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L'élevage des perdreaux

Nous avons, dans de précédentes causeries (1), donné des renseignements sur l'élevage des perdreaux gris.

Nous allons ajouter un certain nombre de détails complémentaires qui n'ont pas trouvé place dans nos précédents articles.

Fourmilières.

— L'élevage des oiseaux de chasse est un art assez difficile et qui réserve généralement certains déboires aux néophytes.

Il importe donc, quand on veut élever perdreaux et faisandeaux, d'être très renseigné sûr ce qu'il convient de leur donner à manger, car c'est ordinairement par suite d'une alimentation insuffisante ou non appropriée qu'apparaissent les maladies qui déciment si rapidement un élevage.

Une des meilleures alimentations est constituée par les larves de fourmis, vulgairement appelées « œufs de fourmis ». C'est un aliment complet, mais qui doit être distribué aux perdreaux ou faisandeaux avec une grande prudence, car il présente deux écueils : il faut d'abord éviter de leur en donner trop ; mais aussi et surtout, ce qui importe c'est que les larves soient récemment récoltées, car elles se corrompent très rapidement, surtout si le temps est chaud.

Ces conditions posées, on trouvera là un aliment précieux facile à récolter et à multiplier dans les chasses.

Il importe donc, si l'on a des fourmilières à sa disposition, de les exploiter avec soin, d'en multiplier le nombre et, si l'on n'en a pas, d'en créer, ce qui est facile.

L'exploitation d'une fourmilière consiste à en récolter les larves, mais en y laissant toutefois suffisamment de fourmis pour qu'elles la reconstituent rapidement.

La récolte se fait le matin avant dix heures. On ne prend que le dessus de la fourmilière, que l'on place dans un tamis à mailles de 3 millimètres.

On le secoue fortement pour faire retomber les fourmis dans la fourmilière, où l'on remet également les grosses brindilles qui se trouvent au-dessus du tamis et que l'on ramasse à la main.

On bouche le vide fait à l'emplacement où l'on a recueilli les larves au moyen d'un gros tampon d'herbe ou de feuillage.

Si l'on veut que la fourmilière soit rapidement reconstituée, on met à ce moment, tout à proximité, la valeur d'une ou deux cuillerées à bouche de mélasse ou de miel. Il est possible alors de faire une récolte toutes les deux ou trois semaines. L'écueil à éviter est de ne pas trop vider une fourmilière que l'on veut exploiter régulièrement.

Pour créer une fourmilière, on recherche d'abord un terrain favorable : lisière d'un bois, talus exposé au soleil levant ou encore proximité d'un massif d'orties.

On creuse avec une bêche un trou dont l'entrée aura 20 à 25 centimètres de diamètre et dont le fond, 30 centimètres plus bas, aura de 50 à 60 centimètres de largeur. L'intérieur sera arrondi en forme de four. On fait une litière de tiges de foin ou de brindilles assez mélangées dont on remplit la moitié de la cavité, sans la tasser.

Avec un sac, on va chercher la partie supérieure d'une fourmilière existante et l'on verse la plus grande partie du contenu au-dessus du trou préparé, le reste étant répandu tout autour, ce qui crée immédiatement parmi les fourmis un grand mouvement de reconstruction.

Nous répétons que, pour récolter rapidement des larves, il faut surtout alimenter les fourmis en mettant à proximité de la mélasse, du sucre ou du miel.

On peut encore créer des fourmilières près de vieux troncs d'arbres ou à proximité de souches pourries. Si la propriété n'a aucune fourmilière et que l'on doive avoir recours, pour la matière première, à des voisins, on prendra soin, la veille, de préparer les emplacements, afin qu'il s'écoule le moins de temps possible entre l'enlèvement des fourmis et leur remise en terre.

Lorsque l'on a un très gros élevage ou que l'on veut s'éviter la peine de récolter ou de produire des larves de fourmis, on a recours à un spécialiste appelé fourmilleur. C'est généralement un homme de campagne qui a des loisirs et qui sait qu'une grosse chasse, dans sa région, pratique l'élevage d'oiseaux-gibier.

Aussi s'entend-il avec des gardes faisandiers pour leur livrer tant de litres de ces larves de fourmis, tous les deux ou trois jours.

Il faut dire que jamais le fourmilleur ne livre le produit pur, mais toujours mélangé à des brindilles en plus ou moins grande abondance.

On donne à dix faisandeaux environ un demi-litre par jour de ce produit tout venant, un peu moins aux perdreaux.

Il n'y a lieu de leur en donner que pendant les six premières semaines, en deux distributions journalières : la première une demi-heure après leur repas de 7 heures et la deuxième une demi-heure après leur repas de 17 heures. Cette distribution doit être considérée comme un dessert au repas de l'oiseau, et nous répétons qu'il n'en faut pas exagérer la quantité.

L'éleveur doit conserver au frais les larves qu'il aurait en excédent et il fera bien attention que celles-ci ne se gâtent pas. S'il s'aperçoit qu'à une extrémité les larves prennent une teinte légèrement violacée, c'est que la matière entre en décomposition ; il vaut mieux alors les sacrifier que les donner à consommer aux oiseaux, ce pourrait être l'origine d'une grave épidémie.

René DANNIN,

Expert en agriculture (chasse et gibier) près les tribunaux.

(1) Voir Le Chasseur Français, nos 619, 623, 625.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 204