Bizarreries de la nature.
— Le 16 octobre 1949, vers 15 heures, dans la commune
de Saint-Just-le-Martel (Haute-Vienne), près du village de La Roche, j'ai tiré
et tué un lapin de 1 kilogramme environ, absolument identique au lapin de garenne,
mais présentant une différence essentielle quant à la couleur du pelage.
Le poil du dos était cendré à reflets mauves ou gorge de
pigeon. Par ailleurs, l'iris des yeux était bleu vif. La conformation générale,
la tête, les oreilles et les pattes étaient celles du lapin sauvage, sans que rien
pût rappeler une ascendance domestique.
Le lieu où il fut tiré (landes et genêts) était fréquenté
par d'autres de ses congénères ; aucun de ceux qui ont été vus et tirés ne
présentaient de telles caractéristiques.
S'agit-il d'un lapin atteint de néo-albinisme, d'un phénomène
de dégénérescence, ou de mimétisme, ou doit-on supposer que, dans l'ascendance,
à la troisième ou quatrième génération, figurait un lapin domestique à pelage
gris cendré au à reflets bleus ?
GILLIBERT, Cité Administrative, Limoges.
— Le 8 septembre 1949, faisant l'ouverture dans la
commune de Monchy-Cayeux, pays accidenté où les champs, séparés par de nombreux
talus, sont étagés de part et d'autre de la riante vallée de la Ternoise, j'ai
aperçu, à plusieurs centaines de mètres et traversant avec une grande rapidité
un champ de petit trèfle, un animal au poil blanc resplendissant sous le
soleil.
Poursuivie par les chiens, après plusieurs changements de
direction, la bête arriva quelques instants plus tard, à portée de fusil, au
pied du haut talus sous lequel j'étais resté en observation, j'eus la bonne
fortune de l'abattre.
Il s'agissait d'un lièvre blanc (une hase, plus exactement)
d'un poids de 3kg,700. La tête, le dos et la queue étaient sous poil
blanc aux reflets argentés, ceux du cou et des flancs étaient d'un beige très
clair.
La chair s'est présentée sous un aspect moins rouge, et la
saveur en était plus fine que celle d'un lièvre roux commun de même poids.
Jean HELLE, abonné, Clermont-de-l'Oise.
Destructions de nuisibles.
— Le tableau déjà respectable de M. Guillaud,
garde-chasse fédéral à la Côte-Saint-André (Isère), a été battu, et de
beaucoup, par celui de M. Lyautey, garde-chasse fédéral de Frottey-le-Vesoul
(S.-et-L.), qui a détruit, du 1er janvier au 31 mai 1949,
121 renards et 47 blaireaux.
Sans vouloir diminuer le mérite de M. Guillaud, le nombre de
bêtes détruites ne constituait pas un record.
M. A. JOSSE, abonné de la Haute-Saône.
J'ai eu le plaisir de prendre au piège avant sa mise bas une
renarde, sur la propriété de Montebise, en Seine-et-Marne. Cette renarde, comme
je l'ai fait constater par M. Bonnet, jardinier, et M. Corre, bûcheron, était
pleine de dix petits, je pense que c'est un record chez cet animal.
M. E. BOULLE, garde, Pierre-Levée (S.-et-M.).
La reconstruction chez les oiseaux.
— Un couple d'hirondelles avait construit son nid sous
le dépassant de la toiture de mon atelier, à 5 mètres au-dessus du sol. Tout se
passait normalement, les oeufs étaient éclos, lorsqu'un jour la moitié du nid
se détacha, entraînant dans sa chute les occupants, trois petits n'ayant qu'une
plume naissante.
Je ramassai ces trois petits et les replaçai sur le mince
rebord qui restait du nid, mais sans grand espoir. Comme conscients du danger,
ils se tenaient bien immobiles sur ce frêle support.
Alors, il se passa ceci : une hirondelle, la mère, sans
doute, se tint près du nid sinistré, probablement pour éviter toute nouvelle
chute aux petits, et une dizaine d'hirondelles alertées dans le pays vinrent
apporter leur becquée de mortier, de sorte que, trois heures après le désastre,
le fond et le rebord du nid étaient devenus suffisants pour éviter tout
accident.
