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Mariage des ailes et de la voilure tournante

Les avions convertibles

L'on sait la place importante qu'ont pris les hélicoptères, depuis la fin de la dernière guerre, dans le domaine aéronautique. Ces derniers sont maintenant construits en grande série en Amérique, et les procédés modernes employés par les agriculteurs de cette nation offrent aux constructeurs un gros débouché commercial. Saupoudrage d'insecticides, diffusion de brouillard artificiel contre la gelée, ventilation des arbres fruitiers après la pluie, liaison postale de ville à ville, tels sont les travaux auxquels sont employés les hélicoptères, soit en Amérique sur une très grande échelle, soit en France à une échelle très réduite, dans le Nord et l'Île-de-France.

Le 1er juin prochain, une compagnie anglaise inaugurera le premier service régulier de passagers par l'hélicoptère entre Cardiff et Liverpool. En Amérique, une compagnie aérienne a sollicité l'autorisation de créer une ligne pour passagers, comparable à une ligne d'autobus, et qui reliera la banlieue new-yorkaise au centre des affaires.

L'avion convertible.

— Cependant, malgré les innombrables avantages qu'offre l'hélicoptère sur l'avion : décollage et atterrissage dans un espace sensiblement égal au diamètre de sa voilure tournante, immobilisation en vol, etc., il semble que son utilisation en soit limitée aux travaux cités du fait de sa vitesse de croisière, qui ne dépasse guère 160 kilomètres à l'heure.

Il est encore trop tôt pour pouvoir juger ce qu'apportera l'hélicoptère à réaction dont les essais — ceux de l'« Ariel » en France — se poursuivent actuellement avec un certain succès. Il ne semble pas cependant, actuellement, que cet appareil à réaction apporte une révolution dans le domaine de la vitesse. C'est pourquoi les plus fameux ingénieurs spécialisés dans la construction d'hélicoptères dirigent une partie de leurs efforts et recherches vers des machines volantes utilisables à la fois comme hélicoptères et comme avions. Ces avions « convertibles » utiliseraient les qualités des uns et des autres et en élimineraient les inconvénients.

Le problème est ardu à résoudre ; dès 1938, certains projets avaient pris naissance : je citerai ceux de l'ingénieur français Louis de Monge et celui de l'Américain Lawrence Lepage. Ces projets, devant les difficultés de réalisation et le manque de crédit, restèrent dans leurs cartons.

Une réalisation qui déjà volerait.

— Cependant, certaines révélations permettent de croire qu'un avion convertible, un « convertaplane », volerait déjà en Allemagne, en zone soviétique, et qu'il serait le fruit des études et travaux d'ingénieurs allemands entrepris dès avant la guerre de 1939.

Caractéristiques de l'appareil.

— Un document photographique présentait cet appareil au cours de son appontage sur un navire. Ses grandes lignes et caractéristiques semblaient d'ailleurs avoir beaucoup de points de similitude avec les projets que nous citons plus haut : avion de transport classique à première vue, bimoteur, chaque moteur et son hélice se trouvant en extrémité d'aile. Ces moteurs y sont fixés grâce à des « nacelles » munies d'un système mécanique leur permettant de pivoter autour d'un axe transversal. Cependant, sur l'appareil germano-soviétique, ce sont les ailes qui pivoteraient à leur mi-longueur.

Ainsi au décollage, à l'atterrissage, grâce à une commande, les moteurs et bouts d'ailes seraient mis en position verticale et les hélices travailleraient en position horizontale, l'avion devenant ainsi un hélicoptère. En vol de croisière, moteurs et hélices reprennent leurs positions normales, transformant la machine volante en avion classique, à vitesse élevée. Je regrette de ne pouvoir donner aucune idée des performances qui seraient réalisées par cet appareil.

Appareils américains.

— En Amérique, les très nombreux ingénieurs s'intéressant aux avions convertibles viennent de se réunir en congrès, où divers projets, études et maquettes furent présentés.

Quelques-uns s'apparentent à la formule déjà décrite ; sur d'autres maquettes, le rotor s'éclipse dans le fuselage. M. Gérard P. Hewik présenta la maquette d'un appareil qui aurait, paraît-il, déjà volé ; il se caractérise par l'adaptation de pulso-réacteurs aux extrémités d'un rotor de grand diamètre au-dessus de la cabine, ce dernier pouvant se bloquer en vol et se transformer ainsi en aile normale après le décollage. Sa Vitesse atteindrait 380 kilomètres à l'heure. Un autre ingénieur annonça qu'il avait en cours de montage un avion convertible dans les ateliers de sa firme, mais qu'il ne pouvait donner aucun détail avant les prochains essais de cet appareil.

Tous les ingénieurs ont souligné les énormes difficultés de réalisation qu'ils rencontraient, mais ils affirment avec force leur confiance dans leurs nouvelles conceptions de machines à voilures tournantes.

En France, il est probable que de nouveaux et séduisants projets pourraient voir le jour si leurs inventeurs trouvaient les concours financiers nécessaires. Hélas ! nous sommes toujours pauvres et l'époque des « mécènes » est disparue ...

Maurice DESSAGNE.

Le Chasseur Français N°639 Mai 1950 Page 316