— Le cerisier redoute l'humidité, et c'est fâcheux pour
l'amateur qui est obligé d'y renoncer, son terrain ne s'y prêtant pas. Je suis
dans ce cas ; ma propriété est sise dans le delta Rhône et Durance,
terrain compact à tendance humide exposé aux fréquentes inondations, j'ai
essayé quand même ; j'ai planté des cerisiers sur porte-greffes courants
Sainte-Lucie merisier, mais après chaque crue du Rhône je les ai vus
disparaître les uns après les autres. Natif d'un pays de coteaux, j'avais
remarqué, étant jeune, quand, faute de cerises, j'étais à la recherche de
griottes, que le griottier, toujours vigoureux au bord d'un ruisseau, au fond
d'un ravin où coule toujours, malgré la sécheresse, un mince filet d'eau,
restait rabougri quand les drageons s'allongeaient vers le terrain sec ;
ce souvenir donna l'idée, il y a vingt-cinq ans environ, de planter quelques
sujets dans ma propriété actuelle ; j'étais curieux de voir comment
allaient se comporter mes griottiers. Le résultat a été concluant : ni les
inondations de l'hiver 1935-1936, où la nappe d'eau dépassait deux mètres, ni
celles de juin 1941, plus désastreuses encore pour les arbres fruitiers en
pleine sève, n'ont eu de fâcheux résultat ; toujours verts, pas de
feuilles jaunes, aucune trace de gomme, ce sont des arbres actuellement en
pleine force qui produisent beaucoup. Poursuivant l'expérience, j'ai greffé il
y a dix ans sur un drageon griottier mon premier cerisier, un deuxième en 1940.
Les inondations de juin 1941 (40 centimètres d'eau pendant dix jours) et
l'humidité excessive qui s'en est suivie pendant plus d'un mois n'ont causé
aucun tort à mes deux cerisiers ; très vigoureux, ils commencent à donner
une récolte appréciable.
Les résultats définitifs en arboriculture portent souvent
sur un temps assez long et on ne peut être affirmatif trop tôt. Comment vont se
comporter mes cerisiers à de nouvelles inondations en perspective ?
L'humidité en aura-t-elle finalement raison, ou seront-ils garantis pour la
durée normale d'un arbre par le porte-greffe ? L'avenir me l'apprendra, ou
à mes successeurs.
BAUDRAN,
abonné.
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