Voici bientôt la saison où les légumes et les fruits frais
vont abonder, et où les ménagères prévoyantes, habitant la campagne ou pouvant
se procurer ces denrées à un prix intéressant, vont penser à faire des conserves.
Mais il est nécessaire de faire ces conserves dans de bonnes
conditions ; sinon elles peuvent donner asile à certains microbes et
peuvent dès lors provoquer des accidents graves, parfois mortels s'il s'agit du
microbe botulinique.
Le bacille botulinique se trouve dans la terre et existe
sous deux formes : une forme allongée, le bacille, qui ne résiste
pas à la cuisson, et une forme sphérique, la spore, possédant une coque
extrêmement résistante, qu'une simple cuisson ne détruit pas. Le bacille vit
dans la terre, les légumes et les fruits en sont souvent contaminés. Ce microbe
est inoffensif lorsqu'il vit sur le sol, en aérobie ; mais, lorsqu'il est
emprisonné dans une conserve, à l'abri de l'air, il devient microbe anaérobie ;
et c'est alors qu'il sécrète une toxine qui peut être mortelle, même à faible
dose. Ce sont particulièrement les conserves dites de ménage qui provoquent
l'empoisonnement par le bacille botulinique ; on ne cuit généralement les
conserves de ménage qu'une fois ; or cette cuisson unique ne détruit pas
les spores. Les conserves industrielles sont généralement cuites deux fois :
une première fois, on laisse une petite ouverture pour que l'air soit chassé au
cours d'une première ébullition ; on ferme cette ouverture avec un point
de soudure lorsque la conserve est encore chaude ; on fait recuire une
seconde fois.
Comment peut-on, en préparant les conserves de ménage,
éviter ces empoisonnements ?
Légumes et fruits que l'on veut mettre en conserves doivent
d'abord être soigneusement nettoyés et la stérilisation, surtout lorsqu'il
s'agit de légumes (petits pois, haricots verts, etc.), doit se faire en deux ou
trois fois, à vingt quatre et quarante-huit heures d'intervalle. Si le microbe
du botulisme s'y trouve, la première fois on tue seulement la forme bacillaire.
Dès que la température de la conserve est redevenue propice pour le
développement des microbes, les spores, qui n'ont pas été attaquées par la
chaleur, se transforment en bacilles, lesquels sont tués à leur tour par la
seconde stérilisation.
Toute conserve suspecte doit être jetée. Elle est suspecte
lorsque, avant d'ouvrir le bocal, on constate la présence de bulles de gaz,
signe de fermentation. Si la boîte est métallique, le couvercle se bombe sous
la pression des gaz. Est suspecte aussi une conserve qui montre une couleur ou
une odeur anormale, notamment une odeur de beurre ou de fromage rance. De même,
si le contenu est défait, réduit en bouillie, la conserve est suspecte. Il ne
faut pas même goûter cette conserve, car de très petites quantités du
poison du botulisme sont dangereuses. Le poison du botulisme, qui provoqua la
mort de quatre personnes dans une famille de Zurich, était si violent qu'un
centimètre cube de sang prélevé à l'un des intoxiqués, le troisième jour, tua
un cobaye auquel on l'avait injecté.
Mais tranquillisons-nous cependant en sachant que la cuisson
détruit le poison botulinique, si on a la précaution de recuire
la conserve (il suffit de porter à l'ébullition et de maintenir à l'ébullition
quelques minutes, ce qu'on fait généralement avant de servir petits pois,
haricots, etc.).
En prenant ces quelques mesures de précaution fort simples,
vous vous mettez à l'abri de tout empoisonnement grave par les conserves.
Actuellement, on trouve d'ailleurs dans le commerce des
bocaux qui permettent de préparer à coup sûr de bonnes conserves. Ils se
composent d'un bocal en verre (il en est de 1 litre, de 1 litre et demi et de 2
litres), couvercle en verre, rondelle en caoutchouc et ressort que l'on met au
moment de faire cuire la conserve, et que l'on peut enlever dans la suite. On
se rend précisément compte que la conserve est bien réussie si, le ressort
enlevé, le couvercle en verre continue de bien adhérer au bocal : on peut
soulever un bocal plein en le tenant uniquement par le couvercle sans que
celui-ci s'enlève. Voici le principe de ces récipients : la paroi entre
bocal et couvercle, contre laquelle on appuie le caoutchouc, est en verre rodé ;
pendant que la conserve chauffe, l'air qui se trouve toujours à l'intérieur du
bocal (dans les aliments eux-mêmes, mais surtout au-dessus, car il ne faut
jamais complètement remplir le bocal) s'échappe, est remplacé dans le bocal par
de la vapeur d'eau provenant de l'aliment mis en conserve. Lorsqu'on sort les
bocaux, cette vapeur se condense, la pression à l’intérieur du bocal devient
inférieure à la pression atmosphérique qui applique le couvercle contre la
rondelle de caoutchouc avec une très grande force, si forte qu'il ne devient
possible d'ouvrir le bocal, lors de l'utilisation de la conserve, qu'en tirant
avec force la petite oreille que la rondelle de caoutchouc porte sur le côté.
On entend alors l'air entrer avec force dans le récipient : une telle
conserve est certainement en bon état.
Voici comment s'y prendre, par exemple, pour conserver des
petits pois :
- 1° Cueillir, égrener aussi rapidement que possible (ne
jamais laisser, par exemple, des grains la veille au soir pour être mis en
bocaux seulement le lendemain) ;
- 2° Jeter les petits pois égrenés dans de l'eau bouillante,
légèrement salée, et laisser sur le feu jusqu'à reprise de l'ébullition ;
- 3° Mettre en bocaux préalablement lavés et rincés à l'eau
bouillie ;
- 4° Ajouter une petite quantité d'un bouillon ainsi préparé :
eau, sel, bouquet de persil, laitue, oignon (à peu près jusqu'à la moitié du
flacon) ;
- 5° Placer la rondelle en caoutchouc, le couvercle, le
ressort ; faire bouillir au bain-marie (il n'est pas utile que l'eau
dépasse de plus de 1 centimètre la partie supérieure des bocaux) pendant trois
quarts d'heure (au début de l'ébullition, on peut voir des bulles s'échapper
des bocaux, c'est normal ; l'air chauffé augmenter de volume, s'échappe
par la fermeture en verre rodé qui n'est pas étanche, qui le devient, seulement
lorsque la pression atmosphérique applique avec force le couvercle contre le
caoutchouc) ;
- 6° Sortir les bocaux de l'eau encore chaude (les placer sur
un linge pour éviter la casse) ;
- 7° Quarante-huit heures après, faire recuire ces mêmes
bocaux, dans les mêmes conditions ;
- 8° Quarante-huit heures après, le refroidissement étant
complet, enlever les ressorts ; essayer si le couvercle est bien adhérent ;
mettre alors la conserve dans un endroit frais ;
- 9° Si le couvercle n'adhère pas bien, remplacer la rondelle
de caoutchouc, refermer avec le ressort ; faire cuire une troisième fois
pendant trois quarts d'heure. Le surlendemain, le couvercle doit adhérer. S'il
n'adhère pas, c'est vraisemblablement un défaut du bocal. Ne pas insister,
manger tout de suite les petits pois (mais ceci est très rare, les bocaux étant
tous essayés et étant vendus, en général, le couvercle adhérant encore après
essai).
A. PEYREFITTE.
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