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Les mines en Afrique Occidentale

Les connaissances géologiques et minières que nous possédons sur l'A. O. F. sont encore bien incomplètes, malgré les grands progrès réalisés depuis quarante ans.

L'exploitation de l'or et du fer remonte à l'antiquité ; la période contemporaine voit commencer l'exploitation des gisements d'iléminite, de bauxite, de bitume et de diamant. D'autres gîtes sont reconnus et seront exploités dès que les circonstances le permettront.

Pour fixer les idées, notons que les exportations faites à la veille de la guerre, en 1938, se montaient à : or, 3.950 kilogrammes ; diamant, 62.900 carats ; iléminite et zircon, 7.470 tonnes ; minerai de fer, 20.700 tonnes, le tout représentant en bloc 150 millions.

L'or provient surtout du Soudan, des placers indigènes du Bambouck (vallée de la Falémé) et du Bouré (région de Siguiri), où plus de 100.000 noirs viennent chaque année exploiter les champs déterminés par des féticheurs spéciaux. L'or se trouve sous une couche de latérite stérile de 8 à 10 mètres de profondeur ou plus. Le mineur creuse un puits étroit et pousse des amorces de galeries vers les puits voisins. Il extrait la terre aurifère et l'eau avec des calebasses. Cette terre est lavée à la battée par les femmes, expertes dans ce travail. La poudre d'or est mise dans des boîtes en corne, les pépites dans de petits sacs.

Pendant la guerre, les placers ne pouvant être surveillés furent fermés, sauf à Bouaflé dans la Côte-d'Ivoire. En 1945, l'exploitation fut rouverte à la Falémé et, en 1946, à Siguiri.

L'Administration, par le moyen des sociétés de prévoyance organisées en coopératives d'orpailleurs indigènes, envisage une organisation moins dangereuse, plus technique. Ainsi, à Siguiri, des pompes pour épuiser les eaux sont louées aux mineurs. Des exploitations européennes pourvues d'un outillage moderne travaillent sur la haute Falémé et au Dahomey, où le Service des mines découvrit le gisement de la Ferma Atakora, dont l'exploitation a été concédée à une société privée.

Des gisements filoniens sont reconnus et étudiés tant par le Service des mines que par des particuliers, de même pour les dépôts alluvionnaires en Moyenne-Guinée, aux alentours de Mamou, Dabola ; dans la Haute-Guinée et l’Ouest de la Côte-d'Ivoire, du côté de Kankan, N'Zérékoré et du San Pedro ; également sur le cours du Lobi en Haute-Volta ; au Togo, à Lawé-Kara et Mango.

Le diamant, recherché depuis quelques années par l'Office du Niger, est exploité depuis 1936 dans la région de Macenta ; en 1946, la production s'est élevée à 94.985 carats. Ces diamants sont généralement des diamants industriels teintés ; ils sont vendus à Londres, où s'écoule l'abondante production du Sierra Leone et de la Gold Coast.

Titane et zircon.

— La mer rejette des sables noirs au-dessous de Rufisque jusqu'à Joal, à l'embouchure du Saloum et de la Casamance, aux embouchures des fleuves de la Côte-d'Ivoire et sur les côtes de la Mauritanie. Ce sable criblé donne de 40 à 60 p. 100 d'iléminite (oxyde de titane), utilisé pour la fabrication d'aciers spéciaux et la préparation du blanc de titane, remplaçant avantageusement la céruse. Il reste de 15 à 40 p. 100 de zircon, utilisé pour les produits réfractaires, en particulier les manchons incandescents.

Bauxite.

— En Guinée, aux îles de Loos, la Société des bauxites du Midi les exploite. Dans la région de Dabola, des permis sont pris par la Société Alais, Froges et Camargue.

Minerais de fer et chrome.

— Il existe des gisements latéritiques un peu partout. Les indigènes les ont exploités selon leurs besoins. On trouve dans le Nord du Soudan d'antiques puits dits « puits du juif », ayant une sorte de cuvelage monolithe, fait autrefois par la fusion sur place de l'hématite se trouvant dans la latérite des parois.

La Compagnie minière de Konakry prépare l'exploitation à Konakry même d'un énorme gîte de fer chromé de plus de 30 mètres d'épaisseur, comparable aux grands gisements d'Amérique. Au Dahomey, on trouve de la chromite, ainsi qu'au Togo dans la région d'Ata Kpamé.

Phosphates.

— Il s'en trouve en divers points du Sénégal, signalés autrefois par le professeur Aug. Chevalier, le capitaine Friry et d'autres. À Thiès, la Société Alais, Froges et Camargue a prospecté des latérites phosphatées contenant un minerai double d'aluminium et phosphore.

Sel (chlorure de sodium).

— Des marais salants sont exploités industriellement au Sénégal, sur le Saloum. Des gisements de sel gemme existent en Mauritanie, au Soudan, dans le territoire du Niger. Ce sel donne lieu depuis un temps immémorial à un important commerce à l'intérieur.

Sables bitumineux.

— Un gisement d'environ 500.000 tonnes existe à Éboïnda, en Côte-d'Ivoire. Les Travaux publics en tirent 150 tonnes de bitume par an.

De l'étain (cassitérite) se trouve dans l'Aïr. Du cuivre existe en Mauritanie. Du manganèse se trouve en Côte-d'Ivoire.

La réglementation minière est régie par le décret du 26 décembre 1935, modifié par celui du 24 juillet l 942. On peut la résumer ainsi :

Nul ne peut exploiter une mine qu'en vertu d'un permis d'exploitation ou d'une concession.

Les substances minérales sont réparties en cinq catégories :

    I. Hydrocarbures liquides ou gazeux, bitumes, asphaltes, schistes et grès bitumineux.

    II. Houilles et lignites.

    III. Phosphates, nitrates, sels alcalins, aluns, borates et autres sels associés dans les mêmes gisements.

    IV. Métaux précieux et pierres précieuses.

    V. Toutes autres substances minérales.

Trois sortes de permis sont délivrés :

    a. Les permis d'exploration, sous réserve des droits acquis antérieurs, donnent droit exclusif de rechercher toutes substances minérales, à l'exception de celles comprises dans la première catégorie, dans un quadrilatère de 2.000 à 10.000 kilomètres carrés pendant trois ans. Il est renouvelable.

    b. Le permis de recherche pendant deux ans, dans un carré dont les côtés ont de 5 à 10 kilomètres, de substances comprises dans la catégorie pour laquelle il a été délivré. Il est exclusif et renouvelable.

    c. Le permis d'exploitation, valable quatre ans et renouvelable, délivré au titulaire d'un permis de recherches qui a fourni la preuve de l'existence d'un gisement par des travaux régulièrement poursuivis.

Les titulaires de ces deux dernières sortes de permis peuvent obtenir, sous certaines conditions, une concession de soixante-quinze ans, renouvelable par périodes de vingt-cinq ans. L'Administration peut se réserver l'exploration, la recherche et l'exploitation d'une ou plusieurs substances dans certaines régions.

La récente et précise monographie L'A. O. F., par le gouverneur Spitz, ainsi que la revue Chronique des Mines coloniales, de l'ingénieur en chef Fernand Blondel, m'ont permis de collationner et mettre à jour ma documentation.

Un organisme d'État : le Bureau des mines, créé sous forme de société anonyme au capital de 30 millions, porté à 700 millions, aidera et dirigera les exploitations minières qui ne pouvaient arriver à se créer aux colonies par insuffisance de capitaux.

V. TILLINAC.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 117