Il convient de remercie Le Chasseur Français et son
collaborateur M. Victor TILLINAC d’avoir ouvert, dans le numéro de mai 1949,
une rubrique à propos du paludisme.
Il est, en effet, admis que l'on compte un milliard de paludéens
dans les différents pays qui se partagent la carte terrestre. Chaque année, la
mortalité due à cette maladie dépasse de beaucoup l'importance des pertes
subies par les nations dans les guerres les plus meurtrières. Et les
statistiques les plus récentes affirment que, depuis 1939, le mal s'est accru
considérablement malgré les mesures prises par tous les pays civilisés pour le combattre
et le juguler. Le plus grand nombre des victimes se rencontre chez les enfants
atteints de cachexie paludéenne, avec des rates venant parfois doubler le
volume des ventres des petits malades. Chez les adultes, le mal est non moins grave.
Partout, les savants se sont penchés sur le grave problème de défense collective
qui se pose aujourd’hui, avec plus de force que jamais, au double point de vue
médical et économique. Les travaux, du docteur suisse Muller, du Dr
Schneider, de Paris, des Drs Sergent, d'Alger, Henry, de Constantine
et de milliers de spécialistes de tous les pays, ont abouti à des résultats remarquables,
sans toutefois arrêter les progrès d'un mal menaçant l’humanité tout entière.
La bataille engagée est livrée partout sous deux formes
différentes : la destruction des gîtes à anophèles constitués par les marais
ou les eaux stagnantes, ou leur désinfection, d'une part, et la défense individuelle
des malades, considérés comme réservoirs parasitaires humains, d'autre part.
Les procédés de désinfection des marécages ont donné, en
beaucoup d'endroits, des résultats remarquables, mais ils offrent l'inconvénient
de coûter très cher et d'absorber des crédits considérables. La défense
individuelle a suscité la découverte de nombreux médicaments qui, tous, ont leur
utilité ; chaque jour, les annonces des journaux signalent des produits
nouveaux, dont l'efficacité, plus ou moins grande, s'est révélée en présence de
la raréfaction de la quinine par suite de la guerre. Depuis 1942, nous avons vu
préconiser, successivement, la quinacrine, l'atébrine, la prémaline, le paludophène,
produits français, l’atabrine, produit américain, la paludrine, produit anglais,
la nivaquine, etc., etc., sans parler du D. T. T. pour la destruction
des moustiques.
Mais la découverte la plus originale, mise en relief par la
guerre et la suppression de la quinine sur les marchés mondiaux, semble avoir été
la révélation d'un procédé employé, depuis plusieurs années, par un médecin
ayant habité longtemps l'une des régions les plus impaludées du département de
Constantine, le Dr Jouane.
Constantine a pris rang en bonne place, dans la lutte
anti-paludique, par les travaux du Dr Laveran, qui ont abouti, en
novembre 1880, à la découverte des hématozoaires, cause de la maladie. Une
statue du grand savant orne la cour d'honneur de l’hôpital militaire qui porte son
nom, ainsi que l'une des grandes artères de la cité.
L'Institut Pasteur d'Alger, avec les Drs Sergent,
de nombreux praticiens, parmi lesquels le Dr Henry, ont continué l’œuvre de
Laveran par des découvertes intéressantes. Le Dr Jouane va-t-il enrichir
la science médicale d'un nouveau procédé de lutte contre l'épidémie mondiale ?
Son procédé est des plus simple. Et l’inventeur n'en tire
aucun profit. Il le livre à ses confrères, se contentant d'en faire la démonstration,
avec succès, et souvent gratuitement, aux malades qui s'adressent directement à
lui. Les nombreux traitements qu'il a appliqués l'ont amené à faire cette observation :
l'auto-vaccin pratiqué avec le sang du malade n'a d'efficacité que contre la malaria.
Il est inopérant contre les accès de fièvres hépatiques, d'infection biliaire.
À la suite d'une poussée de paludisme nettement définie par une analyse de
sang, avec une seule piqûre intradermique, Jouane a fait disparaître les accès
de paludisme et rétabli l'état général ; les malades ont été rendus à la
santé et ont pu retourner en milieu impaludé et reprendre leurs occupations
sans être affectés de nouveau par les piqûres de moustiques.
À la suite de ses expériences et des résultats obtenus dans
un camp de mille prisonniers italiens, à Constantine, le Dr Jouane
distribua à ses confrères s'adressant à lui la formule suivante :
« Recueillir au pli du coude 5 à 10 centimètres cubes
de sang. Piquer le derme de la face interne du bras, rapidement pour éviter la
coagulation et le blocage de la seringue, renverser alors la seringue, l'aiguille
en haut, et enfoncer, comme pour chercher à retraverser le derme de dedans en
dehors, et, lorsqu'on sent la pointe de l'aiguille près de l'épiderme, injecter
un ou deux centicubes de sang. Retirer, alors, un peu l'aiguille et repiquer à
plusieurs reprises le derme, en l'infiltrant.
» Un hématome noir, gros comme une amande, se forme, à
l'aspect peau d'orange. Il indique que le derme et l'épiderme sont suffisamment
infiltrés, bien qu’une partie du sang se soit répandue dans le tissus
cellulaire sous-cutané.
» Recommencer l’opération à l’autre bras, deux jours
après et, si nécessaire, les deux jours suivants.
» Dr JOUANE. »
Ce texte intéressera certainement de nombreux médecins qui,
à travers le monde, luttent contre le paludisme.
Nous adressant aux spécialistes qui emploieront la formule Jouane,
nous les prions de vouloir bien signaler les résultats qu'ils obtiendront aux
Centres d'études médicales de leurs régions, avec les améliorations qu'ils
pourraient apporter, dans la pratique, à la formule Jouane.
E. VALLET.
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