Accueil  > Années 1950  > N°640 Juin 1950  > Page 358 Tous droits réservés

Les pierres sont bonnes pour le jardin

« Jeter des pierres dans son propre jardin » passe communément pour un acte de folie. Mais il vaudrait mieux retourner le proverbe, car de nombreux jardiniers, après avoir pendant des années coltiné les pierres hors de leurs jardins, commencent à trouver que, convenablement employées sur un terrain, les pierres peuvent le faire fructifier comme il ne l'a jamais fait auparavant.

Le stone-mulching (1) comme méthode pratique de jardinage est chose relativement nouvelle. Cependant, depuis des centaines et des centaines d'années, les jardiniers et les fermiers le pratiquent inconsciemment quand, ramassant les pierres indésirables de leur champ, ils les jettent le long des bordures, là où des haies se trouvent déjà ou pousseront plus tard. Et ils ne s'étonnent pas de la luxuriante croissance des arbres et des buissons qui en résulte, pas plus qu'ils ne s'en demandent la cause.

Nous avons pu faire l'expérience personnelle de cette aventure avec un petit bouquet d'arbres où nous avions jeté d'innombrables pierres provenant de notre jardin. Nous avions remarqué, non sans quelque surprise, que les arbres de ce bouquet croissaient beaucoup plus vigoureusement que les autres arbres de la même espèce placés ailleurs dans notre propriété. Mais nous n'avions attaché à ce fait aucune signification particulière.

Plus tard, nous entendîmes parler de stone-mulching dans des jardins potagers ou d'agrément. Nous fîmes alors quelques timides essais à la fois dans un jardin et dans un verger.

Par exemple, nous couvrîmes de grosses pierres l'espace entre deux rangs de petits pois après avoir amendé, travaillé et ensemencé le sol de la manière ordinaire. Quelques semaines plus tard, les petits pois aux endroits garnis de pierres étaient deux fois plus forts que leurs voisins non mulchés, quoique semés le même jour, dans des conditions identiques et ayant fait l'objet des mêmes soins.

Autour de nos arbres fruitiers, nous étalâmes 5 centimètres de compost sur tout l'espace couvert par les branches ; nous recouvrîmes ce compost de paille et disposâmes des pierres sur tout le dessus de la paille, en laissant un espace vide d'une dizaine de centimètres tout autour du tronc. Nous nous servîmes de grosses pierres, se touchant bien, de manière à empêcher la croissance des mauvaises herbes qui pourraient se nourrir aux dépens des arbres.

L'année suivante, les arbres étaient d'une extraordinaire vigueur et, soit dit en passant, n'avaient aucunement souffert des ravages dus aux chenilles arpenteuses, quoiqu'ils n'eussent pas été traités.

Bien sûr, il n'y a pas de miracle dans les pierres, malgré les résultats miraculeux qu'elles semblent donner au jardin et au verger. Ramassez une grosse pierre dans un buisson ou dans un champ, et il y a de grandes chances que vous trouviez des vers de terre dans le sol au-dessous, et il y a des chances que la terre y reste humide, même dans une période de sécheresse.

Les vers sont sans doute aussi attirés par la chaleur émise par la pierre, et tout ce qui attire les vers est bon pour le jardin, car il est prouvé que les vers sont les plus grands constructeurs naturels du sol.

En même temps, la pierre protège le sol du soleil et du vent, qui tous deux accroissent l'évaporation et dessèchent la terre.

L'utilité des pierres, qui absorbent la chaleur du soleil pendant le jour et la restituent pendant la nuit, est démontrée par la manière dont elles conditionnent le milieu environnant. Quiconque s'est assis sur une grosse pierre dans la fraîcheur du soir après une journée de chaud soleil pourra témoigner de ce rayonnement nocturne de chaleur émis par la pierre. Ce phénomène a sauvé mainte plantation des effets désastreux de gelées tardives ou précoces.

En outre, celui qui stone-mulche son jardin rend service à son dos aussi bien qu'à ses plantations, car, ce faisant, il s'évite les travaux de culture et de désherbage qui seraient nécessaires autrement. De plus, on peut marcher après la pluie dans un jardin stone-mulché sans tasser le sol et sans se salir de boue.

Chez nous, le stone-mulching est devenu une règle impérative du jardinage. Peut-être voudrez-vous l'essayer vous-même ?

D'après Alden STAHR,

de The American Home.
Traduit par H.-J. RUYSSEN.

(1) Le mot anglais mulching désigne l'opération qui consiste à étaler sur le sol une couche de fumier, de compost, de paille pourrie ou de feuilles sèches, soit pour enrichir la terre, soit pour protéger les racines des arbres des effets da la chaleur ou de la gelée.

Le stone-mulching consiste à pratiquer cette opération arec des pierres (stones). Nous avons gardé ce vocable faute d'un terme français équivalent. Nous proposons, de même, le verbe mulcher ou stone-mulcher.

Le Chasseur Français N°640 Juin 1950 Page 358