L'origine des armoiries est extrêmement ancienne, encore
qu'il ne faille tenir aucun compte de ce que peintres et sculpteurs de la
Renaissance en aient octroyé aux représentations d'Adam et d'Ève.
L'héraldisme, ou science des armoiries, en cette année 1950
n'est aucunement oubliée, et elle fait l'objet de cours et conférences en
l'École des Chartes de Paris. Ses adeptes ont une société réunissant à la fois
des membres de la noblesse, des archivistes, des paléographes, des chartistes,
des savants, et même de simples curieux amoureux du beau passé de la France.
Il faut en effet distinguer les titres nobiliaires de
ceux héraldiques. Or, si depuis la Révolution la noblesse n'a existé que
temporairement au hasard des restaurations, les IIIe et IVe
Républiques ont conservé les droits aux titres, et même autorisé leur
homologation par un droit de chancellerie de 100.000 francs. En ce qui concerne
les blasons, ceux-ci sont totalement libres, et tout un chacun peut s'en
confectionner un, ou mieux s'en faire créer un par un spécialiste, au même
titre qu'il peut adopter un surnom ou un pseudonyme. L'usage d'un blason est
formellement libre, licite, et relève uniquement, en droit, du domaine privé.
Le blason n'est autre que l'ancien bouclier, qui remonte aux
Grecs et Égyptiens et servait à protéger le corps aux combats.
Sous Charlemagne, la protection du chevalier n'était que
très partielle par le heaume et la cotte de mailles, car l'armement, avec l’épée,
la lance, l'arc, le carquois, le poignard, demandait une grande liberté de
mouvement. C'est au bouclier, porté au bras gauche, qu'incombait la tâche
d'assurer la défense complémentaire.
Déjà sous Rome, puis avec les Mérovingiens, le bouclier
représentait une formule de ralliement, car il n'y avait pas un uniforme des
soldats. C'était le bouclier, peint selon les armes de son chef de groupe, qui
autorisait une reconnaissance des hommes.
Plus tard, quand joutes et tournois eurent la faveur des
divertissements des châtelains, les adversaires peignirent ou entaillèrent
richement leurs écus, ou boucliers, pour pouvoir être distingués sous les
armures identiques et anonymes.
Mais on peut dire que c'est de l'époque de Charlemagne, vers
800, que datent les premiers blasons. Les décors proviennent de ce que les boucliers
en métal devaient être peints pour éviter l'éblouissement par le soleil, ou
que, faits d'une ossature en bois, ils étaient recouverts de peaux fraîches de
bêtes pour éviter le feu.
Nombre des décorations ont été prises aux Arabes lors des
croisades, en particulier les couleurs rouge (de gueules), vert (de sinople),
bleu (d'azur).
En 1230, on généralisa les marques du blason en les
reproduisant sur les costumes, les armes, les plaques de cheminées, les clefs
de voûte, les porches, les cloches, les vitraux, les tentures, les tombeaux.
Quand, au XVe siècle, l'armure décline et que le
bouclier disparaît comme arme défensive, le blason purement héraldique connaît
son maximum de faveur.
Devant cette faveur croissante, les rois se virent dans
l'obligation de créer une sorte de conseil de discipline de l'héraldisme. Le
héraut d'armes, après avoir été un simple valet ouvrant les portes du lieu de
tournoi et annonçant les joutes, finit par être recruté exclusivement dans la
chevalerie et eut pour charge de surveiller les « rédactions » d'écus.
Pour apaiser les conflits de possession, on créa même des juges d'armes et
enfin, auprès de chaque province et à la cour royale, il y eut un Roy d'Armes,
souverain en la matière. C'était lui qui était chargé des cérémonies d'intronisation
ou de couronnement quand les armes de blason étaient attribuées par le souverain
en personne, comme des enquêtes dans les autres cas. Tous les trois ans, les roys
d'armes de toute la France se réunissaient pour unifier les questions pendantes.
Dès le XIIe siècle, tous les seigneurs eurent leurs
blasons, par suite de la diffusion des actes écrits et revêtus d'un sceau. Cet
usage s'accrut et on assista de plus en plus à la confection d'écus, même chez
les non-nobles, car dès cette époque l'établissement des blasons était libre et
licite au même titre que l’adoption d'une devise.
Au XIVe siècle, le nom et les armoiries sont
assimilés et restent formellement distincts des titres nobiliaires.
Cependant l'usage fit que des règles s'établirent.
Les marques d'honneurs, de terre, d'hospices, de châteaux,
de ville ne pouvaient être accordées que par le Roi. Mais, si le seigneur
possédait plusieurs terres, il pouvait avoir tout un jeu d'écussons
correspondants.
Cependant, c'était là un droit patrimonial, relevant de
l'autorité extrêmement stricte du père de famille. Les enfants, du vivant de
leur père, ajoutaient à ses armes un indicatif dit « brisure ». Les
filles ne portaient que rarement un blason du fait de l'impossibilité de le
transmettre par leurs futurs mariages. Cependant, en Flandre, elles mettaient
un écu « vide » aux côtés de celui de leur père. Au XVIe
siècle, la veuve conservait le blason du défunt mari et l'entourait d'une
cordelière. L'abandon, d'un blason ou une dégradation infamante entraînait la « diffamation
du blason », qu'il ne faut pas confondre avec la destitution du titre de
noblesse nommée « dérogation ».
Il est très curieux de constater que depuis quelques années,
et à mesure que la démocratisation républicaine se généralise, on assiste de
plus en plus à la création de blasons privés, que la mode fait monter en bagues
et chevalières ou cachets.
C'est parfaitement légal, car le blason n'indique ni
dignité, ni titre, ni noblesse, et toute personne peut, et même devrait, se
composer des armoiries rappelant des événements particuliers de sa vie
publique.
Louis XIII créa les premiers juges et roys d'armes, et le
nom des d'Hozier est célèbre, car le titre resta dans cette famille jusqu'à la
révolution de 1789.
Aujourd'hui, l'École des Chartes crée d'érudits paléographes
connaissant l'histoire et l'héraldisme et parfaitement propres à confectionner
des blasons.
Janine CACCIAGUERRA.
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