Que faut-il donc entendre par bon temps (1) ? Je
n'envisagerai ici que le bon temps de chasse aux chiens courants.
Le bon temps, c'est celui où la voie est favorable et où les
chiens chassent bien.
Il est beaucoup plus difficile de dire pourquoi, certains
jours, la voie est bonne et pourquoi, d'autres jours, elle est exécrable. Cette
question de l'intensité et de la persistance des odeurs laissées par l'animal
est tout ce qu'il y a de plus mystérieux encore.
En principe, on peut dire que le temps le plus favorable est
celui décrit par ce vieil adage :
Un vrai temps de demoiselle, Ni pluie, ni vent, ni soleil.
Encore faut-il ajouter : ni forte gelée. La forte gelée
abîme considérablement les pieds des chiens, surtout si l'animal débuche, et la
terre est généralement très mauvaise.
Pour donner une définition exacte de ce que l'on peut
appeler une vraie bonne journée, ce qui complique le problème, c'est que :
1° Toutes les prévisions et toutes les apparences sont
souvent contredites par la réalité. Certains jours, ces apparences sont
favorables, et cela chasse mal. D'autres jours, au contraire, qui s'annoncent
néfastes, les chiens chassent parfois correctement. En réalité, on n'est
vraiment sûr de la qualité de la voie qu'en voyant les chiens en chasse.
2° La qualité de la voie change souvent au cours d'une même
journée, et parfois en quelques instants, sans qu'aucun signe apparent puisse
annoncer ou expliquer ce changement subit.
Un jour où nous chassions le lièvre à courre, mon beau-frère
et moi, par un après-midi tiède de la fin mars, nos chiens étaient incapables
de poursuivre un lièvre plus de vingt ou vingt-cinq minutes. Ils faisaient
changes sur changes. Sur les quatre heures, un lièvre frais leur déboula sous
le nez. Ils volaient littéralement ; et sans un balancer, sans un défaut,
ils forçaient leur animal en une heure. Il fallait nécessairement que se soit
produite une modification totale de la qualité de la voie. Rien dans les
apparences extérieures, dans le vent ou dans les nuages, ne pouvait expliquer
ce changement brusque et absolu.
Il y a cependant quelques observations qui sont valables
pour la plupart des cas.
On peut poser comme une certitude que, par temps chaud, par
période de sécheresse persistante, la voie est toujours mauvaise. On ne chasse
jamais bien sur une terre trop sèche. Il faut une certaine humidité et dans
l'ambiance, et sur le sol. Mais il ne faut pas que le terrain soit inondé. De
très fortes rosées sont même souvent défavorables.
Lorsqu'un animal traverse des terrains trop mouillés ou des
marécages, les chiens ont peine à suivre la voie. Il faut même qu'un lièvre ait
couru un certain temps hors de ces terres marécageuses pour que la voie
redevienne normale.
Quels sont les vents les plus favorables ? Cela dépend
peut-être des régions. Mais, dans ma contrée, je n'ajoute aucune créance au
fameux dicton :
Vent du midi, Chiens au chenil ; Vent du nord, Tous chiens dehors.
Pour le vent du midi : d'accord. Il est toujours
mauvais, très mauvais. Mais le vent du nord, en plein hiver, n'est guère plus
souhaitable.
L'idéal, d'ailleurs, c'est que le temps soit calme et qu'il
n'y ait que très peu de vent.
Personnellement, j'aime beaucoup ces journées grises et
tranquilles où le temps écoute. On profite mieux de la jolie musique des chiens,
et la chasse est généralement plus régulière et plus vive.
Le vent d'est est souvent mauvais. Le vent du sud-est est
affreux.
À condition qu'ils ne soient pas violents, les meilleurs
vents sont le vent d'ouest et le vent du nord-ouest. Il y a toujours un peu
plus d'humidité dans l'air. Ils sont du moins beaucoup moins desséchants et
moins ressuyants.
Toutes les journées de pluie ne sont pas franchement
mauvaises. On est même parfois très agréablement surpris de la façon dont les
chiens se comportent sous l'eau. En revanche, s'il s'agit d'averses ou de
giboulées, rien ne va plus.
La gelée blanche est différemment appréciée. Certains
chasseurs l'affectionnent tout particulièrement. Ces jours-là, en effet, ceux
qui aiment que ça crie sont bien servis. Les chiens trouvent des voies partout.
Par la gelée blanche, on fait parfois des rapprochers très longs et très
amusants. Mais, après le lancer, les chiens se montrent beaucoup moins
brillants. C'est là un phénomène tout à fait curieux. Pourquoi les voies de la
nuit, recouvertes par la gelée, sont-elles chaudes et persistantes ?
Pourquoi, après le lancer, des voies plus récentes sont-elles si froides et si
fugaces ? Lorsque, après une matinée de gelée, les champs se couvrent du
réseau de fils à la vierge, les chiens sont absolument désemparés.
Tout est si mystérieux dans cette question de la voie qu'on
se demande bien des choses, qu'on n'explique rien et qu'on ne constate qu'une
chose : lorsque le temps est mauvais, les meilleurs chiens sont souvent
impuissants, tandis que, lorsque la terre est bonne, les chiens médiocres
eux-mêmes chassent correctement.
Cela faisait dire à un ami qui est un fervent coureur de
lièvres : « J'en arrive à croire qu'il n'y a pas de bons et de
mauvais chiens, mais bonne ou mauvaise voie. »
Paul DAUBIGNÉ.
(1) Voir Le Chasseur Français de février 1950.
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