Accueil  > Années 1950  > N°637 Mars 1950  > Page 149 Tous droits réservés

La vandoise aux mouches artificielles

Il est inutile de décrire en détail la vandoise, car il n'y a pas un pêcheur sur cent qui ne la connaisse. Elle est parfois confondue à tort avec le petit chevesne, mais sa tête est moins large, son museau plus pointu, sa bouche plus étroite, son corps plus svelte et plus brillant.

Elle est très répandue en France et, sauf dans les rivières à truites des montagnes, on la rencontre à peu près partout.

C'est un poisson de courant, qui aime l'eau propre, limpide, assez fraîche, coulant sur des fonds de roche, de gros sable ou de gravier. Elle est assez sensible à la pollution des eaux et a diminué sensiblement de nombre dans nos régions où sévit, depuis vingt ans environ, ce détestable fléau.

Chez nous, la vandoise reste de petite taille ; les plus grosses pèsent à peine la livre, et celles que nos pêcheurs accrochent le plus souvent varient entre 150 et 350 grammes. Leur chair est blanche, plus ferme que celle du chevesne, et constituerait un manger assez délicat sans la présence de nombreuses arêtes.

C'est un de nos premiers cyprins à frayer, et on peut assez souvent constater ce fait vers la fin de mars.

La vandoise mord à de nombreux appâts : vers de terre, cherfaix, petites larves, en été asticots, grains d'orge ou de blé cuits, pâtes diverses, insectes de taille réduite ; mais la pêche aux mouches artificielles est la plus intéressante.

Chez nous, la pêche à la mouche sèche, la seule donnant de bons résultats par eaux claires et basses, en été, est très peu pratiquée. Il faut un temps assez long pour arriver à une habileté moyenne, et les « as » ne pèchent que les salmonidés.

Aussi est-ce le mode dit « mouche noyée » qui compte le plus d'adeptes. Beaucoup emploient encore les longues cannes en roseau flexible du bon vieux temps, mais les jeunes leur préfèrent de légères « split canes » en bambou refendu, manoeuvrables d'une seule main.

Le bas de ligne le plus courant a 3 mètres environ de longueur, en catgut, nylon ou crin japonais fins. Je reste fidèle à la racine anglaise 2 ou 3 x comportant trois ou quatre empiles en 4 x étagées et séparées par une distance de 0m,70 environ. Ces empiles, fixées perpendiculairement au bas de ligne, ne mesurent pas plus de 6 ou 8 centimètres et portent, à leur extrémité, une mouche araignée de petite taille (nos 12 à 14), analogue aux mouches du type dit « jourget », employées couramment pour la pêche de l'ombre commun.

Quoique la vandoise accepte les mouches de toutes teintes, il y en a qu'elle préfère aux autres. C'est ainsi qu'en mars-avril les noires, les grises, grises à cul jaune, corps rouge et ailes noires, corps orange, hackle roux, sont généralement ses préférées. En été, celles de teinte claire prévaudront nettement ; dès septembre, il nous faudra revenir à celles de teintes neutres, et notamment aux rousses.

Le plus grand nombre des pêcheurs recherchent la vandoise dans les courants peu profonds, pas trop rapides, coulant sur fond de gravier, et ils ont raison, car c'est là qu'elles sont les plus nombreuses.

Ils pèchent « en dérive » en descendant la rivière ; ils lancent leur longue bannière en travers du courant, tendent un peu le fil et laissent leurs mouches décrire un quart de circonférence qui les rapproche de la rive ; dès qu'elles s'en rapprochent par trop, le bas de ligne est relevé à cadence rapide et rejeté au large, au même endroit ou un peu plus bas.

Toutes les mouches ne gardent pas le même niveau.

La mouche terminale ou de pointe plonge toujours de vingt à trente centimètres, celle au-dessus de dix à douze, la troisième est à peine en dessous de la surface, et enfin la plus haute, qu'on appelle mouche guide ou flotteur, évolue nettement en dessus du plan liquide. Cela fait que la touche diffère selon que la vandoise attaque l'une ou l'autre.

Si c'est la mouche guide, on la voit tout à coup disparaître dans l'eau de façon subite ; sur la deuxième, la touche se décèle par une simple protubérance, un petit bourrelet liquide à peine sensible ; quant aux deux mouches complètement noyées, leur prise n'occasionne qu'une légère tension de la bannière et un petit choc perceptible à la main.

Quelle que soit la mouche saisie, le ferrage doit être très prompt, donné du poignet, non du bras, et toujours d'amplitude restreinte. Si on le différait trop, la vandoise, s'apercevant qu'elle tient non un insecte naturel, mais un leurre inanimé, rejetterait la mouche et ne s'y accrocherait pas. Cela arrive certains jours d'été, pendant lesquels le pêcheur le plus expert rate les huit dixièmes des touches.

Mais il se rattrape d'autres jours ; la vandoise avale à fond de gosier et les doublés ne sont pas rares.

Quoi qu'il en soit, l'aspirant pêcheur d'ombres et de truites a tout intérêt à s'exercer sur les vandoises ; quand il les accrochera à coup sûr, il ne manquera pas beaucoup de truites, plus faciles à ferrer que les ombres.

On ne peut donc que conseiller cet exercice aux débutants.

R. PORTIER.

Le Chasseur Français N°637 Mars 1950 Page 149