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Sus au varron

Une croyance fort répandue autrefois dans l'agriculture était que le varron, larve parasitaire des bovins, ne s'attaquait qu'aux plus belles bêtes, et que le fait d'être varronné était pour un bovin un brevet de qualité. La mouche du varron, appelée hypoderme du bœuf, pond des œufs qui seraient absorbés par les bovins et, cheminant le long du tube digestif, les larves se fixeraient sous la peau de l'échine, jusqu'au moment où, arrivées au dernier stade, elles percent la peau pour se transformer en mouches, et le cycle recommence ainsi tous les ans. Des éleveurs plus avisés se rendirent compte que ces larves de varrons portaient un tort considérable au rendement de leurs bêtes, tant au point de vue production viande que laitière, sans oublier les cuirs criblés de trous dans la partie la meilleure : le croupon. Les pertes peuvent se chiffrer par centaines de millions en France. Dans certains pays, le varron put être vaincu par des mesures rigoureuses, tels la Norvège, où toute bête contaminée ne pouvait pénétrer dans un abattoir, la Suisse et les États-Unis, où, depuis près de quarante ans, la lutte a été entreprise avec succès. En 1942, un texte de loi instituait un Centre national de lutte contre le varron, situé à Paris, rue Édouard VII, et des commissions départementales se réunirent tous les ans, sous la présidence des préfets, pour fixer les modalités de la campagne à venir.

Une taxe de 0,50 p. 100 sur le prix des peaux en poils est versée par les tanneurs pour alimenter le budget de ce Centre. Son effort principal s'est porté sur la Bretagne, choisie pour sa position en retrait, et, cette année, son champ d’action a été étendu à la Normandie. Des équipes spéciales d'évarronneurs passent dans les communes pour traiter le bétail à l'aide d'une pommade de paradichlorobenzène. Dans les autres régions, des dépôts de cette pommade furent constitués pour être remise gratuitement à toute demande. Une propagande est faite pour inciter les éleveurs à utiliser ce produit, sous le contrôle des services vétérinaires. Il faut reconnaître que les résultats obtenus à l'aide de cette méthode laissent présager que cette lutte sera longue et onéreuse.

Actuellement, en Côte-d'Or, le directeur des services vétérinaires examine les conditions d'expériences de traitement des bovidés par l'hexaclorocyclohexane (H. C. H.) ; des propriétaires affirment avoir empêché ainsi la sortie du varron. Ce produit, qui est toxique général pour tous les insectes, larves, etc., est également toxique par inhalation, mais est inoffensif pour les hommes et les animaux, qui n'en sont nullement incommodés. Il a l'avantage d'être utilisé par saupoudrage, en octobre-novembre, au moment où les bêtes sont en étable, car il agit en même temps par inhalation (forte odeur de moisi). À cette époque, les agriculteurs, moins pris par les travaux de pleine saison, s'intéresseront davantage à son emploi. En liaison avec le directeur des services vétérinaires de la Côte-d'Or, le directeur éminent du Centre national du varron, M. Frisson, suit de très près les expériences actuellement en cours, car sa tâche serait bien simplifiée si les essais étaient concluants.

Une autre arme nouvelle, venue des États-Unis, a donné des résultats remarquables en Amérique du Sud, où le varron était l'ennemi n° 1 des éleveurs. Un dérivé de la térébenthine en réaction avec le chlore donna un produit nouveau : le toxaphène. À la suite d'essais aux États-Unis, le toxaphène prouva son efficacité contre les parasites du bétail. Les laboratoires de la Standard Oil (New-Jersey) combinèrent le toxaphène avec des solvants à base de pétrole, permettant de vaporiser ce produit, qui fut appelé insecticide « Esso A » pour bovins. Après des essais en laboratoire, des expériences en grand furent tentées, sous le contrôle du Dr Laake, entomologiste du ministère de l'Agriculture des États-Unis, dans l'État du Brésil, où le varron ravageait les troupeaux de bovins. Les résultats s'avérèrent remarquables. Les tiques, très nombreuses dans ces régions, étaient foudroyées par un seul traitement, avec une protection efficace pendant cinq semaines. Le varron, vivant sous la peau, qu'il perfore ensuite pour s'échapper, ne peut résister au toxaphène, et des troupeaux traités de cette manière recouvrèrent rapidement la santé. Le toxaphène et l'H. C. H. présentent donc pour l'élevage français des armes efficaces contre ce parasite, avec l'avantage d'une médication réduite à quelques vaporisations ou saupoudrages espacés pendant l'époque de propagation de cet insecte. Nos éleveurs sauront, nous n'en doutons pas, apprécier à leurs justes valeurs ces produits, qui auront leur place dans toute exploitation agricole française. Ajoutons que ces produits, qui sont absorbés par la peau des bovins, ne sont pas toxiques pour l'homme et les animaux.

Emmanuel COTTIN.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 298