Le tir au marais est un tir très spécial. Et pour
quelles raisons ? La variété très nombreuse d'oiseaux et leur comportement
à l'approche ou à la passée : bécassines, colverts, sarcelles, judelles,
milouins, siffleurs, vanneaux, râles d'eau et tant d'autres. À chaque oiseau sa
vitesse et les pratiques de son vol. Au départ, le colvert monte, en opposition
avec le vol du milouin, qui bat l'eau en la brassant bruyamment ; la
maligne sarcelle monte au départ ; la bécassine, oiseau original, part en
zigzaguant, éprouvant les jeunes tireurs, voire même parfois les vieux bien
avertis. Toutes les variétés si spéciales du tir au marais sont doublées d'une
difficulté particulière : l'appréciation des distances au milieu des
grands espaces démunis de point de repère. Il en est de même pour le tir en mer ...
La marche au marais, bien souvent, est incertaine et dérègle
le tir. Ne vous est-il pas arrivé de voir une bécassine se lever à l'instant
même où votre pied confiant s'enfonce dans une profonde tourbière, augmentant
de beaucoup les difficultés du tir ? Tout cela fait partie des conditions
de l'envol et de l'adresse de chaque tireur. Suivant vos yeux, vous tirerez
bien par temps clair, alors qu'un autre chasseur tirera bien par temps brumeux.
En bateau, un chasseur à l'écoute est alerté par l'envol,
même léger, d'un oiseau. Son oreille perçoit le moindre bruit : il tire là
où il faut tirer. Un autre tireur dont l'oreille est plus dure portera trop
tard son attention sur l'envol ... Dix ou vingt mètres de retard sont bien
souvent, dans le tir, un sérieux handicap.
Le rôle des réflexes est essentiel.
Pour viser, agir rapidement, prendre l'oiseau en arrière, avancer
avec souplesse le bras gauche, plus ou moins suivant la vitesse de l'oiseau et
son éloignement, lâcher le coup de feu en évitant le coup de doigt. Tout cela
est coordonné, le réflexe doit jouer son rôle sans énervement, quoique avec
prestesse. Je pense, depuis bien longtemps que, pour arriver à l'automatisme
dans le tir, il est une condition essentielle : le fusil doit être à la
conformation du tireur, il doit tomber automatiquement sur le gibier et avec
l'avance nécessaire. Faites vérifier vos mesures tous les ans à l'aide du fusil
conformateur : avantage, pente, crosse. Le bois surtout au marais peut
jouer. Quand l'harmonie entre le fusil et le tireur est obtenue, soyez heureux.
Baissez-vous bien, voici une bande de sarcelles qui, à
grande allure, arrive du fond de la mare. Attaquez-les à 60 ou 70 mètres. Leur
vol est brisé, elles se cabrent et montent ; choisissez une pièce, tirez à
10 centimètres au-dessus : elle tombe ; du deuxième coup, sans vous
presser, tirez la dernière sarcelle, qui complète votre doublé ...
Une belle bande de siffleurs va se poser : elle se
présente bien rasante et groupée sur les appelants à 1m,50 de haut;
tirez sur le premier oiseau, doublez vite.
Voici les colverts qui sont au marais parmi les plus beaux
oiseaux. Ils arrivent, tirez-les en leur début avec du 6 et, lorsqu'ils ont
pris leur duvet de gelée, n'hésitez pas à tirer avec du 4. La chute du colvert
est une belle émotion, même renouvelée bien des fois.
Je pense qu'au-dessus de tout il faut beaucoup tirer.
L'entraînement est, comme dans tous les sports, générateur de grands succès.
S'il ne vous est pas possible de brûler des cartouches,
entraînez-vous dans votre chambre, où vous viserez un point donné très vite.
Recommencez vingt fois l'essai : c'est un excellent exercice de vitesse et
de précision qui fera de vous un bon tireur.
Voici quelques conseils qui pourront être utiles au jeune
chasseur.
Votre fusil est maintenant à votre couche, vous aurez acquis
cet automatisme qui vous permettra de viser avec calme et confiance en vous, ce
qui est, à mon avis, la qualité indispensable du grand tireur.
Jean DE WITT.
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