Lorsque la chasse est fermée, vous avez sur les rivages
maritimes la possibilité de tirer des avrillots jusqu'à la fin du mois de mai.
J'ai beaucoup aimé cette chasse si distrayante sur les côtes
ouest de notre pays : golfe du Morbihan, Pennevins, baie du Croisic, baie
de la Loire. J'y ai fait de très belles chasses de courlis, courlis « glorios »,
de barges rousses ou communes, de chevaliers pieds rouges, de tourne-pierres,
de sanderlings des sables. En 1935, j'avais chassés à Capbreton et à Hossegor
sur les mêmes oiseaux et en Camargue avec l'espagnolet.
La France, par l'étendue de ses côtes, est un des pays les
plus privilégiés quant aux passages de la sauvagine.
Au mois de mai de l'an dernier, j'avais été invité par un de
mes amis, délégué du Saint-Hubert-Club de Bordeaux, à tirer des chevaliers
pieds rouges et des barges dans le bassin d'Arcachon. Avec joie, j'acceptai
cette invitation.
Je connaissais la réputation des grands fusils que j'aurais le
plaisir de rencontrer et leur passion de la sauvagine, mais je ne connaissais
pas le site merveilleux qu'ils allaient me présenter.
À l'horizon, des pins formaient le fond de la toile. Au milieu
d’un paysage solitaire entouré d’eau, un charmant rendez-vous de chasse
merveilleusement organisé, où aucun des détails qui plaisent au chasseur de
sauvagine ne manquait ; en particulier une jolie collection d’oiseaux
empaillés et pendus, la plupart par la patte : colverts, pilets,
sarcelles, souchets, pieds-rouges et bien d’autres encore.
L’agencement intérieur donnait aux chasseurs la possibilité
d’admirer la sauvagine survoler ce paysage si prenant vers l'ouest, à travers
les glaces d'une grande véranda. Tour à tour, il m'a semblé que le bassin
donnait l’impression des marais salants du Croisic ; certains autres coins
me rappelaient quelques paysages de la Grande Brière.
Tout m'a plu, dans l'ensemble, de cet endroit solitaire, dont
un sauvaginier ne peut pas ne pas être épris.
La chose la plus charmante de cet endroit, c'est le spectacle
de ces petits lapins qui vivent à l’état sauvage à côté même de la maison et
dont les gestes si amusants remplissent de joie les amoureux de la nature.
La petite maison était solide, car elle ne bronchait pas sous
les rafales de vent d'une grande brutalité. Après un excellent déjeuner, nous
partons pour la chasse sans hâte, car les avrillots suivent la marée, qui ne sera
montante que vers la fin de la soirée.
Ici, les pieds rouges, oiseaux très amusants à tirer, constituent
la grosse masse des migrateurs; les barges, les pluviers à collier et une
quantité d'avrillots variés viennent grossir le tableau. Au début de la marée,
la chasse fut médiocre, comme à l’habitude. Mais, vers 5 heures, des bandes de pieds
rouges commencèrent à passer, j'ai vu bien des passées d'avrillots, mais, même
à Seesable, .je n'ai jamais vu autant de pieds rouges que ce jour-là, à l’étang
d'Arcachon. Par bande de dix à quinze oiseaux, ils sillonnaient le ciel. Le
vent violent ne facilitait pas le tir. Mais nos grands fusils de la région, de
R ... et D. L ..., l'un succédant à l'autre comme délégué du Saint-Hubert-Club
de France, firent de bien beaux tableaux de pieds rouges.
D'autres fusils excellents comme G.-L., T ... et le neveu
et la nièce de notre hôte vinrent grossir très largement le tableau déjà
enviable. Le vieux chasseur que je suis, ayant, pendant la guerre, brûlé tous ses
fusils auxquels il était habitué, a mal tiré. Je me souviens de deux coups de
longueur qui m'ont rappelé l'époque où je tirais encore correctement.
Mais je penserai souvent au site enchanteur, à la quantité
de gibier et à l'accueil si aimable de cette charmante maison de marais ...
Le vieux sauvaginier a conservé de cette journée un souvenir marquant.
Jean DE WITT.
P.-S.
— J'ai revu ma Brière il y a quelques jours. Elle est
toujours la même. Beaucoup de canards le troisième jour de mon séjour, après deux
jours de forte gelée, en ce coin que j’ai tant aimé. Mais — est-ce général ? —
les bécassines partaient hors de portée. Cependant le marias était à point pour
leur chasse. J'ai interrogé plusieurs chasseurs, dont M. de Valicourt et M. Guinot,
qui ont, dans leurs marais, signalé la même tendance. Je serais heureux de recevoir
les renseignements des chasseurs de bécassines dans leurs marais en novembre
1949.
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