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Reboisement des sols argileux ou mouilleux

Ce sont, en général, des sols mal aérés, à plan d'eau peu profond ; on peut distinguer, parmi ces sols, deux types bien différents :

    1° Les sols riches en éléments fins, argileux et imperméables dans lesquels il se constitue, à un niveau peu profond, un « plan d'eau temporaire », par défaut d'écoulement de l'eau pluviale en saison humide : tous les pores du sol restent ainsi saturés d'eau pendant un temps plus ou moins long ; il y a donc différents degrés dans l'imperméabilité du sol.

    2° Les sols pouvant présenter une texture perméable (limoneux ou sableux), mais dans lesquels existe, à une faible profondeur, une nappe d'eau alimentée par une eau courante, donc renouvelée constamment (sols d'alluvions).

Les conditions de vie des arbres sont très différentes et bien plus défavorables dans le premier cas que dans le second : en effet, dans le premier cas, le sol est saturé d'eau pauvre en oxygène en période humide et il y a danger d'asphyxie de racines. En saison sèche, au contraire, le sol se dessèche complètement en surface, et des « fentes de retrait » apparaissent ; comme les racines des arbres sont toujours localisées très superficiellement sur ces sols, elles souffrent alors d'une insuffisance d'alimentation en eau.

Il n'en est pas de même dans le second cas : non seulement l'aération est meilleure en surface, mais l'eau qui circule est riche en oxygène et permet la respiration des racines ; de plus, l'approvisionnement en eau est, en général, suffisant en toute saison.

1° Reboisement des sols argileux imperméables.

— La réussite est toujours conditionnée par l'établissement d'un réseau de drainage soigneusement entretenu. Nous distinguerons deux cas, suivant le degré de compacité du sol.

    a. Sol compact à plan d'eau temporaire : c'est le cas des sols argileux, dont le drainage, quoique insuffisant, n'est pas totalement empêché.
    Il s'agit, au point de vue pédologique, de sols bruns, qui, à une faible profondeur (20 à 30 cm.), présentent un niveau grisâtre, parsemé de taches rouille.
    Leur reboisement pourra s'effectuer à l'aide d'épicéas, ou, mieux, de certains exotiques : sapin de Vancouver (Abies grandis), thuya géant (Thuya plicata). Il y a grand intérêt à intercaler des lignes de feuillus entre les plants : aune glutineux, chêne rouge d'Amérique. Signalons que, d'après des expériences récentes, le chêne rouge d'Amérique réussit particulièrement bien sur ces sols, car sa résistance à l'asphyxie des racines est remarquable.

    b. Sols très compacts à plan d'eau presque permanent (sols tourbeux) : c'est le cas extrême de sols très imperméables, ou présentant une situation topographique défavorable (cuvettes, dépressions, bords d'étangs). La couche saturée d'eau, à 15 ou 20 centimètres de la surface, prend une teinte gris verdâtre très claire. À la partie supérieure, elle est piquetée de taches rouille. En surface, on trouve une couche de tourbe, humus noir de 5 à 10 centimètres d'épaisseur, à décomposition très lente. Ces conditions sont très défavorables au reboisement, et, bien souvent, l'opération n'est pas rentable. On peut essayer, dans les parties les moins mauvaises, l'épicéa, le pin Weymouth (Pinus strobus), mélangé de feuillus (chêne rouge), ou alors le pin à crochets (Pinus montana uncinata) en lignes alternant avec des aunes glutineux. La réussite est toujours très aléatoire.

Dans tous ces exemples, la réalisation du mélange résineux-feuillus est toujours très souhaitable pour des raisons que nous avons exposées dans des articles précédents.

2° Reboisement des sols d'alluvions à nappe d'eau renouvelée.

— Ce sont les sols de choix pour les peupliers de culture ; les conditions de réussite de ces essences sont, en effet, les suivantes :

    1. Absence de tourbe épaisse en surface ;

    2. Nappe d'eau constamment renouvelée, jamais stagnante ; si le renouvellement de l'eau est insuffisant, il faut l'accélérer par la création d'un réseau de drainage ;

    3. Alimentation en eau suffisante en période sèche : il convient que le plan d'eau ne descende pas trop bas, surtout si des niveaux de graviers (fréquents dans les alluvions) viennent interrompre l'ascension de l'eau dans la terre fine par capillarité. Les racines de peuplier sont localisées exclusivement dans la couche de terre fine, et, si celle-ci est trop peu épaisse, il y a danger d'insuffisance de nutrition en eau.

Au point de vue technique, les plantations doivent être faites toujours à grand espacement, 7 mètres sur 7 mètres au moins, à l'aide de boutures. Le choix de la variété est très important ; ce problème complexe ne pouvant être traité ici, bornons-nous à signaler, à titre d'indication, les principales espèces, cultivées : le Robusta, de très belle forme et de croissance rapide, convient aux sols les meilleurs et les mieux approvisionnés en eau. Le Serotina, moins exigeant à ce point de vue, peut être utilisé partout, ainsi que le peuplier de Virginie.

Enfin, le Carolin est une très bonne espèce à réserver au Sud-Ouest, car elle est sensible au froid.

Conclusion. Action des plantations sur le sol.

— Cette action ne peut être que favorable : il n'y a, en effet, aucun risque de lessivage des éléments fins, puisque l'imperméabilité et la proximité de plan d'eau ne permettent pas l'infiltration des eaux pluviales. Par contre, les arbres jouent le rôle d’« évaporateurs » d'eau, et leurs racines abaissent le plan d'eau en période humide, grâce au pompage qu'elles exercent. L'aération en est grandement améliorée, ce qui permet une pullulation très favorable des bactéries et des vers de terre. Les argiles s'agglomèrent très rapidement en grumeaux, entre lesquels circulent l’eau et l’air. Un sol compact, convenablement reboisé à l'aide d'un peuplement mixte, comprenant un nombre suffisant de feuillus — nous insistons sur l'intérêt du chêne rouge à ce point de vue, — peut donc s'améliorer progressivement et devenir un sol forestier particulièrement riche. Mais l'installation des plants et la réussite initiale restent toujours particulièrement délicates.

LE FORESTIER.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 297