Accueil  > Années 1950  > N°639 Mai 1950  > Page 258 Tous droits réservés

Sauvagine de Mai

Lorsque la chasse est fermée, vous avez sur les rivages maritimes la possibilité de tirer des avrillots jusqu'à la fin du mois de mai.

J'ai beaucoup aimé cette chasse si distrayante sur les côtes ouest de notre pays : golfe du Morbihan, Pennevins, baie du Croisic, baie de la Loire. J'y ai fait de très belles chasses de courlis, courlis « glorios », de barges rousses ou communes, de chevaliers pieds rouges, de tourne-pierres, de sanderlings des sables. En 1935, j'avais chassés à Capbreton et à Hossegor sur les mêmes oiseaux et en Camargue avec l'espagnolet.

La France, par l'étendue de ses côtes, est un des pays les plus privilégiés quant aux passages de la sauvagine.

Au mois de mai de l'an dernier, j'avais été invité par un de mes amis, délégué du Saint-Hubert-Club de Bordeaux, à tirer des chevaliers pieds rouges et des barges dans le bassin d'Arcachon. Avec joie, j'acceptai cette invitation.

Je connaissais la réputation des grands fusils que j'aurais le plaisir de rencontrer et leur passion de la sauvagine, mais je ne connaissais pas le site merveilleux qu'ils allaient me présenter.

À l'horizon, des pins formaient le fond de la toile. Au milieu d’un paysage solitaire entouré d’eau, un charmant rendez-vous de chasse merveilleusement organisé, où aucun des détails qui plaisent au chasseur de sauvagine ne manquait ; en particulier une jolie collection d’oiseaux empaillés et pendus, la plupart par la patte : colverts, pilets, sarcelles, souchets, pieds-rouges et bien d’autres encore.

L’agencement intérieur donnait aux chasseurs la possibilité d’admirer la sauvagine survoler ce paysage si prenant vers l'ouest, à travers les glaces d'une grande véranda. Tour à tour, il m'a semblé que le bassin donnait l’impression des marais salants du Croisic ; certains autres coins me rappelaient quelques paysages de la Grande Brière.

Tout m'a plu, dans l'ensemble, de cet endroit solitaire, dont un sauvaginier ne peut pas ne pas être épris.

La chose la plus charmante de cet endroit, c'est le spectacle de ces petits lapins qui vivent à l’état sauvage à côté même de la maison et dont les gestes si amusants remplissent de joie les amoureux de la nature.

La petite maison était solide, car elle ne bronchait pas sous les rafales de vent d'une grande brutalité. Après un excellent déjeuner, nous partons pour la chasse sans hâte, car les avrillots suivent la marée, qui ne sera montante que vers la fin de la soirée.

Ici, les pieds rouges, oiseaux très amusants à tirer, constituent la grosse masse des migrateurs; les barges, les pluviers à collier et une quantité d'avrillots variés viennent grossir le tableau. Au début de la marée, la chasse fut médiocre, comme à l’habitude. Mais, vers 5 heures, des bandes de pieds rouges commencèrent à passer, j'ai vu bien des passées d'avrillots, mais, même à Seesable, .je n'ai jamais vu autant de pieds rouges que ce jour-là, à l’étang d'Arcachon. Par bande de dix à quinze oiseaux, ils sillonnaient le ciel. Le vent violent ne facilitait pas le tir. Mais nos grands fusils de la région, de R ... et D. L ..., l'un succédant à l'autre comme délégué du Saint-Hubert-Club de France, firent de bien beaux tableaux de pieds rouges.

D'autres fusils excellents comme G.-L., T ... et le neveu et la nièce de notre hôte vinrent grossir très largement le tableau déjà enviable. Le vieux chasseur que je suis, ayant, pendant la guerre, brûlé tous ses fusils auxquels il était habitué, a mal tiré. Je me souviens de deux coups de longueur qui m'ont rappelé l'époque où je tirais encore correctement.

Mais je penserai souvent au site enchanteur, à la quantité de gibier et à l'accueil si aimable de cette charmante maison de marais ... Le vieux sauvaginier a conservé de cette journée un souvenir marquant.

Jean DE WITT.

P.-S.

— J'ai revu ma Brière il y a quelques jours. Elle est toujours la même. Beaucoup de canards le troisième jour de mon séjour, après deux jours de forte gelée, en ce coin que j’ai tant aimé. Mais — est-ce général ? — les bécassines partaient hors de portée. Cependant le marias était à point pour leur chasse. J'ai interrogé plusieurs chasseurs, dont M. de Valicourt et M. Guinot, qui ont, dans leurs marais, signalé la même tendance. Je serais heureux de recevoir les renseignements des chasseurs de bécassines dans leurs marais en novembre 1949.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 258