Tous les biologistes de la vie animale, tous les
spécialistes de la faune française sont unanimes à constater que le chat
sauvage disparaît. Or il n'est que de lire les rubriques communales des
journaux de province pour constater la destruction d'un nombre considérable de
chats sauvages ! Une mise au point s'impose. Le vrai chat sauvage
disparaît réellement, mais les rédacteurs des comptes rendus des sociétés de
chasse ont tôt fait de baptiser « chat sauvage » tout chat qui a été
tué ou pris au bois. Quatre-vingt-dix pour cent ignorent que le chat sauvage a
son standard nettement défini, et qui le différencie du domestique. Ils
ignorent en résumé que l'on a admis trois classes de chats :
1° Le domestique ;
2° Le domestique redevenu partiellement ou totalement à la vie errante
et à qui on a donné le nom de haret ;
3° Le vrai chat saunage.
De la première et de la deuxième classe, rien à signaler,
ils sont identiques et trop connus pour insister. Pour la troisième classe,
celle du vrai chat sauvage, voici les caractéristiques qui peuvent permettre de
le déterminer :
a. Mensurations.
— La longueur, tête et corps, varie de 50 à 70
centimètres ; la longueur de la queue, de 20 à 30 centimètres. C'est le
rapport entre la longueur de la queue et la longueur totale qui frappe à
première vue. La queue du chat sauvage n'arrivant pas au tiers de la
longueur totale de l’animal, alors que, pour le chat domestique, elle
atteint presque la moitié de celle-ci.
b. Poids.
— Le chat sauvage atteint de 4 à 7 kilogrammes et
beaucoup plus. Des poids de 8, 10, 11, 14 kilogrammes ont été homologués.
En regard, un gros matou domestique arrive à 4kg,500, et pas tous !
c. Formes.
— Le chat sauvage diffère du domestique par les points
suivants : il est plus charpenté et offre des membres plus élevés que le
domestique. Sa queue est en forme de massue, mince à la racine, touffue
au bout.
Pelage.
— Le fond du pelage est gris plus ou moins foncé,
tirant sur l'ocre jaune pour les femelles. Le ventre est plus clair (blanc gris
ou ocre jaune lavé). La gorge présente une tache claire très visible. Parmi les
dessins qu'offre la peau, on doit noter comme signes de l'espèce :
— quatre raies noires parallèles sur le crâne et la
nuque ;
— une raie dorsale ininterrompue et foncée ;
— six anneaux foncés à la queue, dont les quatre
premiers parfois moins marqués (en partant de la racine de la queue) et les
deux derniers très marqués. La queue se termine ensuite par un bout noir de 7
centimètres en massue touffue ;
— un dessin en Y couché extérieur aux yeux ;
— des talons noirs ;
— une bande peu marquée allant d'une épaule à l'autre.
Tous les autres dessins : bandes ou taches, peuvent
prendre toutes les formes : bracelets autour des pattes, mouchetures des
flancs, etc.
Les moustaches sont raides et très fournies. Le nez est
couleur chair.
La fourrure est toujours très épaisse et bien fournie ;
c'est le cas général pour tous les animaux vivant au grand air en toutes
saisons.
À noter que le chat sauvage de Corse est plus petit, très
foncé, avec une queue mince.
Examen du crâne dépouillé de ses chairs.
— Trois différences sont à noter :
La taille beaucoup plus forte des canines du chat sauvage.
Si l'on examine la cavité de l'orbite, on remarque qu'elle
est presque entièrement fermée chez le chat sauvage, alors qu'elle offre
un intervalle de 1 centimètre environ à l'extérieur pour le chat domestique (espace
entre les apophyses orbitaires du frontal et du jugal).
Si l'on examine la face inférieure du crâne, à la voûte du
palais derrière les incisives, on constate que les deux trous (canal naso-palatin)
visibles sont aussi larges que hauts chez le chat sauvage, alors qu'ils
sont trois fois plus longs que larges chez le chat domestique.
Tels sont les signes particuliers du vrai « chat
sauvage ». Ces signes doivent être pris dans l'ensemble et non en
particulier, car, parmi les chats domestiques, on retrouve certains de ces
caractères, tels que : nez couleur chair, tache blanche sur la gorge,
pattes noires jusqu'au talon, etc.
Quant aux questions d'habitat, le vrai chat sauvage est
l'hôte des gros massifs forestiers, particulièrement de ceux qui offrent des
ravins ou des failles rocheuses. Que le chat domestique se donne des allures de
chat sauvage quand il tourne mal et prend titre de haret, la chose est
classique ; on le trouve alors dans un terrier en compagnie bizarre, avec
des blaireaux par exemple, ou seul, ou en famille dans un vieux terrier de
renard dans une carrière. Haret ou sauvage, leur capture est aisée aux pièges,
et leur destruction beaucoup plus importante que celle du blaireau par exemple.
Essentiellement carnivores, leur embonpoint et la couche de graisse que j'ai
toujours constatée à mes captures tend à prouver qu'ils ne connaissent jamais
de restrictions.
Ce court exposé fera sans doute diminuer le nombre de chats
sauvages et augmenter celui des chats harets, si toutefois la routine ne s'y
oppose pas et si les gardes veulent bien répandre la bonne parole auprès des
rédacteurs locaux des journaux de province ou des sociétés de chasse qui les
emploient.
A. CHAIGNEAU.
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