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Le canoé

Les rivières françaises

Les manuels de géographie présentent les rivières par bassins, suivant le fleuve dont elles sont tributaires. Pour nous, canoéistes, une telle classification n'offre pas d'intérêt et ne permet aucune comparaison entre rivières d'un même bassin.

Le régime d'une rivière est avant tout fonction de la nature et du relief du sol où elle coule ; l'altitude à laquelle elle prend sa source et l'origine de ses eaux sont également à considérer.

Citons un exemple typique : les affluents de la rive gauche et de la rive droite du Rhône. D'un côté, des rivières toutes issues des Alpes, au régime torrentueux dû à la pente très accentuée du terrain et au débit entretenu par la fonte des neiges ou une origine glaciaire.

En face, nous trouvons d'abord les affluents originaires du Jura, d'un caractère moins violent, puis ceux venus du Massif Central, présentant à peu près les mêmes caractéristiques, et enfin les rivières des Cévennes, plus calmes et d'un aspect absolument différent.

Nous ne trouvons aucun point commun entre l'Itère, par exemple, l'Ain et l'Ardèche, tandis que cette dernière peut être comparée au Tarn, dont les eaux, par l'intermédiaire de la Garonne, vont rejoindre l'Atlantique.

Nous étudierons donc les rivières non par bassins fluviaux, mais par massifs montagneux et par ordre d'importance : Jura, Massif Central, Pyrénées et Alpes, le degré de difficultés étant fonction de l'altitude.

Cependant cette classification risquerait de nous faire négliger bien des petits cours d'eau issus de massifs secondaires, et c'est de ceux-ci que nous parlerons en premier lieu.

En amont de Paris, la Seine reçoit des affluents, et sous-affluents agréables à descendre en canoé, surtout en début de saison, où les canoéistes de la capitale vont faire leurs premières armes avant de se risquer sur des eaux plus agitées : la Marne jusque Vitry-le-François, l'Aube, l'Armançon, le Serein, puis le Loing, le Grand et le Petit Morin, toutes de classe 1. La Seine elle-même, en amont de Troyes, est plus accidentée (classe 2).

Plus loin, nous trouvons dans le Morvan deux rivières sportives, au caractère déjà montagneux et au lit extrêmement rocheux : la Cure et son affluent le Cousin (classes 2 et 3). Leur débit est malheureusement très irrégulier du fait de l'exploitation hydro-électrique. Au sud, l'Arroux (classe 1) se jette dans la Loire.

Ultérieurement, nous réserverons une place particulière aux rivières du Jura que nous citons parmi les massifs montagneux et nous excusons de n'en pouvoir faire autant pour les Vosges. Les rivières qui en coulent sont en effet trop peu importantes pour faire l'objet d'une étude détaillée.

Sur le versant ouest seuls la Moselle en amont d'Épinal (classe 2) et son affluent la Moselotte (classes 2-3) offrent un parcours accidenté. À l'est, de nombreux cours d'eau tributaires du Rhin sont intéressants, sans grosses difficultés, mais malheureusement d'un kilométrage très court. L'Ill (classes 1-2), qui arrose Strasbourg, est la plus importante de ces rivières fréquentées par les nombreux canoéistes alsaciens.

Plus haut, bien que coulant au delà de la frontière, mentionnons la Semoy (classe 1), qui baigne la région très pittoresque des Ardennes belges.

Dans le Nord de la France, l'Oise et l'Aisne n'offrent pas d'intérêt spécial, leur descente ne présentant jamais un caractère sportif. Les canoéistes de la région pourront cependant y effectuer d'agréables trajets en embarquant le plus en amont possible.

Rejoignons maintenant la basse Seine : ses affluents, l'Eure, l'Epte, l'Andelle, la Risle, sans difficultés mais pittoresques, sont à éviter comme étant le domaine des pêcheurs de truites ... À chacun son plaisir.

L'Orne (classe 1) est une très jolie rivière (le mot fleuve n'est pas usité dans le vocabulaire canoéiste) dont les gorges de Saint-Aubert atteignent la classe 3. En Bretagne, on rencontre de charmantes et faciles rivières agréables à descendre au printemps, à l'époque de la floraison des genêts, à condition de bénéficier d'une hauteur d'eau suffisante. Citons la Rance, le Trieux, l'Élorn, le Blavet, l'Aulne, l'Odet, la Laita, l'Aven, rivières malheureusement trop courtes pour justifier un long déplacement.

Des affluents de la Loire, le Loiret et la Sauldre sont très fréquentés par les canoéistes Orléanais ; la Mayenne et le Loir sont des rivières très calmes ; la Sarthe, par contre, est pittoresque et plus animée.

Entre Loire et Gironde, la Sèvre Niortaise, la Charente et son affluent la Boutonne sont des rivières de plaine sans intérêt particulier, sauf pour les canoéistes de la région.

Notre tour de France des rivières modestes, mais non dépourvues de charmes, nous conduit pour terminer dans une région au caractère très particulier : les Landes. Les étangs et courants traversent la forêt landaise du nord au sud ; et leur exploration constitue pour les canoéistes un excellent programme de vacances. Les étangs sont peu fréquentés, particulièrement propices à la navigation à voile ; sur les courants, la solitude est absolue.

Du nord au sud, nous trouvons l'étang d'Hourtin, dont la partie sud porte le nom de Carcans, relié à l'étang de Lacanau par un canal de quelques kilomètres. De Lacanau, on rejoint le bassin d'Arcachon par le courant de Lège, des plus pittoresques, qui serpente au pied des dunes couvertes de pins.

Il est nécessaire de déboucher dans le bassin d'Arcachon à l'heure de la pleine mer pour éviter les bancs de vase ; la traversée ne doit être entreprise en canoé que par temps calme.

D'Arcachon, on gagne facilement Cazaux par autocar, le canal étant impraticable. L'étang de Cazaux est relié aux étangs de Biscarrosse et Parentis. Ce dernier débouche dans le courant de Sainte-Eulalie, qui rejoint l'étang d'Aureilhan. Plus au sud et d'accès moins facile, nous trouvons les petits étangs de Soustons, de Léon, l'étang Blanc et l'étang Noir.

Pour peu que vous empruntiez le courant d'Huchet pour gagner la mer ou la Leyre pour revenir vers Arcachon, vous vous trouverez transporté à bord d'une pirogue, au sein d'une lointaine forêt tropicale, tant le caractère exotique de cette région est surprenant.

C. NOËL.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 223