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Apprendre à respirer

Malgré la généralisation de l'éducation physique dans les écoles et dans le grand public, des examens d'enfants pratiqués en série au cours de ces dernières années nous ont prouvé qu'il existe encore un grand nombre d'enfants qui ne savent pas respirer.

Or une respiration normale est la base non seulement du sport, mais d'un bon état général de santé.

Or, bien souvent, cette insuffisance respiratoire est due à de petites causes auxquelles il suffirait de penser pour les éviter ou les corriger.

Beaucoup d'enfants — et quelques adultes ! — ne savent pas respirer parce qu'ils ne savent pas se moucher.

Si l'on recherche la perméabilité nasale, ce qui est à la portée de tous grâce à des épreuves très simples telles que celle de Rosenthal, on constate souvent que cette cause élémentaire — et stupide — est l'obstacle principal ou même parfois unique.

Cette épreuve consiste à faire faire vingt respirations totales (inspiration et expiration), à un rythme lent (15 à 20 par minute) ; d'abord avec les deux narines ensemble et ensuite successivement avec la narine droite et avec la gauche, l'autre narine étant complètement obstruée par une simple pression du doigt. Un sujet normal doit parvenir à la fin de ces trois séries sans bruit et sans essoufflement. Dans le cas contraire, il y a une cause de rétrécissement ou d'obstruction qu'il faut rechercher, et qui est bien souvent, tout simplement, celle que nous venons de signaler.

Pour bien nettoyer les narines, il faut apprendre aux enfants à se moucher « à la paysanne », qui consiste à : d'abord inspirer profondément par les deux narines bien ouvertes ; fermer une narine avec l'index du même côté ; bien expirer, c'est-à-dire « souffler » énergiquement par la narine restée libre. Même manœuvre de l'autre côté, deux ou trois fois de suite.

Cette pratique a l'avantage non seulement de désencombrer le nez et de le nettoyer par le souffle, mais de réaliser une sorte de massage des petits muscles de l'aile du nez par l'air humide et chaud expiré sous pression. Enfin, de rééduquer le réflexe respiratoire nasal, réflexe toujours aboli ou, en tous cas, diminué chez les impotents du nez.

Cette pratique est à faire deux ou trois fois chaque jour, en particulier le matin au moment de la toilette : elle doit devenir une habitude, comme celle de se brosser les dents.

Il serait désirable qu'à l'école le professeur d'éducation physique la fasse pratiquer au moins une fois en sa présence, excellent moyen d'attirer son attention sur ceux des élèves qui respirent mal par le nez et de les signaler au médecin.

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Un deuxième procédé simple est celui de l'« apnée volontaire ». Il consiste à demander à l'enfant de rester le plus longtemps possible sans respirer. Normalement, il doit pouvoir supporter cette situation pendant une demi-minute (les durées supérieures étant très variables chez les individus bien entraînés, tels que les nageurs et plongeurs). Cette épreuve donne un premier aperçu non plus de la perméabilité nasale, mais de la respiration pulmonaire proprement dite.

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Quant aux mouvements dits de gymnastique thoracique, ou d'éducation respiratoire, dont tous les professeurs d'éducation physique connaissent les techniques et dont ils usent, et même parfois abusent largement, rappelons qu'ils doivent être pratiqués non pas au début de la leçon, mais à la fin, ou après une série d'exercices un peu poussés.

En effet, s'il n'est pas dangereux, il est en tout cas superflu de respirer à fond lorsqu'on est « à froid ». C'est au contraire après l'exercice, et à plus forte raison après l'effort, qu'il devient utile, et efficace, de débarrasser l'organisme des toxines et des déchets accumulés au cours du travail, et de provoquer en même temps la détente et la sensation de bien-être qui résulte alors de quelques bons mouvements respiratoires.

Il faut, en somme, provoquer d'abord, par l'exercice, le besoin de respirer. C'est à cette condition seulement que des mouvements respiratoires poussés à fond deviennent à la fois nécessaires, efficaces et agréables. Quand on vidange l'huile de son moteur, on pratique cette vidange quand il est chaud — c'est-à-dire quand il vient de travailler — et non à froid. C'est le même principe.

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Enfin, insistons sur ce point important que, autant les mouvements respiratoires doivent être poussés à fond lorsqu'on travaille en plein air et par beau temps — car ils trouvent dans ce cas tous leurs avantages et la plénitude de leur raison d'être, — autant il faut éviter d'en abuser lorsque l'on travaille en salle, car, dans ce cas, celle-ci est fatalement, après qu'une ou deux douzaines d'élèves y ont évolué pendant trois quarts d'heure, plus ou moins saturée de poussière et d'autres particules toxiques en suspension, dont il est vraiment inutile de s'emplir les poumons par une série de respirations poussées à fond.

Aussi, pour éviter, précisément, d'être obligé de recourir à la « grande vidange » respiratoire que nécessite une leçon intense, y a-t-il lieu de ne jamais donner en salle la leçon aussi « poussée » et aussi rapide qu'en plein air. C'est, parmi tant d'autres, une des principales raisons pour lesquelles la leçon doit être donnée en plein air toutes les fois que les conditions de température de saison ou de locaux ne la rendent pas matériellement impossible.

Des conseils aussi élémentaires pourront paraître à certains un peu puérils, mais il suffit de regarder autour de soi pour constater, hélas ! qu'ils sont trop souvent oubliés.

Dr Robert JEUDON.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 285