C'est sous le signe de la jeunesse que sont nées les
collections de printemps, et du meilleur parisianisme.
En grand triomphateur règne le bleu et blanc, bleu
marine assez clair des tissus de base, blanc pur et lavable des
garnitures : piqué, toiles, percales empesées ou brodées, fines broderies
sur linon et fines dentelles, mais aussi guipures et menues passementeries de
coton ; le bleu et blanc a un sérieux concurrent dans le pied-de-poule ultra-fin,
noir et blanc, que rehausse parfois un troisième ton imperceptible, une nuance
à laquelle s’ajoute l’éclat d'un détail de couleur vive, rouge, vert-billard,
ocre rouge ... On a dit qu’on ne verrait plus ce printemps de tailleurs
classiques ; quelle erreur ! L'alerte tailleur de demi-saison l’est
plus que jamais dans sa coupe impeccable ; il est le plus souvent bordé de
ganse ou d'un liséré de tissu en opposition de sens et comporte un chemisier de
ton soutenu ou de lingerie. Il est concurrencé par le deux-pièces, au corsage
souple et blousant, aux larges emmanchures kimono, aux manches souvent écourtées,
à la taille libre sous la ceinture qui seule discipline la basque ample, courte,
froncée, décollée sur la jupe raccourcie à 38 centimètres du sol et étroite.
La petite robe, que tant nous aimons, reste fort simple, précieuse
de tissu et de couleur, corsage très souple, buste étoffé, le plus souvent à
manches courtes ; le décolleté en est très restreint, le col sans importance,
la taille bien en place, l’ampleur, quand il y en a, est rejetée en arrière, le
droit fil du devant plaquant au mouvement des jambes. Les effets asymétriques
ou à pointes agressives sont inexistants, mais en revanche les mouvements rejetés
en cape en arrière, les revers reportés vers les épaules, les effets d'écharpes
et de poches restent nombreux.
Les matières végétales nouvelles, employées par les
modistes, se retrouvent souvent en amusantes broderies sur nos robes :
raphia, amandes et autres cosses, pommes de pin et épis de toutes céréales se
retrouvent un peu partout en motifs rocailleux, ainsi que les incrustations de
guipure, les froncillés de minces rubans et les larges et beaux rubans qui
connaissent une vogue renouvelée aussi bien sur les robes habillées que sur les
chapeaux.
Si discrets dans la robe de ville, les décolletés
demeurent très copieux pour la robe habillée ; dès l'heure du cocktail,
voire même du thé dansant, le corsage bain-de-soleil se dissimule sous le vêtement
de ville ou du soir ; notre grande corsetière Marie-Rose Lebigot, celle
des « balconnets », « guêpières » et « pigeonniers »,
a conçu pour cette saison un pigeonnier-corsage, à la fois corsage et
soutien-gorge sans bretelles, brodé pour le jour et pour le soir pailleté, qui
est une merveille ; il est en satin ou en toile, car la toile aussi va être
à l'ordre du jour — la belle, lourde et infroissable toile de lin qui se
lave comme un mouchoir de poche quand la forme de la robe le permet ; elle
est aussi belle et riche en coloris que les lainages ou les soieries. Ces dernières
aussi sont magnifiques, et nous aimons à constater que tous ces textiles
reprennent chacun la place qui leur est due dans le vestiaire de la femme
moderne.
En dehors du bleu et du noir, les gris restent nombreux,
mais le plus franc succès est aux jaunes, des plus clairs aux plus brûlés, du
citron aux jaunes ardents des ocres ensoleillés.
Parmi les à-côtés neufs ou renouvelés de la mode, il faut
noter un retour offensif de l'en-cas, ce compromis charmant entre l'ombrelle et
le parapluie dont le manche est élégant et haut et dont le dôme de soie claire farde
aussi joliment de son reflet aimable un visage sous la pluie que sous le soleil !
J.-P. DE ROUVILLE.
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