Suivant le cas, la divagation des chiens doit être
considérée comme un acte de chasse, ou comme une infraction à l'arrêté
ministériel relatif à la chasse, ou enfin comme la contravention de police
prévue et réprimée par l'article 418 15° du Code pénal.
Dans les deux premiers cas, le fait constitue un délit de
chasse et relève de la juridiction correctionnelle. Entre les deux cas, il
existe des différences. D'une manière générale, on admet que, pour que la
divagation des chiens puisse être considérée comme acte de chasse, il faut que
le maître du chien ait participé à la divagation au moyen d'un acte volontaire ;
c'est le cas, notamment, lorsque le maître du chien a lancé cet animal à la
poursuite du gibier, ou lorsque, présent sur le lieu, ils s'abstient
volontairement de rappeler son chien. Il peut alors, suivant le cas, être
poursuivi pour chasse sur le terrain d'autrui, ou pour chasse en temps prohibé,
ou pour chasse sans permis.
Mais si, sans aucune participation du maître et hors sa
présence, le chien s'est échappé et est allé courir dans les bois ou la plaine,
le maître de l'animal ne peut être considéré comme ayant fait acte de chasse ;
il peut seulement être inculpé d'infraction à l'arrêté ministériel concernant
la chasse et traduit devant le tribunal correctionnel par application de
l'article 11 3° de la loi sur la chasse, ou même d'infraction prévue par
l'article 518 du Code pénal et déféré au tribunal de simple police.
La distinction entre ces deux derniers cas est assez
délicate et donne matière à controverse.
Pour que le fait puisse être traité comme délit de chasse,
certaines conditions sont indispensables. En premier lieu, il faut qu'il ait
été pris par le ministère de l'Agriculture un arrêté concernant la chasse et
que cet arrêté contienne une interdiction expresse relative à la divagation des
chiens. En fait, il existe toujours un arrêté ministériel relatif à la chasse
portant prohibition de laisser divaguer les chiens dans les bois et les
plaines. Même si cet arrêté ne spécifie pas que l'interdiction de la divagation
est promulguée en vue de la protection des oiseaux, il est possible de déférer
le contrevenant à la juridiction correctionnelle.
Avant la loi du 28 juin 1941, alors que c'étaient les
préfets qui jouissaient du pouvoir réglementaire en matière de chasse, la
question se posait de savoir si l'arrêté interdisant la divagation des chiens
était pris dans le seul intérêt de l'agriculture et pour la protection des
récoltes, ou s'il était pris en vertu de l'article 9 de la loi sur la chasse et
pour la protection des oiseaux. Dans le premier cas, il était admis que la
divagation n'était qu'une contravention de police et que l'article 418 15° du
Code pénal était seul applicable ; pour qu'il en pût être autrement, il
fallait que l'arrêté préfectoral visât expressément l'article 9 de la loi de
1844 ou précisât qu'il avait pour objet la protection des oiseaux. Telle était
la jurisprudence de la Cour de cassation formulée dans deux arrêts des 5 août
1887 et 12 janvier 1924 (Recueil Dalloz, 1888, 1re partie,
p. 186, et Dalloz Hebdomadaire, 1924, p. 123).
Depuis que l'article 7 de la loi du 28 juin 1941 a
transféré au ministre de l'Agriculture le pouvoir réglementaire qu'avaient les
préfets en matière de chasse, la question ne paraît plus susceptible de se
poser. Dès lors que la prohibition relative à la divagation des chiens se
trouve dans l'arrêté ministériel concernant la chasse, il n'est pas douteux que
cette interdiction est formulée en vue d'assurer la protection des oiseaux.
La première condition étant supposée remplie, il reste
encore une difficulté à résoudre. Le fait matériel de la divagation du chien
étant établi, cela suffit-il pour que le maître du chien puisse être poursuivi
correctionnellement en vertu de l'article 11 3° de la loi sur la chasse ?
Suivant une opinion, le fait de la divagation suffit pour
cela, et il n'y a pas à rechercher si le maître du chien en est responsable. Il
est cependant plus généralement admis que, pour qu'il y ait délit de chasse
relevant de la juridiction correctionnelle, il est nécessaire qu'on puisse
imputer au prévenu tout au moins une négligence, qu'il soit établi qu'il n'a
pas fait tout ce qu'il devait pour empêcher son chien de s'échapper et d'aller
courir la plaine et les bois ; il suffit, d'ailleurs, de la moindre
négligence pour que le délit soit consommé. On cite en ce sens un arrêt de la
Cour d'appel de Nancy du 4 décembre 1844 (Recueil Dalloz, 1845, 1re partie,
p. 5). Il faut, d'autre part, ne pas oublier qu'en matière pénale la charge de
la preuve incombant au ministère public ou à la partie civile, c'est à eux
qu'il incombe de préciser et de prouver l'existence de la négligence imputable
au prévenu. Faute de quoi le tribunal correctionnel serait incompétent et seule
la contravention de police pourrait être retenue.
Ajoutons que le fait que le procès-verbal aurait visé
expressément l'infraction à l'arrêté ministériel pris pour la protection des
oiseaux ne changerait rien à la chose ; l'essentiel serait que le procès-verbal
constatât et relevât les faits constituant de la part du prévenu une négligence
ou un manque de surveillance.
Paul COLIN,
Docteur en droit,
Ancien avocat à la Cour d’appel de Paris.
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