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La conduite des chiens courants

Après un dressage beaucoup moins compliqué que celui du chien d'arrêt, on pourra sortir les jeunes à l'âge de huit à dix mois.

Le dressage au chenil consistera à les habituer à venir à l'appel de leur nom. Un petit morceau de viande et une caresse seront la récompense quand cet appel sera suivi d'effet.

S'il s'agit d'une portée de jeunes, les noms, quoique commençant par la même lettre, devront être à terminaison assez distincte ; ainsi, pour cette année 1950 : Yvon, Youyou, Yucca, etc.

La lettre de l'année, Y, est exigée par la Société centrale pour les noms des chiens dont l'inscription au Livre des origines est demandée. Mais, même pour les chiens qui ne peuvent prétendre à cette inscription, le nom à la lettre servira toujours à en savoir l'âge.

Conduits au bois, il y a toujours avantage à ce que ce soit le même homme qui les y accompagne et foule les enceintes avec eux ; il les appuiera en leur disant : « Fouille, fouille, holà ! mes beaux. » Si un animal de chasse est aperçu fuyant, on les conduira au passage et on leur dira : « À la voie, à la voie. » Si certains ont tendance à prendre le contre-pied, on leur criera : « Arrête, au retour. » Si la voie est emmenée par un chien en qui l'on a confiance, on leur criera : « Aucoute à Figaro, aucoute. »

Celui qui conduit les chiens devra être armé d'un fouet à manche court, dont le claquement est utilisé pour obtenir l'obéissance, surtout si un animal que l'on ne peut ou l'on ne doit chasser part à la vue des chiens ; il faudra alors crier : « Arrête, arrête », en faisant claquer le fouet.

Pour faire débuter et déclarer les jeunes, je suis partisan de les faire accompagner d'un vieux chien bien confirmé dans la menée, pas bavard et pas trop vite, laissant aux jeunes le loisir de goûter la voie.

Si l'on a la chance, dans ces chasses de début, d'abattre un animal, il ne faudra pas manquer de faire faire la curée chaude, c'est-à-dire sur place. Les intestins suffiront à cet effet.

Un animal de chasse blessé à mort, à moins que ce ne soit un sanglier, ne devra pas être achevé au fusil, mais laissé achever par les chiens.

À propos du sanglier, si un fort ragot ou un solitaire est mis debout, il faudra tâcher de reprendre les jeunes chiens, car, s'ils sont mordants, ils risquent de se faire blesser et même tuer.

J'ai vu, en Morvan, sur sept jeunes nivernais, deux tués et trois blessés à la même chasse.

Ces jeunes, à une chasse précédente, avaient arrêté seuls trois bêtes rousses que l'on n'avait eu que la peine de servir au couteau.

Si l'on doit chasser avec un seul chien, le mieux sera de l'accompagner au bois jusqu'à ce qu'il ait levé une pièce de gibier ou trouvé une voie fraîche.

En ce dernier cas, il faudra le laisser faire en l'encourageant : « Après, mon beau, après », tout en le suivant autant que cela sera possible. Si, après un assez bon rapproché, le lancer n'a pas eu lieu, on arrêtera le chien en lui criant : « Arrête », et, s'il continue à donner de la voix : « Tout coi, tout coi », et en faisant claquer le fouet.

Si, au lieu de cela, un lièvre ou un chevreuil ont été levés, on se pressera d'aller occuper un passage connu.

S'il s'agit d'un sanglier, celui-ci, ne voyant qu'un chien, ne partira pas et se laissera aboyer assez longtemps sans bouger. C'est le ferme.

En ayant soin de prendre le vent et en faisant le moins de bruit possible, on tâchera de l'approcher, et alors, avec une balle placée entre l'œil et l'oreille, on pourra le tuer roide.

En cas de blessure mortelle, ne pas hésiter à doubler, de façon à obtenir l’immobilité complète, car un sanglier blessé à mort est encore dangereux pour les chiens et même pour l'homme.

Si l'on peut chasser avec plusieurs chiens, il s'en trouvera toujours un pour entraîner les autres, ce qui évitera d'être obligé de les appuyer pour battre le bois.

Il se trouvera aussi quelquefois un rapprocheur, c'est-à-dire un chien qui, prenant une voie de la nuit, la suit en donnant une voix de temps en temps jusqu'au gîte ou à la bauge.

Beaucoup de griffons nivernais ou vendéens acquièrent cette qualité en vieillissant et y deviennent de premier ordre.

J'ai possédé un saintongeois qui y excellait, mais qui, parvenu à la bauge, si le sanglier tenait, faisait demi-tour et venait me retrouver au lieu de l'aboyer. Il rapprochait un pied dès 13 heures. Ce défaut était pour moi une qualité, car, ayant entendu les dernières voix du rapproché, je savais à peu près où le sanglier était baugé, et cela me permettait de placer mes amis en conséquence. Avec les autres chiens que j'avais conservés couplés, je ne tardais pas à lever l'animal, qui, s'il n'était pas tué à l'attaque, fournissait une belle chasse.

Si l'on chasse avec plusieurs chiens, il faudra réformer ceux qui vont trop vite ainsi que les trop lents : les premiers parce qu'ils fatiguent les autres inutilement, les seconds parce qu'ils ne servent à rien.

A. ROHARD.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 275