver un coefficient de forme de 0,61 pour une Bugatti de course de 1936 et un coefficient de 0,60 pour la Citroën traction avant. Notons quelques autres coefficients : Renault 4 CV, 0,42 ; Peugeot 203, 0,56 ; Grégoire, 0,32. La Claveau, grâce à son profilage « aile d'avion » descend à 0,29.

La résistance de l'air, peu sensible pour une caisse normale jusqu’à 60 kilomètres heure, absorbe à 80 kilomètres heure 4 CV avec un coefficient de forme de 0,50 et dévore, avec le même coefficient, 8 CV à 100 kilomètres heure. À 100 kilomètres heure, c'est 20 CV qui sont gaspillés.

La ligne et la forme générale sont donc prépondérantes. Les plus petits détails de carrosserie, ou le moindre accessoire, contribuent à ruiner le moindre effort de profilage idéal. Le dessous des voitures notamment, par l'interférence des filets d'air, joue aussi un grand rôle.

Le poids, de son côté, a été rogné au maximum. L'évolution de la construction moderne, en ce sens, est caractéristique. Les formes enveloppantes, aux ailes intégrées ou semi-intégrées, ont permis un allègement sérieux par la suppression de supports, cornières, etc. L’emploi de métaux légers à haute résistance, tels que les alliages d'aluminium, genre duralumin, se généralise. Armature et tôles en cet alliage sont seuls utilisés dans la Dyna et la Grégoire. Mais les grandes surfaces profilées et légères ont bientôt péché par manque de rigidité ; de plus l’insonorisation est devenue de plus en plus difficile à atteindre. Aussi, en Amérique, s'est-on tourné vers les matières plastiques. Par moulage à basse pression, l'aéronautique est parvenue à des résultats si intéressants qu'on a essayé d’utiliser un tel matériau dans l’automobile. Par simple moulage, on obtient à la fois les surfaces galbées voulues et les nervures de renforcement. Densité 1,7, contre 2,7 pour l'aluminium. De ce côté, nous nous trouvons donc en pleine évolution et nul doute que, d'ici peu, des réalisations sensationnelles soient à prévoir.

G. AVANDO.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 110