Il est inutile de décrire en détail la vandoise, car il n'y
a pas un pêcheur sur cent qui ne la connaisse. Elle est parfois confondue à
tort avec le petit chevesne, mais sa tête est moins large, son museau plus
pointu, sa bouche plus étroite, son corps plus svelte et plus brillant.
Elle est très répandue en France et, sauf dans les rivières
à truites des montagnes, on la rencontre à peu près partout.
C'est un poisson de courant, qui aime l'eau propre, limpide, assez fraîche, coulant sur des
fonds de roche, de gros sable ou de gravier. Elle est assez sensible à la
pollution des eaux et a diminué sensiblement de nombre dans nos régions où
sévit, depuis vingt ans environ, ce détestable fléau.
Chez nous, la vandoise reste de petite taille ; les
plus grosses pèsent à peine la livre, et celles que nos pêcheurs accrochent le
plus souvent varient entre 150 et 350 grammes. Leur chair est blanche, plus
ferme que celle du chevesne, et constituerait un manger assez délicat sans la
présence de nombreuses arêtes.
C'est un de nos premiers cyprins à frayer, et on peut assez
souvent constater ce fait vers la fin de mars.
La vandoise mord à de nombreux appâts : vers de terre,
cherfaix, petites larves, en été asticots, grains d'orge ou de blé cuits, pâtes
diverses, insectes de taille réduite ; mais la pêche aux mouches
artificielles est la plus intéressante.
Chez nous, la pêche à la mouche sèche, la seule donnant de
bons résultats par eaux claires et basses, en été, est très peu pratiquée. Il
faut un temps assez long pour arriver à une habileté moyenne, et les « as »
ne pèchent que les salmonidés.
Aussi est-ce le mode dit « mouche noyée » qui
compte le plus d'adeptes. Beaucoup emploient encore les longues cannes en
roseau flexible du bon vieux temps, mais les jeunes leur préfèrent de légères « split
canes » en bambou refendu, manoeuvrables d'une seule main.
Le bas de ligne le plus courant a 3 mètres environ de
longueur, en catgut, nylon ou crin japonais fins. Je reste fidèle à la racine
anglaise 2 ou 3 x comportant trois ou quatre empiles en 4 x étagées et séparées
par une distance de 0m,70 environ. Ces empiles, fixées
perpendiculairement au bas de ligne, ne mesurent pas plus de 6 ou 8 centimètres
et portent, à leur extrémité, une mouche araignée de petite taille (nos
12 à 14), analogue aux mouches du type dit « jourget », employées
couramment pour la pêche de l'ombre commun.
Quoique la vandoise accepte les mouches de toutes teintes,
il y en a qu'elle préfère aux autres. C'est ainsi qu'en mars-avril les noires,
les grises, grises à cul jaune, corps rouge et ailes noires, corps orange, hackle
roux, sont généralement ses préférées. En été, celles de teinte claire
prévaudront nettement ; dès septembre, il nous faudra revenir à celles de
teintes neutres, et notamment aux rousses.
Le plus grand nombre des pêcheurs recherchent la vandoise
dans les courants peu profonds, pas trop rapides, coulant sur fond de gravier,
et ils ont raison, car c'est là qu'elles sont les plus nombreuses.
Ils pèchent « en dérive » en descendant la rivière ;
ils lancent leur longue bannière en travers du courant, tendent un peu le fil
et laissent leurs mouches décrire un quart de circonférence qui les rapproche
de la rive ; dès qu'elles s'en rapprochent par trop, le bas de ligne est
relevé à cadence rapide et rejeté au large, au même endroit ou un peu plus bas.
Toutes les mouches ne gardent pas le même niveau.
La mouche terminale ou de pointe plonge toujours de vingt à
trente centimètres, celle au-dessus de dix à douze, la troisième est à peine en
dessous de la surface, et enfin la plus haute, qu'on appelle mouche guide ou
flotteur, évolue nettement en dessus du plan liquide. Cela fait que la touche
diffère selon que la vandoise attaque l'une ou l'autre.
Si c'est la mouche guide, on la voit tout à coup disparaître
dans l'eau de façon subite ; sur la deuxième, la touche se décèle par une
simple protubérance, un petit bourrelet liquide à peine sensible ; quant
aux deux mouches complètement noyées, leur prise n'occasionne qu'une légère
tension de la bannière et un petit choc perceptible à la main.
Quelle que soit la mouche saisie, le ferrage doit être très
prompt, donné du poignet, non du bras, et toujours d'amplitude restreinte. Si
on le différait trop, la vandoise, s'apercevant qu'elle tient non un insecte
naturel, mais un leurre inanimé, rejetterait la mouche et ne s'y accrocherait
pas. Cela arrive certains jours d'été, pendant lesquels le pêcheur le plus
expert rate les huit dixièmes des touches.
Mais il se rattrape d'autres jours ; la vandoise avale
à fond de gosier et les doublés ne sont pas rares.
Quoi qu'il en soit, l'aspirant pêcheur d'ombres et de
truites a tout intérêt à s'exercer sur les vandoises ; quand il les
accrochera à coup sûr, il ne manquera pas beaucoup de truites, plus faciles à
ferrer que les ombres.
On ne peut donc que conseiller cet exercice aux débutants.
R. PORTIER.
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