Les transactions canines représentent actuellement un
chiffre d'affaires important, eu égard notamment aux prix élevés des chiots de
race pure et des adultes, qu'ils soient de chasse, de garde ou d'agrément. Pour
répondre aux questions ou aux désirs de nombreux cynophiles, nous allons
examiner succinctement dans quelles conditions ils peuvent être assujettis à
divers impôts du chef de leur élevage, et quels sont ces impôts.
Considéré comme une activité commerciale, l'élevage du chien
est assujetti aux impôts de droit commun frappant le commerce en général :
patente, impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, et taxes
indirectes diverses sur le chiffre d'affaires.
Le fait générateur de ces impôts, qui s'enchaînent en ce
sens que l'exigibilité de l'un (dans l'ordre, ci-dessus) entraîne celle des
autres, est l'exercice habituel d'un acte de commerce. Il importe donc, avant
tout, de définir celui-ci au cas d'espèce.
Il convient de distinguer l'éleveur-amateur, l'éleveur-marchand
et le marchand de chiens.
L'éleveur-amateur est celui qui élève des chiens dans un but
strictement sportif, utilitaire (pour ses besoins) ou d'agrément, à l'exclusion
de toute fin commerciale. Strictement, il n'en est ainsi que pour l'éleveur qui
élève des chiots en vue de la sélection, qui supprime ou donne ceux qu'il ne
conserve pas pour lui et, exceptionnellement, cède quelques-uns de ces derniers
à un prix de revient destiné à le couvrir équitablement de ses débours.
L'éleveur-marchand est celui qui produit et élève des chiens
en vue de les vendre, si cet acte est habituel et non un fait exceptionnel. À
ce sujet, constatons en passant, une fois de plus, la situation défavorable des
chiens par rapport aux autres animaux et l'ostracisme habituel du législateur à
leur égard. En effet, la situation fiscale de tous les éleveurs d'animaux,
autres que les chiens, est réglée par le principe général suivant : s'il
s'agit d'un agriculteur, les produits de son élevage sont réputés produits
agricoles et leur bénéfice compris dans ceux de cette cédule avec les
conséquences favorables y attachées, à condition que les animaux vendus, ou
dont il vend les produits, soient nourris principalement (pratiquement pour 2/3
environ) avec les fruits de son exploitation. Il en est ainsi non seulement
pour l'élevage des bovins, porcins et volailles, mais aussi pour celui des
renards argentés et des faisans. Or il résulte de la réponse à une question
écrite (Méritan, député, J. O., 24 février 1922, débats de la Chambre,
p. 1483, n° 12190) qu'en ce qui concerne l'élevage du chien il n'y a pas lieu
de faire ce distinguo et qu'une personne qui élève des chiens en vue de les
vendre est imposable, quelle que soit l'origine de leur nourriture.
Pratiquement, cela importe peu, car le chien est surtout un carnivore et bien
peu d'éleveurs, même ruraux, peuvent prétendre nourrir les leurs avec les
produits de leur exploitation, même avec la viande des autres animaux qu'ils
élèvent et nourrissent au moyen de leurs récoltes. Mais cette exclusion de
principe suffit à souligner l'injustice qui est faite à l'espèce canine (1) et
on peut l'opposer au régime de faveur dont jouissent les chevaux de course,
dont le propriétaire, s'il exploite un domaine agricole, relève uniquement de
cette cédule à raison des bénéfices que lui procure son écurie (vente, prix en
épreuves), sans qu'il soit recherché si la nourriture des chevaux provient en
majorité de son exploitation.
Quant au marchand proprement dit, c'est celui qui achète
d'une façon habituelle des chiens en vue de les revendre, qu'il procède ou non
en boutique, chenil ou magasin.
Si le critère de cette dernière catégorie est aisé et ne
peut prêter à aucune divergence d'interprétation, il n'en est pas de même des
deux autres, sur la définition desquels il convient d'insister.
Il est, en effet, assez difficile de faire le départ entre
l'éleveur-amateur et l'éleveur-marchand. Certes, bien rares sont les
propriétaires d'une lice de race pure qui ne la font pas reproduire en vue de
la vente des chiots. Et, cependant, combien d'entre eux consentiraient à lever
la main, si on leur demandait de reconnaître qu'ils font acte de commerce ?
Tous sont prêts à prétendre qu'ils n'élèvent que dans un but de sélection,
qu'ils ne cèdent que quelques produits occasionnellement et au surplus, ce qui
est parfois exact, qu'ils ne réalisent aucun bénéfice. Disons, pour être juste,
que l'Administration fait généralement, en l'espèce, preuve de largesse de vue,
car, si l'éleveur-amateur n'élève pas en vue de la vente de ses produits, dans
quel but ces réclames, parfois tapageuses, dans certaines revues spécialisées,
ces annonces vantant ses produits et ces papiers à lettre à l'en-tête de son
chenil ? Sans doute, la plupart de ceux qui emploient ces procédés ne le
font que par amour-propre et dans un but certainement sportif. Mais il faut
convenir que vis-à-vis du fisc, qui juge d'après ce qu'il voit, il est
difficile de faire la part du sport et du commerce. En fait, cette notion du
sport et ses frontières commerciales mériteraient un long développement.
