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Arrosages et irrigations

L'eau et les plantes.

— De tous les facteurs végétatifs, l'eau est celui qui joue le plus grand rôle, puisque c'est grâce à elle que les principes nutritifs de la terre nourricière se dissolvent, et qu'ils peuvent être véhiculés à l'état de sucs et de solutions salines, lesquels contribueront à l'accroissement des tissus végétaux, sous l'influence des forces capillaires et de l'évaporation foliacée.

D'autre part, l'eau apporte, par les éléments qui la constituent, c'est-à-dire l'oxygène et l'hydrogène, les principes nécessaires à l'élaboration des substances ternaires et quaternaires (la fécule, l'amidon, les sucres et les albuminoïdes) devant servir à la nourriture de l'homme et des animaux. C'est ainsi que la plupart des légumes, des racines et des fruits, arrivés à maturité, contiennent les 3/4 et jusqu'aux 4/5 de leur poids d'eau de constitution.

Si l'on tient compte que l'attaque des principes essentiels contenus dans le sol et l'absorption des engrais par les poils absorbants des racines ne peuvent se faire sans le concours de l'eau et que, sans elle, les phénomènes physiques de l'évaporation et de la respiration chlorophyllienne sont impossibles, on comprend l'utilité des arrosages dans les jardins, les champs et les prairies. Les mouillages artificiels s'imposent impérieusement, si on veut contre-balancer l'insuffisance des pluies pendant les saisons sèches, dans le genre de celle qui a caractérisé l'année 1949.

Irrigations et aspersions.

— Un abonné des Basses-Pyrénées, M. Merle, intéressé par les questions d'arrosage, désireux de connaître les procédés les plus pratiques d'application de l'eau dans les jardins, les vergers et les champs, au profit des plantes légumières, fruitières et fourragères, demande que l'irrigation et l'aspersion soient mises en parallèle, au triple point de vue efficacité, simplicité et économie, ce sujet n'ayant été traité nulle part que d'une façon fragmentaire et incomplète.

L'irrigation est une méthode couramment pratiquée dans le Midi, en plein champ, sur la plupart des cultures, et, dans les régions montagneuses, sur les prairies naturelles, partout où abondent les ruisseaux, et où il est possible de creuser des canaux de dérivation.

Partout où la terre est assoiffée, l'eau est amenée par des rigoles de distribution, à intervalles plus ou moins rapprochés, suivant le régime des pluies, en ouvrant les vannes situées sur le canal d'amenée, en réglant le débit de l'eau de manière à obtenir une imbibition suffisante du terrain, cela sans ravinement, puis on ferme les vannes pour arroser les parcelles contiguës. Suivant la nature du terrain et la perméabilité du sous-sol, on peut déverser chaque fois depuis 500 jusqu'à 1.000 mètres cubes d'eau à l'hectare. Des mouillages alternatifs sont répétés cinq à huit fois dans le cours d'une même année, plus ou moins suivant le genre de culture, les prairies naturelles étant les plus exigeantes.

Les arrosages, plus particulièrement pratiqués par les maraîchers et les jardiniers, ne nécessitent pas autant d'eau que les irrigations, mais on doit les répéter plus souvent. Ils comportent un matériel d'épandage varié, allant de la seringue pour les simples bassinages, jusqu'aux lances à jet brisé et aux tourniquets hydrauliques, en passant par les arrosoirs à goulot et à pomme.

Pour soutenir la végétation et éviter les effets débilitants de la sécheresse, le terrain devra être maintenu constamment en état de fraîcheur. Cependant, il vaut mieux effectuer de forts mouillages, assez espacés, plutôt que des bassinages répétés qui provoqueraient l'apparition des maladies cryptogamiques sur les feuilles.

Pendant l'été, les arrosages se feront de préférence le soir, ou de très bon matin, jamais en plein midi, afin de ne pas réfrigérer les plantes et pour éviter les brûlures occasionnées par la réverbération du soleil sur les gouttelettes d'eau formant lentille.

Choix de l'eau et captage.

— Les eaux employées aux arrosages ont une valeur variable. Celles qui proviennent des pluies, et que l'on recueille dans des bassins, sont à une température qui permet de les utiliser sans réchauffage préalable.

Les eaux souterraines, qu'elles proviennent de sources ou de puits, sont naturellement froides; il n'est pas prudent de les employer sans une exposition à l'air ambiant, dans des bassins découverts.

Mais ce sont les rivières et les ruisseaux qui fournissent les meilleures eaux d'arrosage, les plus riches en principes utiles et les mieux aérées. Pendant la période des crues, elles entraînent avec elle un limon fertilisant qui se dépose. C'est le colmatage.

Les eaux acides, issues des forêts et des tourbières, seront neutralisées en les faisant passer sur un lit de chaux. Celles qui sont polluées ne seront appliquées que sur les terres nues, jamais en arrosage sur les légumes feuillus qu'elles souilleraient, à moins qu'on ne minéralise leur matière organique en les faisant passer dans une fosse septique.

Quelle que soit l'origine des eaux, qu'il s'agisse de fontaines, de puits, de rivières, etc., on évitera bien des fatigues et des pertes de temps si on les emmagasine, au moyen d'une motopompe, dans un réservoir en tôle ou en ciment, installé à une hauteur telle que la distribution puisse se faire automatiquement à la lance, par l'intermédiaire d'une tuyauterie ou d'une canalisation, sur tous les carrés du potager.

On pourra ainsi, avec de l'eau toujours tempérée, effectuer rapidement, et au moment opportun les arrosages jugés nécessaires à la lance ou au tourniquet. Même sur les légumes feuillus, il vaut mieux espacer davantage les mouillages et les rendre plus copieux. Sauf dans le cas de nécessité absolue, on se dispensera d'arroser les ails, échalotes et oignons ayant une tendance manifeste à la graisse.

Les pommes de terre et les tomates, sensibles au mildiou, seront de préférence arrosées par déversement dans les interlignes, de manière à ne pas contrarier l'action des sulfatages. La diffusion de l'eau se fera régulièrement dans la zone des racines, si on n'abuse pas des buttages, dont l'utilité est contestée.

Adonis LÉGUME.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 228