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Repas "à la minute"

Nous ne consommons guère que des aliments cuits ; mais les procédés de cuisson demeurent assez rudimentaires. L'effet thermique ne se produit pas d'une manière homogène dans toute la masse ; la viande grillée ou rôtie présente une partie extérieure très cuite, avec une masse intérieure qui peut demeurer presque crue. Le pain, les gâteaux, les biscuits ont une croûte extérieure plus ou moins dure, avec une partie intérieure moins cuite et molle, formant la mie. Cette différence de cuisson est due à l’échauffement direct par conduction, agissant uniquement sur les couches extérieures.

Un mode tout différent de cuisson a fait récemment son apparition ; il constitue une des applications de cette industrie électronique, dont l'origine est toujours l'emploi de la fameuse lampe à vide de T. S. F.

Le chauffage électronique n'est pas de principe entièrement nouveau, mais sa réalisation pratique a été obtenue, aux États-Unis, il y a un ou deux ans seulement. On n'utilise plus une source de chaleur habituelle constituée par un foyer à flammes, ou à résistance électrique incandescente. On adopte un générateur produisant des oscillations électriques rapides, dites à haute fréquence, et analogues à celles qu'on utilise dans les appareils à ondes courtes de radiophonie, ou plutôt, désormais, dans les fameux appareils de Radar, permettant la détection des obstacles à grande distance. Ces oscillations électriques très rapides ne sont plus utilisées pour transmettre des signaux à grande distance, mais agissent directement sur la masse du produit alimentaire. Sous l'action de ces vibrations électriques à haute fréquence, il se produit un échauffement intense et très rapide.

Les effets obtenus sont tout à fait différents de ceux des procédés de cuisson habituels. L'action obtenue ne varie pas progressivement suivant la profondeur ; elle n'est pas limitée à la partie extérieure du produit à traiter et se manifeste en profondeur et d'une façon sélective, c'est-à-dire sur certaines parties du corps, plutôt que sur d'autres.

Sur ce principe, on a réalisé des appareils de chauffage électronique, pour la cuisson des aliments, qui ont l'apparence et les dimensions de frigidaires de différents modèles. Ils se composent toujours d'un générateur d'oscillations électriques, constitué comme un poste émetteur de T. S. F., et d'une puissance de l'ordre de 3 à 75 kilowatts. Les oscillations électriques à haute fréquence agissent sur le produit à traiter placé dans un récipient convenable, par l'intermédiaire de plaques de condensateurs, ou de guides métalliques, destinés à concentrer l'effet à l'endroit utile.

Ces appareils comportent une sorte de four d'assez petites dimensions, muni d'une porte en aluminium disposée sur le devant, et plus ou moins analogue à la porte d'un frigidaire. La manœuvre est à peu près automatique, l'opérateur n'a guère qu'à appuyer sur un interrupteur déclenchant une minuterie réglée entre 0 et 120 secondes. Lorsqu'on met l'appareil sous tension, un délai de 40 secondes seulement est nécessaire pour l'entrée en fonctionnement, contrôlé par l'allumage d'une lampe témoin colorée. On place l'aliment à préparer dans le four, et l'on appuie sur une pédale ; le chauffage s'arrête au bout d'un temps déterminé à l'avance. Le circuit de l'appareil est alors ouvert, la porte du four s'ouvre d'elle-même, l'opérateur n'a plus qu'à retirer de l'appareil le repas préparé, et le fourneau électronique est prêt pour une opération ultérieure.

Les applications de ces fourneaux électroniques sont déjà extrêmement nombreuses, et l'intérêt du procédé réside, avant tout, dans sa rapidité.

Le four électronique permet d'abord le traitement des aliments congelés d'une manière extrêmement rapide, et sans précautions spéciales ; la durée de la décongélation est inférieure à une minute. De tels appareils sont précieux pour les boulangers, les pâtissiers, les confiseurs, les fabricants de glaces. On peut également décongeler et chauffer à la température normale des repas préparés à l'avance et congelés ; la préparation ne dure que 70 secondes environ.

La préparation des aliments habituels est réalisée dans des conditions toutes nouvelles.

On peut rôtir un gigot d'agneau de plus de 2 kilogrammes en 30 minutes, opération qui exige de 2 à 3 heures dans un four ordinaire ; la cuisson des biftecks ne dure que de 50 à 60 secondes. Pour un poulet, il faut 2 à 4 minutes ; pour des pommes de terre, 1 minute et demie, et 30 secondes pour des biscuits. On peut cuire des saucisses avec des oignons en 20 secondes, alors qu'il fallait 7 minutes avec un gril ordinaire ; les petits pains à la saucisse, si en honneur aux États-Unis, sont préparés en 10 secondes, au lieu des 5 minutes du procédé habituel.

L'effet sélectif est également très curieux. Lorsqu'on cuit de la manière habituelle une saucisse placée à l'intérieur d'un petit pain, le pain est cuit avant la saucisse ; avec le four électronique, la saucisse est plus chaude que le pain, ce qui est beaucoup plus agréable pour le consommateur ! Il devient ainsi possible d'effectuer de véritables expériences culinaires.

D'autres appareils de même principe sont employés dans l'industrie des produits alimentaires et des conserves, pour la pasteurisation du lait et de la bière.

Pour le moment, le prix d'achat de ces fourneaux, même aux États-Unis, est au minimum de plusieurs centaines de mille francs et atteint facilement le million ; les frais d'entretien et la consommation d'électricité sont également élevés. Il s'agit donc surtout d'appareils destinés à l'industrie ou à des restaurants à grand débit, dans lesquels il faut assurer la préparation de nombreux repas dans un temps réduit. À ce titre, ils peuvent déjà rendre de très grands services, et leurs perfectionnements les rendront encore plus précieux.

P. HÉMARDINQUER.

Le Chasseur Français N°638 Avril 1950 Page 254