Cette magnifique forêt, une des plus belles de France,
sinon la plus belle, offre au chasseur comme au veneur tous les plaisirs que
peut procurer la pratique du sport cynégétique.
Ce n'est pas, certes, par la densité du gibier que la chasse
en forêt de Compiègne peut attirer et passionner l'amateur, car elle a payé,
comme la ville elle-même, un lourd tribut à la guerre et à l'occupation.
Toutefois les équipages de chasse à courre sont reconstitués
depuis l'année dernière et offrent chaque semaine, en saison, le spectacle de
leurs découplés, ajoutant au caractère de notre historique cité.
En ce qui concerne la chasse à tir du petit gibier,
l'administration forestière délivre chaque saison à plus de quatre cents
licenciés le droit de s'adonner à leur sport favori les jeudis et dimanches. Ce
droit, qui comprend, en outre, le tir du sanglier, peut s'exercer dans
l'ensemble du massif forestier, déduction faite d'une partie nettement
délimitée, formant réserve de chasse.
En raison du nombre de licenciés, le petit gibier sédentaire
reste malheureusement trop rare. Rendons toutefois, en passant, un hommage
mérité aux dirigeants dévoués de la Société des licenciés, qui, grâce à
l'encaisse fournie par l'ensemble des adhérents, ont déjà pu procéder à des
lâchers de faisans et de lièvres, permettant ainsi tous les espoirs pour les
saisons à venir.
En dépit des nombreuses bredouilles, le nombre des disciples
de Nemrod ne décroît pas d'une année sur l'autre dans notre belle forêt.
La grosse majorité des porteurs de fusil « vise le gros
coup » et vit dans l'espoir de « réussir un cochon » ! ...
D'autres comptent sur d'abondants passages de ramiers et d'autres, enfin,
rêvent de bécasses depuis septembre et comptent les jours qui les amèneront au
suprême diagnostic : elles sont arrivées.
Faisant partie des derniers nommés, je crois, en fin de
compte, que nous sommes les moins déçus. En effet, pour le sanglier, le facteur
chance tient une grande place et, s'il y a beaucoup d'appelés, il y a aussi,
comme au Paradis, bien peu d'élus ! ... Pour les ramiers, malgré
l'abondance des glands et des faines, ces deux dernières années :
déception complète ! ... Quant à la bécasse, chaque mois de novembre
nous en amène plus ou moins, mais toujours assez pour permettre au bécassier,
équipé d'un bon chien, d'attiser en lui le feu de cette passion que rien ne
peut rebuter ni dépasser.
Cette forêt offre alors, pour cette chasse, des endroits
infiniment variés, avec ses taillis, ses gaulis et ses futaies d'essences
diverses, et une topographie de lieux également changeante allant des pentes
des « Beaux-Monts » et de l'« Ortille » aux marais du « Vivier »
ou de la « Michelette », en passant par les enceintes triangulaires
et riches en fougères du « Puits du Roi ».
Si ces endroits n'ont pas, c'est bien certain, la densité en
bécasses de quelques régions bretonnes privilégiées, il n'en est pas moins vrai
qu'ils offrent à l'amateur toute la gamme des joies inégalables dispensées par
cette chasse.
Je dirai même que cette moindre abondance de bécasses et les
difficultés qu'il faut vaincre pour réussir décuplent le plaisir du coup de
fusil proprement réussi et paient largement de la fatigue harassante en fin de
journée.
Chaque année, avec mon ami B ..., dont le jarret n'a
d'égal que la sympathique bonne humeur et la qualité de son coup de fusil, nous
consacrons entièrement à la bécasse nos sorties de chasse bihebdomadaires entre
fin octobre et la mi-décembre suivant la saison.
D'autres gibiers tels que lapins, lièvres, etc. ...,
étant pratiquement inexistants, nos chiens ont fait de la chasse à la bécasse
leur spécialité et peuvent prétendre au titre envié de « forts bécassiers ».
Combien de fois nous a-t-il été donné d'observer, avec toute
la satisfaction que cela peut procurer, l'intelligence et l'adresse de ces
chiens (l'un Épagneul setterisé, l'autre Breton) pour bloquer une bécasse
coureuse en lui coupant la retraite par l'exécution d'un rapide demi-cercle ;
ou encore pour donner de la voix à l'envol de l'oiseau lorsque le chasseur,
n'ayant pu situer son chien à l'arrêt, s'est résigné à attendre dans une
éclaircie, en espérant l'envol de la bécasse dans sa direction. Par contre, si
le chasseur a pu se placer pour servir son chien, celui-ci force l'arrêt au
commandement, mais toujours sans aboyer, puisque le maître n'a pas à être
prévenu.
Toutes ces remarques, et bien d'autres du même ordre, sont
d'ailleurs parfaitement décrites dans les traités sur la bécasse de MM. Georges
Benoist et Édouard Demole, et s'étendre sur la question serait exposer des
faits déjà maintes fois vérifiés par tout bécassier possédant un véritable
chien à bécasses.
Qu'il me soit toutefois permis, pour revenir dans le cadre
de cet article, d'ajouter qu'avec nos deux chiens chassant au galop, par temps
favorable, et dans le style grande quête, nous levons dans nos sorties de
novembre de six à douze bécasses dans la journée, et que par deux fois cette
saison nous sommes rentrés avec chacun quatre bécasses dans notre carnier.
Au total, nous avons tué trente-six bécasses à nous deux
cette année, au passage d'automne, et cela uniquement en forêt de Compiègne, en
chassant les jeudis et dimanches seulement.
Ce résultat peut paraître bien modeste aux yeux de certains,
mais, quant à nous, nous avons su nous en contenter en disant : « Nous
tâcherons de faire mieux la prochaine fois. »
E. G.
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