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Les engrais en cultures fruitières

Généralités.

— L'arbre fruitier possède un système de racines qui varie selon le porte-greffe sur lequel il est enté : pivotant s'il est greffé sur franc, traçant pour les autres sujets.

Indépendamment de ces deux formes, ses racines principales sont longues, peu nombreuses ; les secondaires suivent la même proportion, le chevelu est limité à l'extrémité de chacune d'elles. Il en résulte qu'avec un tel système l'arbre n'est pas apte à absorber intégralement tous les éléments solubles du sol. Il ne peut s'en approprier qu'une faible partie ; c'est un des motifs du peu de sensibilité immédiate des essences fruitières à l'application des engrais.

Une plante annuelle possède un réseau de racines partant du collet, se divisant à l'infini, formant dans le sol un véritable tissu qui filtre à travers tous les liquides qui circulent ; de sorte que ce végétal est capable, avec ses puissantes racines, d'absorber complètement tout ce que le cultivateur a enfoui dans la terre.

Pour que l'arbre fruitier soit rendu plus sensible aux matières fertilisantes, il devient nécessaire d'augmenter la dose des engrais, afin que les liquides du sol soient plus concentrés en principes solubles. Il en résultera que l'arbre absorbera tous les éléments qui lui seront utiles sous un volume d’eau moindre. Parce que plus riche, on économisera de l'eau au moment où l'arbre en réclame le plus pour le grossissement de son fruit, à une époque où la sécheresse se fait sentir et où les liquides du sol sont rares. C'est l'explication des bons effets de l'application des nitrates avant ou après une pluie suivie de façons superficielles répétées sur la formation du fruit et son grossissement.

Importance de la fumure des arbres fruitiers.

— Un arbre fruitier se développe, forme sa charpente, fructifie pendant de nombreuses années à la même place. Pour trouver sa nourriture, ses racines sont obligées de se suffire dans l'espace restreint qui leur est assigné. Ce milieu est vite épuisé, l'arbre perd rapidement sa première vigueur ; il revêt une végétation languissante, sa résistance est diminuée, il est en état de réceptivité à toutes les attaques, maladies, insectes, etc.

L'essence fruitière est, dès lors, incapable de donner des récoltes saines et abondantes.

La loi de la restitution des éléments exportés du sol par les récoltes des plantes annuelles est admise par tous, sanctionnée par la pratique. Comment comprendre que cette loi souffre des exceptions, qu'elle ne s'applique pas à toutes les plantes et que les arbres fruitiers y échappent ?

Par conséquent, une culture fruitière ne peut être maintenue en bon état de production que si on lui apporte annuellement tous les éléments solubles dont elle a besoin pour nourrir et produire une récolte maximum, tout en tenant compte de ceux qui manquent ou qui se trouvent en petite quantité dans le sol.

Améliorations des terres par les amendements.

— En arboriculture fruitière, on ne se préoccupe pas assez de l'importance d'améliorer la nature physique et les propriétés chimiques des sols par les amendements.

Cette négligence explique pourquoi les plantations sont si disparates dans leur végétation, leur fructification et leur durée.

Acidité des terres.

— L'absence de chaux fait de l'argile et de l'humus de la véritable colle. La terre devient difficile à travailler et imperméable à l'eau et à l'air ; les racines dans ce milieu sont asphyxiées. Ceci explique pourquoi les sols acides se ressuient difficilement après les pluies ; ils restent plus longtemps que les autres inaccessibles aux instruments aratoires.

Dans tous les sols acides, la décomposition des fumiers est lente par manque de chaux, dont l'absence empêche la transformation des acides du sol en sels calcaires inoffensifs. Les acides restant libres brûlent les microbes et les bactéries, agents essentiels de la vie dans la terre arable, qui devient inerte. Les plantes y souffrent de manque d’azote assimilable, qu'elles prennent sous forme de nitrate de chaux. L'action des engrais chimiques est réduite. Si l'on utilise des sels potassiques bruts, par exemple, leur potasse est fixée par les composés minéraux du sol, alors que leurs acides accroissent le défaut de la terre. De là des échecs culturaux et des découragements dont un esprit superficiel croit trouver la cause en ce qu'il appelle la routine du praticien.

Végétation dans les terres acides.

— Quoi qu'il en soit, les végétaux possibles dans les terres acides sont de valeur médiocre. La luzerne disparaît, elle détruit les betteraves ; le rendement de blé diminue. Par contre, le trèfle incarnat prospère encore.

Les plantes calcifuges envahissent le sol : ail sauvage, oseilles, rumex ; l'orobanche est un indicateur de la pauvreté du sol en magnésie et en chaux ; absence de légumineuses. On rencontre le chrysanthème de moisson ; la houlque laineuse domine dans les prairies. La germination des pois est lente, l'épinard jaunit, sa croissance est diminuée. Les choux pommés, la pomme de terre, la courge, la fraise supportent l’acidité du sol.

Influence de la chaux sur l'engrais.

— La chaux favorise la décomposition des engrais organiques, et certains engrais minéraux doivent se modifier en présence du carbonate de chaux du sol, ainsi le sulfate d'ammoniaque et le sulfate de chaux. Le chlorure de potassium forme du carbonate de chaux et du chlorure de chaux. Le sulfate et le chlorure sont éliminés par les eaux du sous-sol. Les deux carbonates retenus par le pouvoir absorbant du sol agissent comme fertilisants parfaits. Par contre, ils ne se forment point dans les sols acides, qui manquent de carbonate de chaux et qui, pour cette raison, répondent mal à l'emploi de certains engrais minéraux dits acides. Il est tout indiqué d'employer, en terre privée de chaux, les engrais salins, sulfate d'ammoniaque et potasse d'Alsace.

Les engrais chimiques sont répartis en trois catégories :

    1° Acides : comme les sels ammoniacaux, le crud ammoniac et les sels de potasse ;
    2° Neutres : le superphosphate, les phosphates précipités, le plâtre ;
    3° Basiques : le cyanamide de calcium, les scories de déphosphoration, les nitrates de potasse et de soude.

On ne doit pas oublier, si l'on tente d'échapper à l'obligation du chaulage en utilisant exclusivement les engrais basiques, que ceux-ci doivent être employés plus tôt, longtemps à l'avance, exception faite pour les nitrates : les scories avant l'hiver. Contrairement à ce que l'on croit trop souvent, le plâtre, sulfate de chaux, n'agit pas sur l'acidité.

Renouvellement de chaulage.

— On estime comme nécessaire l'apport de 1.000 kilogrammes de chaux vive tous les trois ans pour donner à une terre qui tend à devenir acide la neutralité nécessaire.

E. DÉAUX.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 293