Voici bientôt les premiers beaux jours, après l'hiver qui
fut rude pour beaucoup de pauvres gens, plus clément pour quelques privilégiés,
long pour tous en général.
Dans tous les milieux, on a souvent mangé trop de charcuterie,
trop de légumes secs, trop de pâtes et de riz ; on aspire aux légumes
frais, qu'on ne trouve malheureusement encore que sous forme de « primeurs »,
pas à la portée de toutes les bourses. Voici cependant pissenlits, poireaux,
épinards, qui ne coûtent pas cher et vont nous permettre d'attendre l'arrivée
massive des légumes fiais.
De même que la sève monte dans les arbres, qu'elle fait
reverdir, le sang circule aussi plus vivement dans l'homme, et le printemps
fait parfois « bourgeonner » de charmants visages qui préféreraient
se fleurir d'une autre manière ... Il sera utile alors d'aller faire une
promenade dans les prés pour faire une cueillette abondante d'une plante bien
connue de tous : le pissenlit.
Le pissenlit, appelé encore florion d'or, dent-de-lion,
laitue des chiens, couronne de moine, sale de taupe, et en latin Taraxacum dens
leonis, est une herbe vivace de la famille des composées, aux fleurs d'un
beau jaune d'or. La tige est presque nulle et laisse échapper, quand on la
coupe, ainsi d'ailleurs que toutes les parties de la plante, un suc laiteux,
lequel, employé frais, fait disparaître les taches de rousseur. Les feuilles,
disposées en rosette plus ou moins dressée, sont longues, profondément incisées
en dents en forme de triangle (d'où le nom de dent-de-lion). Ce sont les
feuilles, ainsi toutes réunies en rosette, et bien avant la floraison de la
plante, qui sont utilisées pour l'alimentation : elles ont des propriétés
stomachiques, diurétiques et dépuratives. On peut même les employer en infusion
ou décoction, dans les affections chroniques de la peau, du foie et de la rate,
et c'est sous cette forme surtout qu'elles sont indiquées aux hépatiques et aux
goutteux.
Les maraîchers cultivent le pissenlit pour leurs feuilles et
rejettent la racine, qui a cependant les mêmes propriétés médicinales que la
feuille, mais plus concentrées. Cette racine est pivotante, charnue, blanchâtre
en dedans, brune à l'extérieur ; on peut l'utiliser fraîche, ou la faire
sécher au soleil, ou mieux au four, et il est alors préférable de la récolter
en automne, époque où elle présente le plus d'amertume et contient le plus de
principes actifs ; on l'emploie en décoction.
L'efficacité que les Anciens reconnaissaient au pissenlit
pour stimuler les fonctions hépatiques a été confirmée en Angleterre par
Rutherford et Vignal, et en France par H. Leclerc. Des expériences pratiquées
sur le chien ont établi que l'extrait de la plante n'influence pas la sécrétion
biliaire, mais que, comme le calomel, il agit en provoquant les contractions de
la vésicule du fiel. C'est donc un cholagogue par action mécanique auquel
convient bien l'épithète de tonique.
Le Dr H. Leclerc ajoute : « L'observation clinique
m'a mis à même de constater que le pissenlit possède réellement la propriété de
favoriser le cours de la bile ; en le prescrivant à des malades atteints
d'angiocholite chronique, de congestion du foie, de cholélithiase, j'ai vu
s'atténuer les crises douloureuses et s'amender les symptômes d'insuffisance
hépatique. »
Prenons donc tous du pissenlit, et notre foie, notre bile,
et notre corps tout entier s'en trouveront bien. Si infusions ou décoctions, ne
vous tentent pas (certaines gens n'en prennent que s'ils se sentent vraiment
malades), voici quelques recettes qui vous permettront d'utiliser le pissenlit
sous une forme tout à fait agréable aux palais les plus délicats :
Salade de pissenlits.
— Prendre des pissenlits entiers, blancs et tendres
(ceux qui poussent dans les labours, et dont une partie de la rosette des
feuilles est enterrée, sont particulièrement recherchés) ; séparer la
racine de la rosette au niveau du collet ; les biens laver, les égoutter,
les préparer en salade avec huile d'olive, jus de citron, sel et, à volonté,
oignon coupé en petits morceaux.
Salade de pissenlits, pommes de terre, œufs durs.
— Préparer les pissenlits comme ci-dessus. Faire cuire
d'autre part quelques petites pommes de terre à l'eau bouillante salée et des
œufs durs (un pour deux personnes). Lorsque le tout est refroidi, éplucher les
pommes de terre, les couper en rondelles ; éplucher de même les œufs durs
et les couper en rondelles dans un saladier. Ajouter les pissenlits.
Assaisonner avec sel, huile, jus de citron, et, à volonté, oignon coupé en
petits morceaux ; bien mélanger le tout, servir.
On peut aussi préparer à part la salade de pissenlits et la
mettre au centre d'un plat ; assaisonner à part les pommes de terre et les
disposer en couronne autour des pissenlits ; couper les œufs en quatre et
les disposer régulièrement au-dessus des pommes de terre ; hacher menu du
persil et des oignons et en parsemer la couronne de pommes de terre et d'œufs
durs. Le plat ainsi mieux présenté est plus appétissant.
Purée de pissenlits aux œufs durs.
— Préparer des pissenlits comme on préparerait des
épinards : les faire cuire à petit feu dans très peu d'eau (et garder
l'eau qui reste pour préparer la sauce blanche, qui servira à assaisonner le
hachis de pissenlits) ; les hacher menu ; y ajouter une sauce blanche
à la farine, au beurre et au jus de cuisson des pissenlits — ou bien du
pain trempé dans du lait et l'eau de cuisson des pissenlits et passé au moulin
à légumes. Bien mélanger le tout et disposer chaud sur un plat. Faire cuire
d'autre part des œufs durs, les éplucher, les couper en quartiers et les
disposer régulièrement, en faisant des dessins, sur la purée de pissenlits,
Purée de pissenlits aux croûtons.
— Préparer une purée de pissenlits comme il est dit
ci-dessus. Remplacer les œufs durs par des croûtons frits, bien dorés.
Beignets de pissenlits.
— Faire cuire des pissenlits dans très peu d'eau salée
(conserver le reste d'eau de cuisson pour un potage). Les hacher grossièrement
au couteau. Les mélanger à une pâte à frire épaisse faite d'un œuf, 2
cuillerées de farine, un peu d'eau pour arriver à la consistance voulue, une
pincée de sel. Mettre dans la poêle à frire par petits tas avec une cuillère.
Retourner quand les beignets sont dorés d'un côté. Égoutter. Servir chaud.
Potage au jus de cuisson de pissenlits.
— Étendre l'eau de cuisson des pissenlits d'autant
d'eau qu'il est nécessaire pour obtenir une concentration agréable. Saler. Dans
ce bouillon en ébullition, jeter en pluie fine soit de petites pâtes, soit du
vermicelle, soit du tapioca, ou de la semoule, ou des flocons d'avoine. Verser
dans la soupière sur un petit morceau de beurre frais.
Potage aux pissenlits et aux pommes de terre.
— Dans une casserole, mettre de l'eau salée et un peu
de lard ; quand elle bout, ajouter des pommes de terre épluchées et
coupées en gros morceaux (250 grammes par personne) et des pissenlits (une
petite poignée pour deux personnes). Faire cuire le tout. Passer au moulin à
légumes. Verser dans la soupière. Si on désire la soupe un peu plus épaisse, on
peut verser sur des croûtons frits.
A. PEYREFITTE.
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