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La germination préalable des semences

Une pratique excellente, qui tend à se répandre de plus en plus en horticulture, et même en agriculture, est celle de faire germer les graines de semences ou les plants avant de les confier à la terre.

Chacun sait que, pour germer de façon convenable, les graines mises en terre doivent avoir un excellent pouvoir germinatif et recevoir en outre les principes nutritifs nécessaires, de la chaleur et de l'humidité à doses convenables. C'est, en effet, plus particulièrement grâce à ces deux derniers facteurs que les semences livrées au sol entrent doucement en végétation, pour ne laisser sortir leurs toutes premières feuilles qu'après un temps qui varie selon les espèces et selon la température même du moment. Mais il n'est pas nécessairement obligatoire que cette germination s'accomplisse dans le sol même qui sera plus tard le support nourricier des plantes. Placées dans un milieu au degré de chaleur convenable et dans une humidité suffisante, les graines de semences germent beaucoup plus vite, mieux et plus régulièrement.

Pratique de la prégermination.

— Nous envisagerons le cas des graines et le cas des tubercules (pommes de terre).

1° Cas des graines soumises à la prégermination.

— On utilisera un récipient quelconque, d'ouverture assez large, un pot de fleurs par exemple, dans lequel on placera les graines en les humectant convenablement. Quotidiennement, on remuera en opérant doucement et, si le besoin se fait sentir, on mouillera à nouveau, afin d'assurer constamment le degré d'humidité nécessaire, sans toutefois exagérer, pour éviter que les graines ne s'agglomèrent, bien que l'on ait pris la précaution de les semer clairement. Le récipient est alors recouvert d'une feuille de verre ou de carton, ou d'une planchette légère, et il est placé près d'une source de chaleur : fourneau de la cuisine ou, même, sur un radiateur de chauffage central. La germination se fait alors très rapidement, mais il est nécessaire de surveiller de très près l'opération et, dès que les germes ou radicelles apparaîtront, on peut alors semer.

Quelles graines soumettre à la prégermination ?

— On laissera évidemment de côté les graines à germination rapide et à végétation de peu de durée, telles que radis, laitue, etc. Par contre, celles à germination lente : céleri, cornichon, carotte, aubergine, piment, etc., ou celles dont la germination est capricieuse : mâche, melon, etc., profiteront au maximum de cette pratique des plus recommandable et des plus avantageuse : le procédé permet le semis en pleine terre à une époque, surtout au printemps, où il ne réussirait guère, car la terre serait encore trop froide pour de telles plantes. Au surplus, il évite l'emploi d'une couche parce que, précisément, il est possible de semer plus tard.

Pour les graines appelées à donner des racines consommables, une certaine prudence s'impose : il faut semer dès que les graines prégermées commencent à éclater. À cet effet, on peut modifier comme suit la pratique de l'opération : persiller les graines, c'est-à-dire les frotter entre les mains pour casser les petits crochets, les mélanger intimement à du sable fin ou de la terre finement tamisée et humidifier convenablement le mélange, qui sera alors placé près de la source de chaleur tiède.

Il sera indispensable de préparer le carré de terrain à ensemencer quelque temps à l'avance, dix à quinze jours. Bêcher, enfouir fumier ou engrais approprié, ratisser et arroser copieusement : dans quelques jours, une levée drue de mauvaises herbes apparaîtra ; donner alors un vigoureux coup de sarcloir ou de binette et laisser sécher le carré après avoir procédé soigneusement à l'enlèvement de ces mauvaises herbes. Semer alors les graines, dont on aura assuré au préalable la germination, et, trois ou quatre jours après, les semences les plus capricieuses ou les plus coriaces auront complètement levé et l'herbe ne poussera que très peu au lieu d'infester et d'étouffer les semis, d'où une économie de temps, de patience et de peine. Enfin les graines, restant de cette manière beaucoup moins longtemps en terre, risquent moins d'être attaquées par les insectes, par les limaces, ou d'être détruites par les intempéries.

2° Cas des tubercules prégermés : pommes de terre.

— Des expériences réalisées au cours de l'année écoulée en grande culture à l'aide de plants prégermés ont donné, malgré des conditions atmosphériques peu favorables, une longue période de sécheresse en particulier, d'excellents résultats : un champ d'une superficie d'un hectare a été planté en « Gloria » après un simple apport de fumier ; 40.000 pieds environ ont été plantés et le rendement fut de 800 grammes à un kilo par pied, ce qui donne une récolte de 32 à 35 tonnes à l'hectare. C'est là un résultat plus que satisfaisant pour l'année écoulée. Mais, avec des conditions atmosphériques plus favorables, on eût atteint certainement 50 tonnes à l'hectare. Et, avec un meilleur apport de fumier et d'engrais chimiques, on eu eût également un plus fort rendement.

Chacun de nous a pu observer la filosité de la pomme de terre qui se manifeste de la façon suivante : les yeux fournissent des pousses grêles, évoluant en filaments pâles, atteignant de deux à trois centimètres de longueur. Parfois apparaissent également de petits tubercules à la base même des écailles. Lorsque des tiges aériennes sont constituées — fait relativement rare, — elles demeurent grêles, souffreteuses, elles se dessèchent sans émettre de tubercules ou elles en forment, mais en très petit nombre et de dimensions fort réduites.

Pour éviter les conséquences de la filosité, pour avoir de beaux pieds de pommes de terre à fort rendement, pour récolter plus tôt, il est nécessaire de planter des tubercules ayant subi une germination préalable.

Pratique de l’opération.

— Les tubercules de la grosseur d'un œuf moyen seront rangés, les germes en haut, côte à côte, ou à touche-touche sur une petite clayette portative facile à fabriquer. On empile les clayettes les unes au-dessus des autres et on les place dans un local sec, où il ne gèle pas, et peu éclairé. Ainsi il se forme des germes courts et trapus. Lors de la plantation, il y aura lieu de rejeter tous les tubercules mâles, c'est-à-dire stériles : on les reconnaît aisément à leurs yeux, qui restent inertes ou qui ne donnent naissance qu'à des germes filiformes et non viables.

Mais l'idéal est de commencer l'opération de prégermination dès l'arrachage des tubercules : en novembre au plus tard, on remisera comme il a été dit plus haut, car, mis sur une clayette trop tard ou laissés en tas à la cave, ils développent plusieurs germes cylindriques et cassants qui ne produisent pas avec la même régularité, ni avec autant de précocité.

De quinze jours à un mois environ avant la plantation, on exposera les tubercules à l'air pour les faire verdir. On pourra ainsi planter quinze jours plus tard et de la sorte éviter les dangers des gelées tardives, sans que pour cela la récolte soit retardée. On voit que la germination préalable, ou prégermination, des semences est opération facilement réalisable par tous les amateurs de jardinage et qui leur rendra de précieux services.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 227