Le lendemain, aucun travail ne fut exécuté. J'ai pensé que
c'était pour laisser au mortier le temps de prendre consistance. Mais le
surlendemain, toujours par une nombreuse équipe, le nid fut entièrement
reconstruit. La nichée était sauvée, et je ne revis plus alors que les parents.
N'y a-t-il pas là un bel exemple de solidarité, et nous, qui
nous prétendons civilisés, pourrions prendre « de la graine » sur ces
oiseaux qui n'ont eu besoin d'aucune loi sur la reconstruction, ni d'un
ministre adhoc, ni de palabres sans fin. Un des leurs était dans le
malheur, et leur solidarité s'est manifestée immédiatement.
J. COUTURIER, abonné, Forgevieille-Bazelat (Creuse).
Passages.
— J'ai tué, le vendredi 14 octobre, à Ourscamp,
une oie sauvage. C'est la première fois que je vois passer les oies sauvages
aussi tôt. Elles voyagent généralement par quatre.
MERCKLER, abonné, Clury-Ourscamp (Oise).
Le 11 octobre, j'ai eu la surprise d'abattre d'un coup
de plombs n°4, et à environ 100 mètres de hauteur, un milan royal d'une
envergure de 1m,52. Pris d'abord pour une buse, ce grand rapace,
après examen par un de mes amis à qui je l'avais remis pour le faire
naturaliser, fut identifié comme étant le milan royal, ou grand milan, dont il
possédait tous les traits caractéristiques : envergure, queue échancrée en
V, plumage couleur rouille, tête et gorge grises, serres puissantes, pattes
jaunes et courtes. Le 16 du même mois, j'ai encore aperçu, mais cette fois à
une grande hauteur, trois de ces oiseaux. Le passage de milans dans nos régions
est-il dû à une migration ?
G. D ..., abonné, à Demigny (Saône-et-Loire).
Le 25 septembre, j'ai abattu une outarde canepetière
aux environs de Belle-Isle-en-Terre (C.-du-N.). Cet oiseau s'est envolé une
première fois à 150 mètres et s'est posé 1 kilomètre plus loin, en bordure
d'une lande où j'ai pu le surprendre.
C'était une outarde femelle du poids de 850 grammes et d'une
envergure de 0m,75 (voir Chasseur français de mars 1949 ;
« Les bêtes qui disparaissent », de Jean de Witt), coup de fusil
extrêmement rare dans notre région.
Jean LE MANACH, abonné, Belle-Isle-en-Terre (C.-du-N.).
Le massacre des innocents.
— Au temps lointain de mon enfance, dans nos montagnes
du haut Doubs, en bordure de la frontière suisse, les forêts de noirs sapins
encerclés de framboisiers ou de myrtilliers étaient le lieu d'élection du grand
tétras, et il arrivait fréquemment de mettre sur pattes, puis à l'essor, un
couple de ces magnifiques oiseaux. Souvent, aussi, de gracieuses gelinottes,
grappillant les sorbes ou les myrtilles, s'envolaient, effarouchées, à
l'approche du promeneur ...
Mais les temps ont changé. Les chasseurs, les braconniers,
les chiens errants et indisciplinés, les renards et autres petits fauves
semblent se liguer pour anéantir les hôtes charmants de nos forêts de montagne.
Cette manie sanguinaire semble viser particulièrement les chevreuils.
Un camarade me contait récemment l'anecdote suivante :
« Un groupe de vingt-deux chasseurs a cerné une enceinte forestière. Les
points de passages probables sont occupés. Les chiens lâchés, au bon moment,
mettent sur pied les chevreuils remisés dans la parcelle. Quatre chevreuils
tombèrent sous les plombs, mais il est permis de penser que beaucoup furent
blessés, si l'on songe qu'un seul chasseur du groupe appuya dix-huit fois sur
la détente de son fusil ... » Que de blessures ... que de
souffrances inutiles !