Celui-ci nous entraînerait trop loin du cadre de cet article ; constatons
que le fisc se montre très prudent dans l'appréciation du caractère commercial
de l'élevage canin ; cette prudence est, en l'espèce, un effet de sagesse,
car, malgré les apparences, c'est peut-être le sport qui prévaudrait souvent
sur le commerce, en cas de plaidoirie.
Donc élever en vue de vendre est toute la question.
Précisons que c'est pratiquement au fisc qu'il appartient de la résoudre en en
faisant la preuve, et c'est d'abord au service des Contributions directes qu'il
appartient de prendre position.
Celle-ci se traduit d'abord par une imposition à la patente :
6e classe, dont le montant varie selon la commune et
l'évaluation de la valeur locative de l'installation.
Cette patente étant dûment assise, l'éleveur, classé
commerçant, est redevable de l'impôt sur les bénéfices industriels et
commerciaux (aujourd'hui fondu dans l'amalgame de tous ses revenus : impôt
sur les revenus des personnes physiques ou des personnes morales, suivant
décret du 9 décembre 1948).
Ces bénéfices peuvent être évalués forfaitairement,
contradictoirement avec le service des Contributions directes, si le chiffre
d'affaires n'excède pas 5 millions, ou est démontré par la tenue d'une
comptabilité régulière et probante. Le mode de détermination forfaitaire ne
nécessite que la déclaration et la justification des achats éventuels et des
ventes.
Dès l'instant qu'il est reconnu passible de la patente et,
par voie de conséquence, de l'impôt sur ses bénéfices éventuels, que ces
derniers existent ou non, l'éleveur est automatiquement redevable des taxes
ci-après aux Contributions indirectes. Il doit les calculer lui-même et en
faire spontanément la déclaration et le versement au receveur des Contributions
indirectes dont il relève. Ces taxes — tout commerçant ou industriel le
sait — sont d'une complexité telle, quant à leur assiette, qu'il serait
vain de prétendre les analyser dans le cadre d'un simple article, même du seul
point de vue du commerce des chiens. Pour ceux qui ne sont par ailleurs ni
commerçants, ni industriels, nous croyons cependant nécessaire de donner, au
sujet de ces taxes, quelques renseignements succincts.
Taxe à la production (taux 1949 = 12,50 p. 100).
— L'éleveur, étant par son essence même un producteur
au sens propre du mot, est assimilé à un fabricant. En cette qualité, il doit
la taxe sur toutes les ventes de chiots provenant de son élevage, ainsi que sur
la revente d'animaux dans l'état où ils ont été achetés (c'est-à-dire, par
exemple, sans complément de dressage ou dans la même période de croissance,
chiot, puppy, adulte), à condition que cette revente soit consentie à un autre
producteur patenté. Par contre, la taxe à la production n'est pas due par le
producteur sur les reventes d'animaux, en l'état où ils ont été achetés par
lui, à des personnes n'ayant pas la qualité de producteur.
Strictement, le producteur doit aussi acquitter la taxe sur
la valeur des produits de son élevage qu'il entend conserver pour son propre
usage ; en effet, en ce cas, le producteur est sensé vendre à lui-même.
Taxe sur les transactions (taux 1949 = 1 p. 100).
— Cette taxe est due sur le montant des ventes
effectuées par les éleveurs patentés.
Taxe locale additionnelle (taux 1949 : 1,5 p. 100).
— Cette taxe s'ajoute à la précédente, à l'exception
des produits que l'acheteur destine lui-même à la revente, des produits soumis
à la taxe au moment de l'achat et des affaires d'importation.
Pratiquement, les modalités d'assiette de ces diverses taxes
offrent des particularités dont les intéressés doivent s'instruire utilement
auprès de l'Administration dont ils relèvent.
De tout ce qui précède, il faut retenir que les taxes
indirectes ci-dessus ne sont dues que si l'éleveur est reconnu imposable à la
patente, et donc à l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, par
l'Administration des Contributions directes, à qui incombe donc en fait
l'initiative et la responsabilité de toute la cascade d'impositions.
Est-il souhaitable que le législateur ou l'Administration
précise clairement les conditions d'imposition des éleveurs de chiens ?
Nous ne le pensons pas, ces derniers n'ayant sans doute rien à perdre à
l'imprécision actuelle, étant donné l'esprit qui, jusqu'ici, a toujours animé
le législateur en matière canine.
Jean CASTAING.
(1) Voir Le Chasseur Français de février 1950.
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