Le « Bar » est un dériveur à cabine destiné aux
croisières côtières et pouvant recevoir quatre équipiers. D'une longueur totale
de 8m,20 pour une largeur de 2m,60, il n'a que 0m,60
de tirant d'eau, dérive haute, ce qui lui laisse accessibles les plus petits
ports et abris. La dérive abaissée donne un tirant d'eau de 1m,35,
ce qui va permettre, ajouté à un lest de 220 kilogrammes, de porter une
trentaine de mètres carrés de voilure, faisant du « Bar » un voilier
bon marcheur.
La construction angulaire a, on le sait, l'avantage de
réduire le nombre d'heures de travail et, en conséquence, le prix de revient.
Mais certains amateurs reprochent à ces angles vifs de donner un aspect « caisse »
à la carène. L'architecte a concilié ici le pratique avec l'esthétique, en
donnant aux flancs du bateau l'arrondi habituel au-dessus de la flottaison,
c'est-à-dire dans la partie visible de la carène.
L'harmonie des lignes, l'élégance de l'arrière pointu cher
aux Norvégiens, le dessin caractéristique des hublots, tout cela porte la
marque d'un des plus célèbres architectes navals actuels, M. E. Cornu, dont les
créations fameuses suscitent toujours dans le monde du yachting le plus vif
intérêt. Son « Caneton » s'est couvert de gloire ... et il
continue ; son « Bélouga » (1) a été adopté par les Anglais— et,
pour qui connaît les yachtsmen britanniques, ce n'est pas là une mince
référence ; son « Typhon », dont j'espère vous entretenir
bientôt, fait rêver tous les amateurs de croisière ... et j'en passe.
Remarquablement dessinées, ces unités ont toujours montré des qualités marines
exceptionnelles en même temps qu'une harmonie des lignes hautement appréciée
par les connaisseurs. À cela s'ajoute une conception moderne du confort qui
donne dans les plus petites séries des bateaux plus agréables à habiter que la
plupart des yachts anciens de dimensions similaires ou même supérieures.
Le « Bar » est, en fait, un super-Bélouga. Il
comporte les aménagements habituels : poste à l'avant avec deux cadres-couchettes ;
accès sur le pont. En arrière du mât, cabine avec deux banquettes-couchettes,
cuisine et lavabos. Le puits de dérive est le classique support de la table
centrale dans la cabine, et sous le cockpit prend place un petit moteur à
essence de 5 CV. Le gréement est extrêmement simple et ne comporte aucune voile
de grande surface, et c'est là l'essentiel. Ce qui rend en effet la manœuvre
difficile, surtout en cas de mauvais temps, ce n'est pas la complication
apparente due au nombre parfois élevé des voiles, comme le pensent certains
débutants, mais la grande surface d'une voile qu'il est parfois impossible à un
homme seul de maîtriser, surtout quand on s'est laissé surprendre par le vent
sans prendre les ris d'usage. C'est là l'argument des défenseurs des gréements
de yawl et de ketch. Mais il ne saurait être question de ces voilures dans les
yachts au-dessous de 10 mètres, bien que la chose soit controversée. Il semble
bien plus simple, quand on veut éviter un deuxième mât lorsque le bateau croît
en tonnage, de diviser la voilure en prévoyant deux voiles avant : foc et
trinquette (alors que pour le « Bar » un foc suffit) et en reculant
le mât vers le milieu de yacht, ce qui présente l'avantage d'un haubanage plus
solide et d'une réduction de surface de la grand'voile.
L'amateur peut choisir ici entre le houari et le marconi,
suivant le régime des vents dans les parages fréquentés, la destination du
bateau et ses goûts personnels. Avec le type houari, on a la répartition
suivante :
Grand'voile Foc n° 1 Foc n° 2 Foc de Gênes |
20,80 m2. 8,20 — 6,10 — 14,50 — |
La voilure bermudienne se décompose ainsi :
Grand'voile Foc n° 1 Foc n° 2 Foc de Gênes |
20,35 m2. 8,65 — 6,29 — 15 — |
De nombreux « Bars » apparaissent un peu partout
sur nos côtes. D'autres sont en chantier ou font leur toilette de printemps.
Si ce nouveau monotype connaît le même succès que ses frères
aînés, les « Bélouga », « Caneton », « Typhon »,
etc., nous ne pourrons contester à leur commun créateur le droit d'ajouter à sa
référence d'architecte naval celle de ... père de familles nombreuses.
A. PIERRE.
(l) Voir Le Chasseur Français d'avril-mai 1947 :
« Le Bélouga ».
|