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Causerie vétérinaire

L'aggravée

Tous les chasseurs connaissent, au moins pour en avoir entendu parler, cette affection du pied, chez le chien, qu'on désigne sous le nom d'aggravée. Elle est le résultat de l'inflammation des tubercules élastiques qui garnissent la face inférieure des phalanges et qui a été provoquée par de longues courses sur un sol pierreux, dans les champs labourés, ou encore sur ceux hérissés de chaumes desséchés. Les chiens y sont surtout exposés pendant les chaleurs de l'été, quand le soleil est ardent et le terrain surchauffé, ainsi qu'on a pu le constater durant l'automne de 1949, pendant lequel nous avons reçu plusieurs demandes de renseignements concernant cette maladie.

Quelques brèves notions anatomiques nous paraissent utiles. Les tubercules élastiques, qui constituent l'extrémité des doigts, étant pourvus d'un appareil vasculaire et nerveux remarquablement développé, remplissent le double office d'appareil du toucher grâce à la sensibilité tactile qu'elle doit au développement de ses papilles, et d'organe sécréteur de la couche épidermique, épaisse et de consistance presque cornée, qui lui sert de plastron protecteur. Ce revêtement épidermique est creusé à sa surface profonde d'une multitude de petites cavités destinées à loger, comme autant d'étuis, les processus papillaires de la peau ; et, à sa face externe, il offre un aspect chagriné qui n'est que la répétition en relief de la disposition qu'elle présente en creux du côté des parties vives.

Dans les conditions ordinaires, l'activité de la sécrétion kératogène de la membrane enveloppante des tubercules plantaires fait équilibre aux déperditions causées par les frottements de la marche, et les papilles de cette membrane sont toujours à l'abri d'un contact trop immédiat avec les corps extérieurs. Mais, lorsque les chiens sont forcés par des courses prolongées ou trop souvent répétées, alors la couche épidermique des tubercules s'use plus vite qu'elle ne se répare, et leur membrane de revêtement, privée de sa protection, s'irrite et s'enflamme avec d'autant plus de rapidité que son organisation plus parfaite la rend plus sensible à l'action irritante des corps dont elle subit directement le contact.

La maladie ou l'inflammation qui constitue l'aggravée présente différents degrés. À un premier degré, l'épiderme est seulement un peu aminci et les ongles un peu usés. L'animal commence alors à se montrer un peu sensible sur les pieds, mais pas au point de ne pouvoir marcher. Emporté par l'ardeur de la chasse, le chien courant, notamment, ne paraît même rien ressentir tant qu'il est en action ; ce n'est qu'au moment où il est arrêté qu'on peut reconnaître qu'il commence à souffrir. Il se couche dès qu'il en trouve le moment et repart avec moins de vivacité ; en mouvement, son allure est moins vive et moins dégagée. L'état général n'accuse ni fièvre, ni perte d'appétit.

Pour le deuxième degré, l'aggravée se manifeste par l'exagération de ces premiers symptômes : les animaux restent constamment couchés, insensibles aux excitations auxquelles ils obéissent d'habitude. S'ils sont forcés à marcher, ils ne le font qu'avec hésitation et lenteur, se laissant retomber sur le sol dès qu'on les perd de vue ou que, souffrants, ils se trouvent dans l'impossibilité de suivre la chasse.

Si l'on examine les pattes, on les trouve tuméfiées depuis leur extrémité terminale jusqu'à une certaine hauteur au-dessus des doigts, chaudes, douloureuses, rouges ; l'épiderme des tubercules, réduit à une mince pellicule, laisse voir, à travers sa transparence, la couleur rouge des tissus immédiatement au-dessous, les ongles sont à moitié usés et semblent comme redressés quand l'animal prend de l'appui. Enfin l'état général laisse à désirer : les malades recherchent les boissons froides, sont fiévreux et l'inappétence est presque complète.

Le troisième degré se trahit, extérieurement, par un état de prostration, l'épiderme des pattes est usé jusqu'au vif, et le chien pousse des plaintes ou des cris quand on le force à se déplacer.

Parfois des complications surviennent : abcès dans la substance du tubercule central, chute des ongles, fistules des phalanges pouvant se terminer par de la carie, d'où une irrégularité dans la marche rendant l'animal impropre à tout service.

Traitement.

— Il doit être préventif et médical. Lorsque le chien doit chasser longtemps sur un terrain dur, sec, sablonneux, il est utile de durcir la face plantaire par des bains astringents de sulfate de fer ou de cuivre à 1 ou 2 p. 100, ou de tan d'écorce de chêne, de feuilles de noyer, etc.

Si la maladie est déclarée, le repos de rigueur est le point important. On a recours ensuite à des cataplasmes émollients de farine de lin, de mauve hachée, ayant pour but de calmer l'inflammation. Ces médicaments n'ont qu'un emploi de deux à trois jours et doivent être remplacés par des bains dans :

Extrait de saturne
Lysol
Eau froide
10 grammes.
10 grammes.
1/2 litre.

ou par ceux qui ont été indiqués ci-dessus comme mesures préventives.

Après les bains, qui dureront au moins un quart d'heure, on fera un pansement avec de la charpie ou des étoupes fines recouvertes d'une légère couche de vaseline cocaïnée ou une pommade à l'iodoforme. Les abcès doivent être ouverts en temps et lieu. Lorsqu'il y a décollement de la peau ou carie, il convient de recourir aux soins d'un de mes confrères, qui débridera les fistules ou y fera des injections de liqueur de Villatte, de dissolution de sublimé ou de sulfate de cuivre, suivant la nature des lésions observées.

Pour maintenir les pansements ci-dessus et même pour utiliser l'animal qui n'a qu'une aggravée commençante, peu grave, employer un petit bas de cuir ou de toile cirée. Les Anglais, hommes pratiques, vont jusqu'à faire mouler de véritables petites bottes en caoutchouc ayant absolument la forme du pied du chien auquel on les destine.

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°640 Juin 1950 Page 340