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L'univers et la science

Il y a une trentaine d'années, vers 1920, la science astronomique se trouva subitement bouleversée par une théorie nouvelle, due à l'abbé Lemaitre quant à un phénomène d'observation (effet Doppler-Fizeau au spectrographe astronomique) et exposée en principe neuf par Einstein.

Théoriquement le nouvel univers était très simple. Il consistait en un nombre très grand de nébuleuses spirales (identiques en gros à notre voie lactée), épandues dans le ciel, constituées chacune de millions d'étoiles, et tournant sur elles-mêmes autour d'un axe virtuel. Tout cela n'avait rien de bien neuf, au moins jusqu'en ce point.

Mais l'abbé Lemaitre, directeur de l'observatoire de Bruges, découvrit que la lumière provenant de certaines nébuleuses spirales, examinée au spectrographe — c'est-à-dire en lumière décomposée en couleurs primaires par passage dans un prisme, — présentait le curieux phénomène d'avoir les bandes noires de la raie rouge déplacées. Le phénomène est connu en physique sous le nom d'effet Doppler-Fizeau et il se produit quand la source lumineuse se déplace par éloignement ou rapprochement par rapport au foyer d'observation.

Il fallait donc en conclure que les nébuleuses s'éloignaient les unes des autres, et que leur vitesse de fuite était indiquée par l'amplitude du déplacement d'une de ces raies noires de la bande rouge du spectre.

À grand renfort d'intégrales, calculs tensoriel, vectoriel et matriciel, mobilisant toutes les possibilités des hautes mathématiques, Einstein démontra que le fait était formellement certain, et que même certaines nébuleuses lointaines fuyaient à une vitesse dépassant celle de 300.000 kilomètres-seconde de la lumière. La conséquence était que leur lumière ne pourrait jamais parvenir à la terre, et que l'on devait considérer l'univers einsteinien comme « éclaté ».

En face de certaines objections de physiciens et astronomes célèbres, le monde scientifique resta quelque peu sidéré de la réponse orgueilleuse de l'inventeur de la relativité : « Il y a au monde peut-être trois ou quatre personnes capables de me comprendre ... » et l'on adopta le fameux « univers en expansion d'Einstein ».

Mais il restait quand même des incrédules, qui attendaient fort patiemment le retour à plus de logique, car il était fort difficilement admissible que des masses aussi gigantesques qu'une galaxie puisse atteindre de telles vitesses.

C'est de la sorte qu'à la veille de la guerre une autre découverte, moins tapageuse mais plus raisonnable, vint tout remettre en état.

Les astronomes avaient remarqué depuis très longtemps que certaines parties du ciel étaient vides de toutes étoiles. Il fallait supposer — faute de preuve — ou bien qu'en ces régions il n'y avait effectivement rien (et alors pourquoi ?), ou bien que des sortes d'écrans ou de nuages empêchaient de les voir.

Cette dernière hypothèse fut rapidement confirmée, car, sur les bords de ces nuages noirs, on voyait décroître de plus en plus la quantité des étoiles visibles, mais aussi leurs éclats.

Un jour, on trouva beaucoup mieux : c'est qu'au voisinage de ces nuages noirs, puis de plus en plus à mesure que l'on observait vers leurs centres, les lumières des étoiles fournissaient des effets Doppler-Fizeau. La seule explication possible était qu'il s'agissait d'une manifestation identique à celle de la fuite de la source lumineuse, qui consistait en un « freinage » des rayons lumineux.

C'était du même coup revenir à une explication logique et surtout simple de ce que l'on avait appelé, avec beaucoup trop de hâte, l'univers einsteinien. Les nébuleuses spirales n'étaient nullement en fuite, c'était la lumière qui était freinée dans sa trajectoire par les fragments plus ou moins ténus ou, au contraire, denses des poussières cosmiques des espaces intersidéraux. Il devenait évident que plus la spirale était éloignée, plus sa lumière éprouvait de résistance et se trouvait amortie.

Ainsi le second quart du XXe siècle, gorgé de sciences, gavé de découvertes, venait de renouveler l'erreur monumentale des anciens ayant cru que la terre était fixe et que le ciel tournait autour d'elle.

Janine CACCIAGUERRA.

Le Chasseur Français N°636 Février 1950 Page 120