Quand on examine la bouche d'un cheval pour la détermination
de son âge (1), l'attention doit se porter principalement sur les dents
incisives de la mâchoire inférieure, plus faciles à observer du reste, celles
de la mâchoire supérieure subissant les mêmes modifications d'aspect et de
structure que celles qui leur sont directement opposées. La plupart des auteurs
qui ont écrit ou enseigné sur « la connaissance de l'âge des chevaux »
ont classé, plus ou moins arbitrairement, en différentes périodes l'évolution
de leurs dents, depuis la naissance jusqu'à un âge avancé (quinze à vingt ans),
époque à laquelle la vieillesse se manifeste par des caractères extérieurs
faciles à reconnaître. En tablant sur six périodes, par exemple, la classification
peut en être ainsi établie :
1° du premier au neuvième mois, évolution des incisives de lait ;
2° du sixième au trentième mois, usure de ces incisives ;
3° de trois à huit ans, évolution des dents d'adulte ou de remplacement ;
4° de neuf à treize ans, transformation de la table dentaire, qui s'arrondit, au
lieu de rester ovale ;
5° de quatorze à seize ans, ces tables dentaires deviennent triangulaires ;
6° à partir de dix-sept ans, la forme triangulaire s'accentue, base en avant,
pointe en arrière.
Ces différentes transformations se constatent successivement
et progressivement, d'abord sur les pinces, puis les mitoyennes, et finalement
sur les coin. En comparant les dents entre elles, il est relativement facile de
dire dans quelle période un animal se trouve, l'âge pouvant être fixé plus
exactement à l'aide de certaines particularités que nous ne ferons qu'énumérer
succinctement, la leçon de choses sur l'animal étant toujours plus profitable.
Nous devons pourtant définir certaines expressions qui vont
revenir fréquemment sous notre plume ; on dit d'une dent qu'elle a usé
quand son bord antérieur le premier sorti et le plus élevé a perdu, par suite
de frottements répétés provoquant son usure, la couche d'émail qui le rendait
tranchant ; on dit qu'elle est rasée quand sa cavité extérieure
(cornet dentaire) a disparu.
À sa naissance, le poulain est ordinairement dépourvu de
dents ; les pinces de lait apparaissent du sixième au huitième jour, les
mitoyennes du trentième au quarantième, les coins entre six et dix mois. Le
rasement de ces dents se fait vite et les changements de forme, très variables
avec le genre d'alimentation, sont assez difficiles à reconnaître. À dix mois,
les pinces sont rasées ; à un an, ce sont les mitoyennes et ensuite les
coins entre quinze et vingt mois.
Entre deux ans et demi et trois ans, âge où la dentition
prend une grande importance, les pinces de lait tombent et sont remplacées par
les pinces d'adulte ou de cheval ; de trois ans et demi à quatre ans,
c'est le tour des mitoyennes, puis après les coins entre quatre ans et demi et
cinq ans. À cette époque, le cheval a sa « bouche faite » avec toutes
ses incisives, les deux bords des pinces étant déjà usés et ceux des mitoyennes
par leur bord antérieur seulement.
À six ans, le rasement des pinces est complet, les deux bords
des mitoyennes sont usés, de même que le bord antérieur des coins ; le
postérieur étant encore vierge.
À sept ans, rasement des pinces et des mitoyennes, usure des
deux bords des coins et formation, à la partie inférieure de ceux qui leur sont
opposés en haut, d'une échancrure à laquelle on donne le nom de « queue
d'aronde », ou « queue d'hirondelle ».
À huit ans, toutes les incisives sont rasées, la queue
d'aronde est plus prononcée, les pinces tendent à s'arrondir en même temps que
« l'étoile dentaire » commence à se former entre le bord antérieur de
la dent et l’émail central.
À neuf ans, les pinces et les mitoyennes sont rondes,
l'étoile dentaire s'écarte du bord antérieur. À dix ans, les pinces et les
mitoyennes sont rondes, les coins restant ovales ; l'émail central diminue
d'étendue et se rapproche davantage du bord postérieur ; à onze ans, les
coins s'arrondissent, l'émail central a disparu sur les pinces et sur les
mitoyennes ; à douze ans, rondeur uniforme de toutes les incisives,
disparition complète dans les pinces de l'émail central ; l'étoile
dentaire occupe alors le milieu de la table ; à treize ans, les pinces
commencent à devenir triangulaires ; l'émail central a complètement
disparu ; à quatorze ans, puis à quinze ans, les pinces, puis les
mitoyennes deviennent successivement triangulaires ; à seize ans, toutes
les dents de la mâchoire inférieure sont triangulaires ; à partir de seize
ans et après, les incisives deviennent aplaties d'un côté à l'autre et s'allongent
en avant dans une direction de plus en plus horizontale. Les dents incisives du
bas et du haut de la mâchoire ne s'affrontent plus face à face comme les mors
d'un étau ou d'une tenaille, mais se rencontrent sous un angle beaucoup plus
aigu. D'autres fois, l'arcade dentaire est tellement rétrécie qu'elle n'a plus
de courbure ; les dents serrées, courtes et droites, ne sont plus que de
véritables chicots, aplatis d'un côté à l'autre, largement séparés les uns des
autres. De ce fait, des dents très longues et des dents très courtes peuvent
également caractériser un âge très avancé.
Pour faire l'examen des dents d'un cheval, pour le « boucher »,
ainsi qu'on dit dans le jargon hippique, on lui saisit le bout du nez entre les
doigts de la main gauche, puis on introduit les deux premiers doigts de la main
droite dans la bouche au niveau des barres. Le doigt majeur presse sur la
langue, tandis que l'index appuie sur le palais, pour faire écarter les
mâchoires. Avec le pouce resté libre, ou avec le petit doigt de la main gauche,
on abaisse la lèvre inférieure, et les deux arcades incisives, ainsi dégagées,
peuvent être facilement examinées.
J.-H. BERNARD.
(1) Voir Le Chasseur Français de mars 1950.
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