Pourquoi donc ce massacre d'innocentes victimes est-il
légalement toléré ? Ne comprendra-t-on jamais dans nos villes, et surtout
dans nos campagnes, la poésie d'un coin de forêt animé par la grâce de ses
hôtes sylvestres ?
Les journaux locaux semblent rivaliser d'ardeur pour louer
les mérites des destructeurs de chevreuils. Quelle propagande inutile !
Le chevreuil est un animal délicat, extrêmement vulnérable.
Les atteintes sont très souvent accusées et se guérissent rarement, j'ai vu
ramasser un chevreuil, mort d'une seule balle au poumon. Les chiens de tous
acabits : courants, bergers, gardes, corniauds ... prennent
facilement son « frais » puissant et le tiennent sans effort.
La chasse est une distraction, je le conçois, étant moi-même
chasseur ; mais cette distraction dégénère trop souvent en opération
financière. Si la chasse était considérée uniquement sous l'angle sportif, il y
a longtemps que les effrontées corneilles, et toute la gent « corbeau »
auraient été durement touchées. Mais le chasseur ne chasse pas par amour du
sport ; il tient surtout à tirer la pièce de valeur. À l'ouverture de la
chasse, un renard filera sans encombre entre les jambes d'un chasseur, qui
saluera d'une détonation meurtrière, plus ou moins légalement, le chevreuil
innocent dans sa fuite apeurée.
Mettons un terme au massacre des chevreuils dans nos forêts.
Il s'écoulera encore bien des lustres avant que la pullulation de ces
gracieuses bêtes puisse être invoquée comme une menace contre les cultures.
Souhaitons donc que :
— la chasse aux chevreuils ne soit ouverte annuellement
que pendant deux ou trois jours, à la fin de l'automne ;
— la vente de la viande de chevreuil soit interdite ;
— des sanctions pécuniaires élevées viennent frapper
les destructeurs, et nos forêts retrouveront la vie, la poésie et le charme
d'une présence aimée.
Pierre BULLE, Les Fourgs (Doubs).
Tichodrome échelette.
— De tous côtés, des lecteurs nous signalent la capture
de spécimens de cet oiseau, auquel M. Pierre Arnouil a consacré une causerie
dans Le Chasseur Français de décembre : de Villeneuve-de-Berg
(Ardèche), le 1er novembre 1949, par M. Joseph Perrier ;
d'Aigue-fonde, dans le Tarn, vers la même époque, par M. Corayol ; de
Janville en Eure-et-Loir (10 décembre), par M. Francheterre ; de Coursan
(Aude), par M. Conguillem ; enfin M. Roucolle confesse avoir abattu, d'un
coup de fronde, ce spécimen rare, à Beaumont-de-Lomagne (Tarn-et-Garonne), en
1934. Un autre passage aurait eu lieu, au même endroit, vers 1947. M. J. de Boissière
signale enfin une colonie de cinq ou six tichodromes près de Saint-Antonin (Tarn-et-Garonne).
Passages.
— M. Mugnier nous a signalé le passage, dans l'Yonne,
le 12 octobre dernier, d'un important vol de grues cendrées, se composant
de soixante-quinze à quatre-vingts oiseaux. L'un d'eux s'est abattu à proximité
du village, complètement épuisé par une blessure à la tête et à la patte.
M. Arsène Trinon, de Sacé (Mayenne), a tué en février 1949
trois oies bernaches cravans, en excellent état, bien viandées et succulentes.
Enfin M. Daurat, à Saint-Solve (Corrèze), nous signale une
capture de milan noir, le 4 décembre dernier, d'une envergure de 1m,60 ;
un autre sujet avait déjà été capturé au même endroit, en décembre 1946. M.
Daurat rappelle également une série de captures assez rares dans sa contrée :
une mouette et un œdicnème criard en 1946, deux grues cendrées (1946 et 1948),
une petite outarde (1945). Enfin, à la date du 13 novembre 1948, une
caille.
Records dans la destruction des nuisibles.
