La pêche en mer est le grand espoir de nos pêcheurs sportifs
lassés du faible rendement des eaux douces surpêchées. Le nombre des pêcheurs
dépasse en effet, en France, le chiffre de 2 millions, alors qu'il n'était, il y
a trente ou quarante ans, que de quelques dizaines de milliers. Sans doute
pourra-t-on, par le gardiennage, le repeuplement et surtout la lutte contre la
pollution, arriver à augmenter, peut être même à doubler, la production
actuelle de nos eaux douces, qu'une statistique récente évaluait à 10 millions
de kilogrammes par an — ce qui fait en gros 5 kilogrammes de poisson par
tête de pêcheur et par an. Encore compte-t-on dans les 10 millions de
kilogrammes de poissons d'eau douce le poisson de pisciculture et celui pris
par les pêcheurs professionnels.
Comptons donc 2 à 3 kilogrammes en moyenne par pêcheur et
par an. Aussi la pêche en mer apparaît-elle comme un dérivatif puissant, et la
pêche en eau douce n'a que profits à tirer de sa vogue croissante. Depuis une
dizaine d’années, mais surtout ces deux dernières années, la pêche sportive en
mer a pris un essor énorme.
Nous ne parlons pas évidemment de la pêche au tout-gros, aux
thons de 300 à 400 livres que quelques supersportifs munis d'équipement de
grand luxe sont allés à grands frais attaquer à Trébeurden, en Bretagne ;
signalons simplement que, cet été, le record de France a été battu par M. Tony
Burnand avec un thon de 166 kilogrammes pris à la ligne.
Mais, entre les recordmen et les petits pêcheurs de
crevettes et d'oursins, il y a de la place pour le pêcheur sportif et même le
pêcheur au coup. Ce dernier péchera sur les jetées des ports ou du haut d'un
rocher dans la mer calme ; il pourra, en Méditerranée surtout, mais aussi
dans l'Atlantique (et je songe à quelques bonnes après-midi passées sur un
canot à me rôtir au soleil à un mille au large de Biarritz), pêcher à la
palangrotte, le nylon enroulé autour du doigt et prêt à tirer serrans et girelles,
à la moindre touche, de leur fond de rocher, par 10 mètres d'eau.
Il pourra se livrer au « surfcasting » sur les
plages sableuses et lancer à 30 ou 40 mètres dans les vagues un plomb de 100
grammes, espérant la belle touche du maigre ou de l’ombrine ; c'est dans
l'immense plage qui s'étend de l'embouchure de la Gironde à celle de l'Adour, avec
le cap Ferret comme centre vedette, qu'il éprouvera les plus belles émotions.
Des jetées de Dieppe et de Boulogne, des bateaux coulés formant
le port d'Arromanches, il pourra faire de beaux paniers de merlans, de tacauds,
de carrelets et même, l’hiver, de morue.
Sur les côtes rocheuses, il pourra se livrer au plaisir de
tendre et relever des casiers à homards et langoustes, et de tirer de force les
gros congres de leurs refuges sous-marins — je revois en pensée le
concours de pêche d'Hastings, en Angleterre, où notre ami Elluin sortit un
congre de 32 livres.
Et la pêche en bateau à la traîne et les maquereaux capturés
en série ... Le champ est immense et peut occuper tous les pêcheurs de
France.
La pêche en mer exige, certes, moins de finesse que la pêche
en eau douce ; mais il est incontestable que le poisson s'éduque ;
déjà, dans certains coins, le poisson devient plus malin, les paniers ne valent
plus ceux d'autrefois, et des leurres plus subtils sont rendus nécessaires.
Les pêcheurs amateurs de mer étant actuellement encore peu
nombreux, il est utile de conseiller les pêcheurs d'eau douce qui désirent, au
moins l'été, pendant les vacances, à la plage, ne pas borner leur activité aux
bains de soleil, à l'apéritif et au casino.
C'est le but de cette chronique que d'indiquer à ceux des
pêcheurs qui hésitent, faute de conseils, à se lancer dans la pêche en mer les
matériels qu'il leur faudra, les divers procédés de pêche et les poissons
qu'ils rencontreront ; ils ont été parfois rebutés par les marins
professionnels, qui n'aiment guère se charger de terriens.
J'indique dès le début que la pèche en mer est libre :
ni carte, ni permis, ni timbre piscicole, ni période d'interdiction, ni
réserves, ni engins prohibés (sauf évidemment le poison et l'explosif).
En revanche, le pêcheur amateur ne peut vendre son poisson,
la vente des poissons de mer étant le privilège des inscrits maritimes. S’il veut
acheter un bateau et pêcher, il faut à l’amateur un rôle de plaisance à
demander à l’Inscription maritime. S'il veut « sortir » avec des
inscrits maritimes sur des bateaux de pêche, il lui faudra se faire inscrire au
rôle d'équipage.
Sauf pour la palangrotte et la pêche au mulet, il faut un
matériel plus robuste que le matériel d'eau douce. C'est normalement le nylon 50/100
qui sera employé avec des hameçons nos 1 à 4. Comme matériel de
lancer, on prendra un moulinet à tambour fixe de grande dimensions (il en
existe plusieurs marques), une canne robuste et assez courte. Mais tout dépend
du mode de pêche et des poissons recherchés. Il ne peut être donné là-dessus
par des conseils généraux, et, dans chaque région de pêche, les détails
varient.
Quant au nom des poissons de mer, rien de plus varié que les
noms locaux : de la Manche à la Méditerranée en passant par la Bretagne,
la Charente ou le pays Basque, le même poisson prend sept ou huit noms différents.
La faune piscicole de la Manche est d'ailleurs bien différente
de celle de la Méditerranée ; toutefois, dans le golfe de Gascogne se
trouvent en mélange des poissons nordiques et méditerranéens. C'est ainsi qu'à
Saint-Jean-de-Luz on trouve la rascasse, ce poisson éminemment marseillais,
ainsi que les serrans, les girelles et les gobies qui l’accompagnent dans la
bouillabaisse.
Quant à la chasse sous-marine au fusil lance-harpons, c'est
un sport très particulier et qui ne peut guère se pratiquer qu’en Méditerranée,
en eaux chaudes et claires.
La chasse en mer des oiseaux, et notamment des canards, est
libre. Il n'y a pas besoin de permis et il n'y a pas de dates d’ouverture et de
fermeture. La chasse est permise non seulement en bateaux, mais sur les parties
mouillées entre la laisse de haute et basse mer ; toutefois, certaines
réglementations par quartiers maritimes tendent à s'établir.
LARTIGUE.
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