Le décret de réforme fiscale n'a apporté aucun changement à
la façon de présenter les réclamations en matière de contributions directes.
Lorsque les contribuables se croient surtaxés, ils peuvent toujours — et,
dans tous les cas, il est préférable d'agir ainsi — faire une visite à
l'inspecteur des contributions directes qui a établi les bases de
l'avertissement. Ils bénéficieront d'un exposé qui leur permettra de contrôler
le bien-fondé de leurs craintes. Ils éviteront, dans bien des cas, de
surcharger les services administratifs par des réclamations vouées à un échec
certain (voir l'adresse de l'inspecteur au dos de chaque feuille d'impôts).
Après les explications reçues, s'ils s'estiment surtaxés
malgré tout, il leur restera le soin de présenter une réclamation par la voie
contentieuse en apportant toutes les preuves à l'appui de leur demande et en
suivant les instructions ci-après. Il faut distinguer les réclamations purement
contentieuses et qui visent l'assiette même de l'impôt, et les demandes en
remises ou modérations, qui reposent sur des événements qui ont atteint les
sources des revenus ou des possibilités de paiement : (Nous examinerons
spécialement les divers cas pouvant donner lieu à des remises ou modérations
d'impôts.)
Réclamation à la mairie.
— Pour les réclamations portant sur des cotes peu
importantes, ou pour des erreurs matérielles, des dégrèvements pour charges de
famille, des éléments d'impositions disparus en cours d'année, etc., les
contribuables peuvent, dans le mois suivant celui de la mise en recouvrement du
rôle, exposer succinctement, sur un registre spécial tenu à la mairie de leur
commune, les motifs de leur réclamation ; récépissé leur en est délivré.
Si l'inspecteur ne prend pas en considération les motifs exposés, il en informe
le contribuable, qui bénéficie d'un nouveau délai d'un mois, à partir de la
date de réception de l'avis de décision (ou du délai normal s'il n'est pas
expiré), pour réclamer à la Direction départementale des contributions
directes.
Réclamation à la Direction départementale des contributions directes.
— La demande motivée doit être déposée (ou adressée) à
la Direction départementale des contributions directes (voir indication au dos
de chaque avertissement), sur papier libre, dans le délai de trois mois suivant
celui de la mise en recouvrement du rôle (voir cette date, première page de
l'avertissement, à gauche en général, ou au-dessus, pour les taxes
proportionnelle et progressive). Il est utile soit de joindre l'avertissement
en cause, soit une copie dudit, ou encore de donner tous les détails dans la
réclamation (année, commune, numéro de l'article, bases de l'imposition
contestée, etc.) ; enfin, il faut motiver la réclamation et, au besoin,
demander le sursis de paiement pour la partie contestée.
Le directeur doit statuer dans les six mois de la date
d'enregistrement de la réclamation à la Direction en donnant, sur un avis de
décision, les motifs du rejet de la réclamation ou en se bornant à accorder le
dégrèvement sollicité s'il n'y a pas de désaccord au fond. En cas de rejet, le
réclamant bénéficie d'un délai d'un mois pour porter le litige devant le
Conseil de préfecture interdépartemental, à compter de la date de réception de l'avis
de décision.
Recours devant le Conseil de préfecture interdépartemental.
— Il doit être produit obligatoirement sur timbre de
dimension, accompagné de toutes les pièces retournées par la direction
comprenant l'avis de décision. Les motifs peuvent être développés, et le
contribuable peut recourir au mode de vérification par voie d'expertise par un
expert désigné par le Conseil de préfecture, ou par trois experts, le
réclamant, l'administration, le Conseil de préfecture désignant chacun l'homme
de l'art qui lui convient. (Le Conseil de préfecture peut ordonner d'office
l'expertise s'il juge cette opération nécessaire.) Dans son recours, le
réclamant peut demander : la communication de son dossier lors du dépôt
des conclusions de l'administration afin de lui permettre de déposer des
observations en réponse, et d'être convoqué à l'audience du Conseil de
préfecture où sera appelée son affaire, afin de développer oralement
(directement ou par avocat) ou par écrit les observations ou conclusions qu'il
a déposées au cours de l'instance. (Les observations et conclusions déposées
par écrit, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, doivent être
libellées obligatoirement sur papier de dimension.)
Statuant soit sur conclusions (conclusions administratives
et de la partie réclamante), soit sur rapport d'experts (le Conseil de
préfecture n'est pas lié par les conclusions du rapport des experts), le
Conseil de préfecture prend une décision qui est notifiée au réclamant par les
soins de la Direction départementale des contributions directes. Si
satisfaction est accordée, l'instance est close ; si, au contraire, le
réclamant estime que la décision ne lui est pas favorable, ou pas assez, il
bénéficie encore d'un délai de deux mois pour introduire un recours au Conseil
d'État.
Recours au Conseil d'État.
— Les recours devant la Haute Assemblée, à part leur
rédaction sur papier de dimension, ne sont soumis à aucune formalité spéciale.
Ils peuvent être présentés sans le concours d'un avocat, adressés ou déposés dans
le délai ci-dessus rappelé. En plus de l'original, le réclamant doit joindre
(en dehors des pièces officielles qui lui ont été retournées) un double de
l'original sur papier libre, signé également. Ce double est destiné à être
transmis à l'administration, qui est ainsi saisie de la nouvelle instance et
qui aura à justifier à nouveau les motifs qu'elle a déjà opposés à l'adoption
des motifs développés par le réclamant, qui, de son côté, devra apporter aussi
toutes solutions justifiant ses prétentions.
Le Conseil d'État, statuant au contentieux, rend sa
décision, qui est notifiée au réclamant par la voie hiérarchique. C'est la fin,
à moins que la décision de la Haute Assemblée puisse être attaquée pour excès
de pouvoir. Dans la plupart des cas, il n'y a qu'à s'incliner. Toute cette
procédure demande, évidemment, plusieurs années, et, à moins que la
contestation porte sur des points importants, il est facile de comprendre que
les réclamants se lassent et, quelquefois, abandonnent tout espoir d'obtenir un
résultat.
Sursis de paiement.
— Les réclamants peuvent demander qu'il soit sursis au
paiement de la partie contestée jusqu'à décision du Conseil de préfecture (les
recours au Conseil d'État ne sont pas suspensifs), en fournissant des garanties
au Trésor. À défaut de la constitution de garanties jugées suffisantes, bien
entendu, par les agents de recouvrement, ces derniers peuvent continuer la
procédure jusqu'à la saisie inclusivement (la vente des objets saisis ne peut
être ordonnée pour la partie contestée dans la réclamation). Après décision du
Conseil de préfecture, à défaut de paiement, les garanties sont réalisées, dans
le cas de rejet de la réclamation évidemment.
En cas de paiement, le montant de dégrèvement est remboursé,
plus les frais s'il y a lieu (voir loi du 27 décembre 1927, articles 10 à
16, concernant le sursis de paiement).
Ernest-Bertin MARILLER.
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