— Au tableau d'honneur de l'activité des gardes,
portons le bilan de quarante-quatre jours de travail de deux gardes de la
Fédération du Tarn, secteur de Castres : 87 renards et 79 blaireaux, plus
22 autres nuisibles dont 15 belettes ; du 1er janvier au
28 octobre 1949, il a été détruit dans le secteur, par ces mêmes gardes,
247 nuisibles, dont 94 renards et 109 blaireaux.
M. Morel Julien, garde de la Fédération de la Drôme, a porté
à son actif du 1er janvier au 18 juin 1949, dans les
cantons de Pierrelatte, Saint-Paul, Trois-Châteaux et Grignan : 84
renards, 56 blaireaux, 8 chats harets, 5 éperviers, 3 belettes, 1 putois.
Albinisme.
— Un de mes amis, M. Berny, a tué récemment sur sa
propriété, le domaine du Tertre, à Saint-Romain-la-Virvée (Gironde), un
blaireau de poil absolument blanc et pesant 32 kilogrammes. J'ai vu la
dépouille : le poil est, en effet, uniformément blanc, sauf les marques
temporales qui sont grises, d'un gris pâle, touchant fort peu sur le reste de
la fourrure. Les yeux étaient de couleur normale. L'animal, un mâle, semblait
fort vigoureux et était remarquablement armé de dents et de griffes. Mon ami
était sorti le soir, car son domestique lui avait affirmé que, quelques jours
auparavant, il avait rencontré, en rentrant à la ferme, une famille de cinq
blaireaux absolument blancs. Ce n'est donc pas un cas d'albinisme isolé et
accidentel.
Pour ma part, pendant plusieurs années de ma vie (il y a
hélas ! longtemps !), je me suis adonné au déterrage et à la chasse
des fauves. J'ai eu de bien nombreux succès et ai pris ou tué un très grand
nombre de blaireaux — mais jamais il ne m'a été donné de rencontrer
semblable animal.
H. LIBERT, abonné.
Chasseurs spoliés de leurs armes.
— M. Fernand Verdeille demande à M. le ministre de la
Reconstruction et de l'Urbanisme :
1° quelles mesures il compte prendre pour indemniser les
propriétaires de fusils confisqués par les autorités d'occupation ;
2° s'il serait possible de fournir aux propriétaires de ces
fusils victimes de cette confiscation, soit des armes récupérées en Allemagne,
soit des armes fabriquées par les usines nationales d'armement, soit une
indemnité correspondant à la valeur de cette arme ;
3° s'il serait possible, en attendant la réparation définitive,
de leur consentir une avance sur l'indemnité qui doit leur être allouée.
(Question du 6 décembre 1949.)
Réponse.
— 1° La perte d'armes de chasse ouvre droit à
indemnité, conformément aux dispositions de la loi du 28 octobre 1946 sur
les dommages de guerre. Cependant, l'ordre de priorité établi par le préfet,
sur avis de la Commission départementale, en conformité de l'article 4 de ce
texte, écarte actuellement le règlement des dommages de cette catégorie, à
moins qu'il ne s'agisse d'armes utilisées à des fins professionnelles (armes des
gardes-chasse, par exemple) ;
— 2° les services du ministère de la Reconstruction et
de l'Urbanisme ne sont pas compétents en ce qui concerne le remplacement des
armes confisquées. C'est à l'Administration des domaines qu'il convient
d'adresser cette requête. L'indemnité allouée au titre de ce dommage,
conformément aux dispositions de la législation en vigueur, dans le cadre de
l'ordre de priorité, pourra être calculée d'après le prix d'une arme de même
nature, ne présentant aucun caractère somptueux ;
— 3° il n'est pas possible de consentir aux victimes de
ces préjudices une avance à valoir sur l'indemnité susceptible de leur être
attribuée, les dispositions de l'ordre de priorité s'opposant formellement,
pour l'instant, à ce que les sinistrés de cette catégorie bénéficient d'un
règlement.
(Journal officiel du 18 janvier 1950.)
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