Normalement, le calibre d'une arme devrait toujours être
évalué au moyen de mesures linéaires, en millimètres par exemple, mais on sait
qu'en ce qui concerne les armes de chasse les arquebusiers se sont mis d'accord
depuis fort longtemps sur un numérotage des calibres proportionnellement au
nombre de balles contenues dans une livre de plomb.
Il s'agit, bien entendu, de l'ancienne livre de 489gr,5,
laquelle pouvait fournir 12, 16, 20 ou 24 balles de calibre. À l'origine, cette
notion était parfaitement claire, mais il faut avouer qu'actuellement elle est
la source d'un certain nombre de fâcheuses confusions.
L'ancien calibre 12, dont le poids dépassait souvent 3kg,500,
tirait une balle ou une charge de plomb de 39 grammes assez proche de la charge
théorique, mais, au cours du XIXe siècle, le poids de l'arme et de
sa charge subirent une diminution parallèle. On connut alors des calibres 12 de
3kg,300, tirant fort convenablement 36 grammes de plomb et employant
la poudre noire. L'apparition des poudres pyroxylées et l'augmentation possible
des vitesses initiales ont peu à peu fait dériver le calibre 12 vers son
standard actuel : fusil de 2kg,850 et charge de 32 grammes. Il
constitue ainsi une arme puissante et maniable, mais qui est sensiblement un
calibre 15.
Les autres calibres usuels ont subi des réductions
parallèles, peut-être un peu moins sensibles, qui les éloignent également de
leur valeur théorique.
On constate en outre, actuellement, une certaine tendance à
modifier ces charges standard, et cela de deux manières opposées : d'une
part, retour à un calibre 12 lourd et surchargé ; d'autre part, emploi
d'une charge de 28 à30 grammes à vitesse plus grande. On voit également
apparaître des armes de très petit calibre, tirant des charges de plomb
d'environ 20 grammes. Que faut-il penser de tout cela ?
Nous croyons que, pour replacer la question sur son
véritable terrain, il convient de se souvenir de deux faits principaux :
En premier lieu, les conditions de la chasse en France sont
telles que les trois calibres usuels 12, 16 et 20 répondent à tous les besoins.
En second lieu, les poudres en usage sont étudiées pour
obtenir le rendement maximum dans ces trois calibres avec les charges
respectives de 32, 28 et 24 grammes.
Les armes surchargées demandent l'emploi de poudres
spéciales, fabriquées à l'étranger, très intéressantes au point de vue
balistique, mais qui ne confèrent aucune vertu spéciale aux charges de plomb
qu'elles propulsent.
Nous rappellerons que la puissance d'une arme dépend
uniquement de la force vive de sa charge, c'est-à-dire de la masse et de la
vitesse restante de cette dernière ; celle-ci n'est pas toujours,
d'ailleurs, en relation directe avec la vitesse initiale, puisque, dans le cas
d'une valeur trop élevée de cette dernière, les grains de plomb se trouvent
déformés et perdent rapidement leur vitesse. En pratique, on se limite à
l'emploi d'une vitesse initiale de 380 mètres par seconde.
Nous rappellerons également que la portée efficace est celle
à laquelle le gibier considéré peut recevoir cinq atteintes suffisamment
puissantes. Tous les calibres usuels ayant le même angle de dispersion, il
s'ensuit que la portée efficace augmente avec la charge et le calibre.
Il découle de tout ceci deux conséquences : les petits
calibres ne serrent pas plus que les gros, et leur dispersion augmente si on
les fait travailler dans des conditions où les grains de la charge subissent
une déformation.
Enfin, il est bien certain que, force physique à part, le
chasseur a intérêt à employer la plus forte charge possible lorsqu'il veut
tirer le maximum d'un calibre donné.
Mais, en pratique, dans la chasse courante, que se
passe-t-il ? Ceci : si nous observons un certain nombre de tireurs
armés de calibres allant du 12 au 20, et opérant dans les mêmes conditions sur le
même terrain, nous constaterons qu'après un temps suffisamment long lesdits
tireurs se classeront uniquement d'après leur adresse et non d'après leurs
calibres.
Évidemment, à adresse égale, le calibre 12 avantagera
légèrement un tireur ; il avantagera également un maladroit si son forage
permet une large dispersion. Mais, très souvent, la légèreté du calibre 20 dans
les mains d'un bon tireur permettra d'approcher les résultats des autres
calibres.
En moyenne, les 28 grammes du calibre 16 conviennent à
toutes les nécessités de la moyenne des chasses ; le calibre 12 normal
répond à certains cas exigeant des tirs de puissance, et le calibre 20 reste
l'arme rapide des bons tireurs.
Dans ces conditions, convient-il d'être l'esclave d'un
numéro de calibre ? Nous répéterons une fois de plus qu'il vaut mieux
affirmer : « je chasse avec telle charge parce qu'elle convient à mon
terrain et à mon adresse », qu'être persuadé qu'en dehors d'un calibre
donné il n'y a pas de succès possible, tout en employant dans ledit calibre des
charges variables avec la mode ou l'humeur du moment. Et quand on a déterminé
la charge avec laquelle on réussit bien, il vaut infiniment mieux l'employer
dans son calibre normal que dans un supérieur sous-chargé ou inférieur
surchargé. Nos munitions, nous le répétons, sont étudiées en conséquence, et il
n'y a que des déboires à récolter à vouloir chercher autre chose.
Reste le cas des tirs spéciaux, pour lesquels certains
calibres renforcés peuvent rendre des services. On a construit autrefois des
canardiers calibre 12 tirant la vieille charge de 40 grammes ; on peut
évidemment reprendre cette idée avec l'emploi de poudres spéciales, mais sans
supériorité probable sur un calibre 10 bien étudié.
Nous avons dit plus haut ce qu'il convenait de penser des
petits calibres dans les mains des tireurs médiocres ; nous conseillerons
de même aux débutants de ne pas faire leurs premières armes avec un calibre 20,
bien que l'on affirme ça et là souvent le contraire. Au début d'une éducation
de chasseur, il faut d'abord toucher et progresser ensuite en cherchant à tuer
nettement sans blesser. Ceux qui réussissent d'emblée avec un petit calibre
sont destinés à devenir de grands fusils, mais ils sont rares, et on peut heureusement
prendre beaucoup de plaisir à la chasse en restant dans une honnête moyenne.
M. MARCHAND,
Ingénieur E. C. P.
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